Vidéosurveillance : Un mauvais coup pour les libertés - Denis Baupin

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Publié le 24 novembre, 2009

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Vidéosurveillance : Un mauvais coup pour les libertés

Hier soir, vers 23h, le conseil de Paris a entériné (de façon provisoire ?) le projet d’implantation de 1009 caméras de vidéo surveillance à Paris. Jusqu’au bout les 9 éluEs vertEs – Sylvain Garel, Danièle Fournier, Véronique Dubarry, Jacques Boutault, Yves Contassot, René Dutrey, Fabienne Giboudeaux, Christophe Najdovski et moi-même – se seront battus contre ce recul des libertés publiques.

Non pas que nous pensions que la majorité municipale soit liberticide. Mais par ce projet, confirmé la semaine passée par le sinistre Hortefeux, force est de constater que la municipalité parisienne donne des moyens supplémentaires, à un gouvernement que tous les partis de gauche jugent liberticide, pour mener sa politique.

Et qu’on ne nous dise pas que 1000 caméras de plus ou de moins ne changent rien ! Sinon, pourquoi une telle débauche d’énergie, une telle alliance contre nature pour les imposer.

Qu’on ne nous dise pas non plus que les libertés publiques sont ad vitam aeternam garanties par la loi ou par la charte éthique adoptée avec la mise en place des caméras. Certes, nous préférons, tant qu’à faire, qu’il y ait une charte éthique, même s’il faut bien constater que nos 9 amendements visant à préciser les principes bien flous qu’elle contient ont été systématiquement rejetés, sans même que le Préfet de Police ou les tenants de cette politique prennent même la peine d’y répondre.

Mais surtout, que pèsent cette charte éthique ou même la loi, face à un gouvernement qui foule au pied le droit – tous les partis de gauche ont dénoncé le renvoi en pays de guerre de 3 réfugiés afghans pour ne prendre qu’un exemple – et qui modifie les lois pour les rendre toujours plus liberticides à chaque fait divers – ce que tous les partis de gauche ont dénoncé à chaque fois, et maintenant les projets concernant les mariages « gris », etc.

Comment peut-on, comme l’a fait Martine Aubry, demander le dimanche la régularisation des sans-papiers et voter le lundi la mise en place de caméras de vidéosurveillance qui, sans aucun doute, seront utilisées pour les pourchasser et les arrêter. Et qu’on ne nous dise pas que c’est impossible ! Le développement des logiciels de reconnaissance faciale automatique qui se développent au sein même de l’Union Européenne, à Amsterdam, ne s’arrêteront pas plus aux frontières que le nuage de Tchernobyl.

Quand il m’a répondu, le Préfet de Police s’est d’ailleurs bien gardé d’apporter la moindre réponse à ce sujet, se contentant de dire que les fonctionnaires ne sont pas liberticides, et que même aux pires heures de l’Histoire française certains avaient sauvé l’honneur. C’est juste, et d’ailleurs notre crainte ne porte pas tant sur les fonctionnaires que sur les politiques démagogues qui les dirigent.

Il suffisait d’entendre certains discours UMP hier soir en séance pour avoir froid dans le dos. Un certain Bournazel, il y a quelques mois, pour faire parler de lui n’hésitait pas à proposer une alliance Verts – UMP. Au vu de son discours d’hier, il aurait plus sa place dans une alliance FN – UMP !

Mais si j’avais pu répondre au Préfet de Police, je lui aurais volontiers indiqué que le fait qu’il y ait des fonctionnaires attachés aux libertés publiques est un bien faible soulagement pour ceux qui sont victimes de leurs violations. Pour reprendre la référence aux heures les plus sombres – que nous nous sommes gardés pour notre part d’utiliser, tant chaque que nous le faisons nous sommes suspectés de dangereux amalgame ; mais là c’est le Préfet qui le premier y fait référence – l’existence de nombreux Jean Moulin dans l’administration fut d’un bien faible soulagement pour les raflés du Vel d’Hiv. Certes, Besson et Hortefeux ne sont pas Laval, mais c’est dès que les instruments potentiellement liberticides sont mis en place qu’il faut s’opposer, pas seulement quand la dérive est irrémédiablement enclenchée.

Ce débat fut aussi l’occasion de pour moi de faire une mise au point suite aux rumeurs et attaques personnelles dont j’ai fait l’objet concernant les caméras dans les transports collectifs et les couloirs de bus. Chaque fois que des dossiers de financement de caméras de vidéo surveillance ont été présentés au CA du STIF lors du mandat précédant, je m’y suis opposé. Et je n’étais d’ailleurs pas seul : les autres élus Verts, mais aussi certains socialistes et communistes s’y opposaient. Et, malgré une rumeur persistante probablement mal informée, je n’ai pas non plus proposé qu’on implante des caméras dans les couloirs de bus : j’avais demandé d’étudier l’implantation de radars – et nous Verts assumons que les radars améliorent la sécurité routière – afin de dissuader la circulation et l’arrêt de véhicules automobiles dans les couloirs de bus. C’est la Préfecture de Police, autorité de tutelle de la sécurité routière à Paris, qui déjà voulait des caméras plutôt que des radars, arguant qu’au titre du montant des infractions il fallait distinguer un véhicule circulant ou à l’arrêt. Notons d’ailleurs qu’à l’époque, les obstacles mis au projet relevaient surtout d’un manque d’entrain pour favoriser les transports collectifs. Mais aujourd’hui, ce qui hier se révélait infaisable ou coûteux devient tout à coup possible quand il s’agit d’asseoir une politique sécuritaire. Nous n’avons décidemment ni les mêmes priorités, ni les mêmes valeurs.

Décidés à se battre pied à pied contre ces 1000 caméras – et à travers elles contre la dérive sécuritaire à laquelle elles contribuent – les 9 éluEs VertEs avaient hier déposé 1009 amendements, proposant de retirer une à une chacune des caméras. Par ce geste, nous voulions interpeller symboliquement nos collègues de gauche et plus globalement l’opinion publique, notamment en utilisant le temps de parole qui nous était réservé pour lire des textes éloquents, à commencer par ceux du Parti Socialiste lui-même sur les libertés publiques !

Contrairement à ce qui a été affirmé, nous ne voulions pas bloquer le fonctionnement démocratique de l’Assemblée municipale. C’est la raison pour laquelle notre Président de groupe, Sylvain Garel, avait proposé que la délibération soit retirée et reportée à un prochain conseil (y compris même exceptionnel la semaine prochaine) avec un débat organisé qui limite les temps de parole comme l’autorise le règlement intérieur du conseil. Nous avions même proposé de reporter la délibération à la fin de ce même conseil, afin de ne pas retarder le vote des autres délibérations inscrites.

Aucune de ces propositions de bon sens n’a été retenue. Au contraire, par une incroyable alliance de tous les autres groupes, et sous le regard du Préfet de Police, les règles les plus fondamentales du droit des assemblées ont été violées et notre groupe n’a pu ni défendre ses amendements (à part les deux premiers) ni même les soumettre au vote. Et l’alliance contre nature qui s’est constituée à cette occasion a entériné son projet dans des conditions juridiques extrêmement fragiles, qui laissent penser que nous sommes loin d’en avoir fini avec ce dossier… Et cela tombe bien. Car les éluEs VertEs, et le parti des Verts plus globalement, ne baisseront pas les bras et continueront de se battre jusqu’au bout.

Denis Baupin

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