A qui doute de mon innocence

Publié le 7 mars, 2017

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« Je ne me contenterai pas d’une demi vérité. Je veux que toute la vérité soit dite ». Mon interview dans le JDD

Lundi, pour cause de prescription des faits, la justice a classé sans suite l’enquête visant le député écologiste, Denis Baupin, accusé d’agressions et de harcèlement sexuels par plusieurs femmes. Au JDD, il annonce son intention de porter plainte contre Europe Ecologie-Les Verts et contre les plaignantes.

Lundi après-midi, quelques heures seulement après le classement sans suite de quatre plaintes pour harcèlement et agressions sexuelles le concernant, Denis Baupin a répondu aux questions du JDD en présence de son avocat. Il livre sa vérité sur « l’affaire Baupin » et lui donne une dimension politique. En mai 2016, Isabelle Attard, députée écologiste du Calvados, Sandrine Rousseau, dirigeante d’Europe Ecologie-Les Verts, Elen Debost, maire adjointe EELV du Mans, et Annie Lahmer, conseillère régionale EELV d’Ile-de-France, ainsi que quatre autres femmes qui avaient témoigné de façon anonyme, avaient dénoncé sur Mediapart et sur France Inter, les agissements de Denis Baupin, député écologiste de Paris.

 

Les trois premières avaient porté plainte. Véronique Haché, actuelle directrice d’Autolib’, s’est jointe à leur action en l’accusant d’une agression sexuelle en 2004. Elle travaillait au cabinet de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris. Au total, 14 femmes auraient témoigné contre lui devant les enquêteurs. Ce dossier pose une fois encore la question de la prescription. Elle était de trois ans pour les plaignantes dans l’affaire Baupin ; depuis, elle a été allongée à six ans. La prescription invoquée par le parquet empêchant toute décision sur le fond, la procédure s’arrête là. Les plaignantes ne retirent aucune de leurs accusations. Et le parquet de Paris ne remet pas en cause leur sincérité, ni celle des témoignages qui les ont appuyées. Mais la culpabilité du mis en cause n’est pas établie non plus.

 

Vous bénéficiez d’un classement sans suite, mais avec une conclusion sévère du parquet qui indique : « A l’issue de l’ensemble des investigations il apparaît que les faits dénoncés, aux termes de déclarations mesurées, constantes et corroborées par des témoignages, sont pour certains d’entre eux susceptibles d’être qualifiés pénalement. Ils sont cependant prescrits. » Est-ce satisfaisant d’être sauvé de la sorte?

Le classement sans suite n’est pas une surprise pour moi. Depuis le début je sais que je suis innocent. Après neuf mois d’enquête, la justice reconnaît qu’elle n’a aucune poursuite à déclencher me concernant. Les policiers ont bien fait leur travail. Plus de quarante témoins ont été entendus, j’ai été confronté à l’une de mes accusatrices, mon téléphone que j’ai remis spontanément a été confié à des experts informatiques et le communiqué du parquet montre qu’il n’a trouvé aucune preuve tangible des accusations portées à mon encontre. Il dit juste que les faits dénoncés auraient été « susceptibles » d’être qualifiés pénalement… à condition qu’il y ait eu des preuves, ce qui n’est pas le cas. La prescription n’est pas mon alliée. Certains tentent de la transformer en présomption de culpabilité. C’est toute la perversité de cette opération : lyncher médiatiquement sans que les enquêtes puissent aller au bout. Depuis des mois, je subis une diffamation ignoble. Dès que l’on évoque des agressions sexuelles ou du harcèlement mon nom y est associé. C’est très douloureux. Mon intérêt aurait au contraire été que l’enquête aille jusqu’au bout. Pour moi l’affaire n’est pas terminée, elle ne fait que commencer ! Je veux toute la vérité. Je ne me contenterai pas d’une demi-vérité.

 

Prescrit ce n’est pas blanchi…

Une de mes accusatrices, la députée Isabelle Attard, m’a accusé de l’avoir harcelée en 2013, pendant une période non prescrite. Pourtant le parquet classe sans suite. Il estime donc clairement que son accusation était mensongère.

 

«Quatre plaintes pour dénonciation calomnieuse contre mes accusatrices»

Vous avez donc l’intention de donner une suite à ce classement judiciaire?

J’ai l’intention de déposer quatre plaintes pour dénonciation calomnieuse contre mes accusatrices, qui permettront de lever toute ambiguïté sur le fait que les accusations étaient avérés ou pas, et une autre plainte en diffamation contre le parti Europe Ecologie les verts (EELV). Je voulais attendre la décision du parquet avant de prendre une quelconque initiative. J’avais déjà poursuivi Mediapart et France Inter qui avaient participé à cette opération. Ce qui a déjà valu une mise en examen à Edwy Plenel qui dirige Mediapart. Je ne crois pas d’ailleurs que ses lecteurs en aient été informés. Ces deux médias m’ont condamné sans réserve, sans la moindre prudence, sans la moindre vérification. Ils n’ont cessé de parler de sms alors qu’ils ne les ont même jamais vus. Ont-ils prévenu leurs lecteurs et auditeurs de l’absence de vérification? Au contraire ! Ils ont fait des fac-similés de pseudo sms qui n’ont jamais existé!

 

Pourquoi attaquer EELV?

Ce parti a décidé que j’étais coupable avant même que la justice se prononce. Il y a au moins un communiqué récent qui évoque « les victimes de Denis Baupin » sans aucune précaution dans la formulation. Il y en a eu d’autres. Au cours du congrès du parti, « mes victimes » ont été applaudies à la tribune, on leur a consacré un atelier spécifique… Et Elen Debost a reconnu dans une interview que la direction d’EELV avait aidé à monter l’opération contre moi. A EELV, la présomption d’innocence n’existe pas pour les adversaires politiques. Quand on a une vision à géométrie variable de l’Etat de droit, c’est qu’on n’est pas pour l’Etat de droit.  Après ce qu’on m’a fait subir, je veux laver mon honneur pour moi, pour la suite de ma vie, pour ma femme et mes enfants et pour tous ceux qui portent mon nom. L’affaire Baupin ce n’est pas une affaire de harcèlement sexuel mais une opération de diffamation en bande organisée. Ces gens ont décidé de monter ce coup pour nous nuire publiquement, à ma femme Emmanuelle Cosse et à moi.

 

Comme Marine Le Pen et François Fillon, vous évoquez le coup tordu…  N’est ce pas un alibi un peu facile et bien pratique en politique?

Qu’on me donne une autre explication! Les femmes du parti qui ont refusé de hurler avec les loups ont été sanctionnées politiquement. Véronique Massonneau, député écologiste de la Vienne, qui aurait dû devenir Vice-Présidente de l’Assemblée nationale a été barrée au sein de mon ex-groupe car elle avait refusé de dire qu’elle était une de mes victimes. Barbara Pompili a également été montré du doigt car elle n’a pas suivi la meute. Avant que l’affaire Baupin n’éclate, cela faisait plus d’un mois que ma femme et moi, recevions des appels pour nous prévenir qu’une opération était en cours et qu’on voulait me coller une affaire de harcèlement sur le dos… Le premier coup de fil est arrivé quelques jours après l’entrée d’Emmanuelle Cosse au gouvernement.

 

«Pour l’instant je n’accuse personne.»

Qui serait à la manœuvre?

Je ne sais pas qui est derrière. A l’époque, il y avait des gens qui ne voulaient pas qu’une écologie pro-gouvernementale puisse se construire. Or ma femme venait d’accepter d’être ministre. Il faut se souvenir que Cécile Duflot se préparait alors  pour être la candidate écologiste à l’élection présidentielle. J’étais un de ceux qui apparaissait comme crédibilisant l’écologie en raison de mon action sur la loi de transition énergétique, le tramway… mais je n’étais pas dans la ligne. Et quand on veut noyer son chat…

 

Autant accuser directement Cécile Duflot …

Pour l’instant je n’accuse personne. EELV est un parti complexe, avec des groupes et des sous-courants dont les motivations ne sont pas toujours très lisibles. Je veux que la justice dise quelle est la vérité. C’est pour cela que je porte plainte.

 

L’univers impitoyable de la politique…

Dans l’écologie il y a ceux qui veulent répondre à la crise écologique et ceux qui veulent exploiter la crise écologique pour gérer leur capital politique. Je savais depuis toujours qu’en défendant mes convictions, je prenais des risques mais je n’avais pas pensé que les coups de poignards viendraient dans le dos et seraient de cette nature.

 

EELV serait-il devenu un parti comme un autre?

Dans ce parti, on a toujours voulu faire de la politique autrement. Je ne savais pas que cela voulait dire plus dégueulassement que les autres.  C’est un petit parti qui a eu raison avant les autres mais qui se repose sur ses acquis. Il vit sur la rente de l’image de l’écologie politique. Mais aujourd’hui, cette rente est attaquée de tous côté,  par les autres partis qui ont progressé, par des gens qui comme moi pensent qu’on ne peut pas rester dans la protestation mais qu’il faut mettre les mains dans le cambouis. C’est plus facile de rester sur son siège en disant c’est mal ; c’est mal, c’est mal… Du coup EELV se recroqueville sur un appareil étroit, confiné, nécrosé. Il y a toujours des militants engagés et motivés mais ils n’ont pas voix au chapitre. Cette structure est devenue un boulet pour l’écologie. Aux élections européennes de 2009 on avait fait 16%. Yannick Jadot n’aurait pas eu ses 500 signatures et les sondages le créditaient de 1%.

 

«Zéro preuve car on ne peut prouver quelque chose qui n’existe pas.»

Reste les faits. Vous avez été accusé par quatre femmes qui ont déposé plainte, dont une pour agression sexuelle. Quatorze seraient allées témoigner contre vous au cours de l’enquête…  Ne trouvez-vous pas que cela fait beaucoup de monde pour un complot?

Ce chiffre de 14 est un écran de fumée créé pour masquer le fait qu’il n’y a pas le début d’un commencement de preuve. Cela amalgame celles qui ont monté l’opération contre moi, des rumeurs, et les personnes qui disent ne pas avoir été victimes! Les policiers ont proposé à chacune d’entre elles de déposer plainte. La plupart ne l’ont pas souhaité. On annonçait 14 victimes, il y a eu 4 plaintes, et zéro preuve car on ne peut prouver quelque chose qui n’existe pas.

 

Elles n’ont pas porté plainte pour préserver leur anonymat…

Pas uniquement. La quasi-totalité des femmes présentées comme anonymes dans les articles qui ont été interrogées ont dit qu’elles n’étaient pas victimes. Leur témoignage avait été instrumentalisé et elles ont eu le courage de le dire plutôt que hurler avec les loups. Je note d’ailleurs que même Mediapart a arrêté de parler de « victimes », mais seulement de « témoins ». Il est vrai que j’ai eu avec beaucoup d’entre elles des relations de séduction, de drague. Je ne vais pas dire le contraire. Il y a une certaine façon de vivre avec des relations multiples qui a été la mienne pendant de nombreuses années. On est dans le domaine de la morale. Pas au-delà. Entre adultes consentants, les choses sont libres. Je n’ai jamais rien imposé à qui que cela soit…  L’idée de forcer quelqu’un m’a toujours paru répugnante.

 

«J’ai pu être maladroit mais je n’ai jamais usé de mon pouvoir.»

Vous étiez un des cadres importants de votre parti. Un élu influent à la mairie de Paris, à l’Assemblée… Pouvez-vous admettre néanmoins que les femmes que vous « draguiez » parfois avec beaucoup d’instance se soient senties agressées?

Evidemment, je me suis posé cette question. J’ai pu être maladroit mais je n’ai jamais usé de mon pouvoir ou de ma position hiérarchique pour obtenir quelque chose d’une femme, ou lui imposer une relation. Ce n’est pas dans ma nature, car j’ai toujours du mal avec le sentiment hiérarchique, et le principe même me répugne. Lorsqu’on m’oppose un refus, je comprends. Aujourd’hui, je comprends que certaines ont pu ne pas se sentir libres de dire ce qu’elles pensaient lorsqu’elles ne se sentaient pas sur un pied d’égalité. Si j’avais eu alors l’expérience que j’ai aujourd’hui, je n’aurais pas agi ainsi. Mais ce sentiment ne peut s’appliquer à aucune des plaignantes.

 

Pourquoi?

Isabelle Attard, députée depuis 2012, a voté la loi sur le harcèlement sexuel, son assistant parlementaire est un spécialiste du sujet. Cette femme qui connaît ses droits dit avoir reçu des sms quasi quotidiennement pendant 500 jours sans avoir réagi. Mais elle n’a produit aucun sms, alors que moi j’ai tout donné à la police… En 2016, Sandrine Rousseau était candidate pour être secrétaire nationale d’EELV. Vice-présidente de la région Nord-Pas-de-Calais, elle venait d’y faire perdre la gauche. Se présenter à la tête du parti comme une personne qui rompt le silence face à l’oppression masculine était plus vendeur politiquement… Sandrine Rousseau était également membre de la commission d’accord avec le PS et de celle des investitures pour les législatives. Je ne pense pas que ces femmes soient dénuées de pouvoir… Dans un parti féministe par essence et construction, qui peut croire qu’un prédateur aurait pu sévir en toute impunité sans que personne ne réagisse? Tous les cadres auraient partagés ce sordide secret. C’est peu crédible!

 

Que cherchez-vous en prenant l’initiative de nouvelles plaintes? Cela va être parole contre parole…

Je veux la vérité. Et je vais aller jusqu’au bout. C’est ma vie. Je ne serai plus député dans quelques moi. On ne pourra pas m’accuser de calculs politiques. Ce ne sera pas parole contre parole. J’ai fourni mon téléphone à la justice. Comme c’est un BlackBerry, sa mémoire est ineffaçable.  J’ai été le seul à livrer l’intégralité de mes correspondances aux enquêteurs. Ils ont pu vérifier l’intégralité des échanges que j’ai eus avec les plaignantes.  Ces sms révèlent une intimité qui surprendrait beaucoup ce ceux qui ont cru les accusatrices, de la drague et de la semi-drague. Ils montrent aussi que le lendemain du jour où je suis sensé avoir agressé sexuellement Sandrine Rousseau, elle répond « Ouiiiiii !!! avec plaisir » quand je lui propose de déjeuner avec elle. Elle m’envoie des sms le soir même, comme si de rien n’était. Quelques jours plus tard, elle me propose de « faire la fête » pour célébrer l’accord avec le PS sur lequel nous travaillions. Qui imagine une victime s’enthousiasmant pour faire la fête avec son agresseur ? Une autre des plaignantes me fait l’inventaire de ses amants, une autre encore me confie ses chagrins d’amours car elle vient d’être délaissée pour une autre élue du parti, qui se trouve être une de mes accusatrices. Je n’ai pas été le seul à avoir des relations multiples à EELV… Quant à Elen Debost, quand elle a été confrontée par la police à ses propres sms, elle a déclaré qu’elle n’aurait peut-être pas dû porter plainte contre moi! C’est dans le PV qu’elle a signé! Les articles mentionnaient un témoin qui aurait affirmé à une des plaignantes : « Il a recommencé! ». Interrogé, ce monsieur, qui n’a jamais été contacté par des journalistes supposés avoir mené une enquête approfondie, a indiqué n’avoir jamais prononcé ces mots.

 

«Dans le regard des gens que je croisais, je voyais un harceleur.»

Comprenez-vous que les suspicions provoquées par ce qui reste un… classement sans suite?

Je comprends la colère qui s’exprime depuis lundi de la part de celles et ceux qui ont cru de bonne foi que j’étais coupable. Il y a beaucoup de femmes victimes dans ce pays. Je ne veux en aucune façon que le mensonge de certaines puisse jeter la suspicion sur toutes les autres. Mais leur colère ne devrait pas se tourner contre moi ou contre la Justice, mais contre celles qui ont instrumentalisé leur souffrance et leur combat.

 

On vous disait abattu, vous être très combatif…

Le 9 mai 2016, le ciel m’est tombé sur la tête. Ma vie intime a été déballée sur la place publique. Dans le regard des gens que je croisais, je voyais un harceleur. J’ai fait ce que l’on appelle une très grosse déprime. Je ne me suis plus senti protégé par l’Etat de droit. Je me sentais pris dans une nasse dont je ne sortirais jamais. J’ai tenu car tous les gens qui comptent pour moi ont toujours su que j’étais incapable de faire ce dont on m’a accusé. On a tellement raconté que j’étais coupable que beaucoup de personnes vont pensez que je m’en sors bien. Alors je vais continuer à me battre. Je n’ai pas d’autres choix.

Marie-Christine Tabet – leJDD.fr

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