Libération: «Les écologistes sont sortis du confortable rôle d’opposant critique» - Denis Baupin

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Publié le 18 septembre, 2012

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Libération: «Les écologistes sont sortis du confortable rôle d’opposant critique»

17 septembre 2012 à 19:59

Denis Baupin, à Paris, le 6 juin 2012. (Photo François Guillot.AFP)
INTERVIEW
Nucléaire, traité européen, droit de vote des étrangers… Le député EE-LV s’exprime sur le positionnement de son parti dans la majorité.

Par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN
Au premier jour des journées parlementaires d’Europe Ecologie-Les Verts à Nantes,
Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée nationale, évoque sa satisfaction après la conférence environnementale et son opposition au traité budgétaire européen. Il demande aussi au Premier ministre de désavouer Manuel Valls après ses propos sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.


Avec dix-sept députés, douze sénateurs et deux ministres, EE-LV n’a jamais été autant partie prenante du pouvoir.

Nous avons complètement changé de dimension. Nous avons désormais un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et nous appartenons pleinement à la majorité actuelle. Nous sommes aux manettes, ce qui nous place en capacité de vraiment faire changer les choses et nous sort du confortable rôle d’opposant critique.


Après la conférence environnementale, les écologistes ont applaudi François Hollande et de Jean-Marc Ayrault. Votre secrétaire national, Pascal Durand, a même évoqué «un moment de plaisir»…

Le résultat de la conférence environnementale montre la pertinence de notre choix d’être dans la majorité. C’était un pari de signer un accord avec les socialistes, en mettant au cœur la transition écologique. Visiblement, il est réussi. Nous ne sommes qu’au démarrage d’un processus, mais le président de la République et le Premier ministre ont envoyé des signaux très forts. Ils ont ouvert les portes à la transition que nous portons depuis des années. Maintenant, nous leur disons : chiche !

Comme expliquez-vous cette «verdisation» soudaine du discours de l’exécutif? Par la crise? Par tactique politique à un moment où des actes forts étaient attendus?

Il y a sûrement un peu de tout ça, mais peu importe. Depuis des mois, on disait que les écologistes avalaient des couleuvres, or la conférence environnementale a montré le contraire. On ne nous demande plus si nous allons quitter le gouvernement et les couleuvres supposées apparaissent comme des initiatives individuelles. Le gouvernement a bien compris le réservoir de développement économique que représente la transition écologique. D’autant plus en période de crise, dont la forte hausse du prix de l’énergie est une des causes majeures. Nous importons 60 milliards d’euros de pétrole et de gaz chaque année, mieux vaut investir cet argent sur notre territoire. La voiture qui consomme 2 litres aux 100 kilomètres, projet repris par Ayrault, est un chantier majeur et il est important que les plus hautes autorités de l’Etat affirment que le véhicule sobre est l’avenir de l’industrie automobile.


En matière de nucléaire, la fermeture confirmée de la centrale de Fessenheim en 2016, c’est suffisant ?

Même si nous ne voulons pas limiter la transition énergétique à cette dimension, le nucléaire reste un point crucial. Nous sommes satisfaits que le président de la République ait confirmé l’arrêt de Fessenheim, ce qui ne nous empêche pas de dire que 2016 nous semble une date trop tardive. Mais plus important que la fermeture administrative, il y a le moment où on arrête les réacteurs en appuyant sur l’interrupteur. Nous demandons à ce que ce soit fait le plus vite possible, notamment pour faire des économies.


Comment ça?

Pour continuer, au-delà de juin 2013, à faire fonctionner Fessenheim, il faut, selon le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), investir des dizaines de millions d’euros. Nous pensons qu’il vaut mieux investir cet argent dès maintenant dans le démantèlement de la centrale, pour en faire une vitrine de ce marché qui s’annonce considérable et sur lequel la France peut être un fleuron. Dans l’accord législatif que nous avons signé avec les socialistes, l’objectif est de faire émerger une filière d’excellence dans le domaine du démantèlement. Je propose donc que le gouvernement demande à la Cour des comptes s’il y a une pertinence économique à investir dans des travaux coûteux plutôt que dans les emplois d’aujourd’hui et de demain. Dernier point, nous sommes inquiets du laxisme en matière de sûreté nucléaire : il y a de nombreux incidents et très peu de sanctions. L’ASN reste très faible. Nous voulons donc qu’à l’occasion du renouvellement de ses membres, en novembre prochain, son nouveau président soit une personnalité au-dessus de tout soupçon. Nous demandons également que le collège de l’ASN accueille des opposants au nucléaire. Il est important que chacun puisse faire confiance à l’ASN.


La plupart des parlementaires EE-LV ont l’intention de voter contre le traité budgétaire européen. N’y-t-il pas un risque de fracture de la majorité?

Tout d’abord, je me réjouis que Jean-Marc Ayrault et son ministre des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, disent désormais qu’ils cherchent à convaincre et qu’ils n’usent pas d’un argument d’autorité. Nous ne sommes pas dans le registre de la majorité au garde-à-vous, mais nous ne trouvons surtout pas pertinent de dramatiser la ratification d’un traité qui est d’abord un héritage du pouvoir précédent. Ce texte ne définit ni notre idéal européen, ni celui des socialistes. Ce qui m’amène à être contre le traité budgétaire, c’est d’abord parce qu’il incarne un frein à la transition écologique. A un moment, il nous faudra bien investir fortement dans des reconversions industrielles et énergétique, et nous aurons alors besoin de pouvoir nous endetter positivement. Nous ne souhaitons pas que la «règle d’or» soit instituée par un traité et nous ne pensons pas qu’à nous: le redressement dans la justice doit rester possible pour tous les Européens. C’est pour cela que nous défendons un non fédéraliste. J’espère que nous arriverons à avoir une position unanime en ce sens.


Que répondez-vous à Manuel Valls, qui juge que le droit de vote des étrangers aux élections locales n’est «pas une revendication forte» et «pas un élément puissant d’intégration»?

Ce genre de propos est attristant. Et même si on peut en comprendre le but, nous ne partageons pas le positionnement de Manuel Valls, qui se pose en ministre de l’Intérieur fort incarnant une gauche responsable. Même en étant responsable, je croyais que la position de la gauche c’était l’équilibre des droits et des devoirs, pas seulement les devoirs, les devoirs et encore les devoirs. Et parmi les droits, s’il y a bien un combat emblématique de la gauche depuis trente ans, c’est le droit de vote des étrangers aux élections locales comme une reconnaissance de l’intégration des résidents étrangers non communautaires à la vie de la cité.


Et faites-vous de ce droit un facteur d’intégration?

Evidemment! Quand ils iront dans les bureaux de vote choisir leur maire, ou quand ils seront candidats pour être conseillers municipaux, ils se sentiront davantage intégrés. Quel républicain, et Manuel Valls revendique d’en être un, peut penser le contraire? Au moment où Vincent Peillon nous parle de la morale laïque est des symboles liés à la République, affirmer que le droit de vote n’est pas un facteur d’intégration apparaît comme un non sens.


Demandez-vous à Jean-Marc Ayrault de clarifier la position du gouvernement ?

Bien sûr. La question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’une sortie solitaire de Manuel Valls, dans un positionnement tactique de partage des rôles au sein du gouvernement dont chacun pourra penser ce qu’il veut, ou bien s’il s’agit d’un revirement du gouvernement en opposition avec les engagements de campagne de François Hollande. Un rappel à l’ordre serait utile, il faut que le Premier ministre réaffirme que cette promesse non négociable sera tenue.

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