Rien de tel qu’un épisode climatique un peu atypique, comme c..." /> Péril climatique : un test miniature qui confirme la vulnérabilité de nos sociétés - Denis Baupin

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Publié le 12 janvier, 2009

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Péril climatique : un test miniature qui confirme la vulnérabilité de nos sociétés

Rien de tel qu’un épisode climatique un peu atypique, comme celui que nous vivons depuis quelques jours, pour vérifier la forte vulnérabilité sociale, énergétique et économique de nos sociétés. Confirmation est donnée que la robustesse climatique reste à construire, qu’elle doit être anticipée et organisée. Et ce d’autant plus que l’épisode actuel est une bien pâle copie de ce qui pourrait nous attendre dans quelques années, et en pire encore, dans quelques décennies.

Vulnérabilité sociale d’abord : comme chaque année, des dizaines de personnes mourront seules, de froid, dans la rue, dans les bois, ou chez elles, dans un pays qui est pourtant l’un des plus riches du monde, où le niveau de confort moyen n’a jamais été aussi élevé, mais où les disparités ne cessent de s’aggraver entre ceux qui se gavent au Fouquet’s et les victimes de ce vaste laminoir. On aurait aimé entendre le premier ministre français exprimer la même indignation face aux morts de la rue que pour dénoncer un aéroport et quelques autoroutes fermées : deux poids, deux mesures. On aurait aimé que les gigantesques moyens médiatiques mis en œuvre autour du sauvetage d’un navigateur ou d’un pilote du « Dakar », qui se sont mis eux-mêmes en danger dans la société du spectacle, soient déployés pour celles et ceux qui, à leur corps défendant, se retrouvent au ban de la société, loin des caméras. Y a-t-il des vies qui valent plus que d’autres ? Parce qu’elles sont médiatiquement plus valorisables ?

Organiser la robustesse sociale c’est pourtant le premier impératif si on veut que nos sociétés soient capables de résister aux crises à venir. Les solutions sont connues, qui permettraient de l’accroître en garantissant à chacun un socle de droits vitaux : un toit (en situation d’urgence évidemment, mais aussi de façon pérenne), un revenu universel (comme nous l’avions proposé au niveau parisien aux dernières municipales), l’accès à une alimentation saine (une « carte fruits et légumes » par exemple), etc. Mesures au coût certes non négligeable, mais tellement ridicule au regard des 400 milliards dégagés en quelques jours pour sauver les banques des errements des traders et banquiers.  On peut enfin se demander si, sans ce filet de protection pour chacun, nos sociétés seront capables de rester civilisées et démocratiques face aux crises ?

Vulnérabilité énergétique et environnementale aussi : il a suffit de quelques jours de froid pour qu’apparaisse au grand jour l’extrême vulnérabilité du système énergétique (notamment électrique) français, et plus dramatiquement encore celle de l’Europe. On avait déjà pu constater il y a quelques mois, quand le prix du pétrole a commencé à croître, combien le mythe de « l’indépendance énergétique » française qui avait justifié le tout nucléaire français était mensonger (avec une facture pétrolière annuelle de près de 50 milliards d’euros). On a eu la confirmation pendant cette dernière semaine que même « l’indépendance électrique » française était un mythe : à chaque pic de consommation, le système électrique menace de sauter, se révèle extrêmement fragile aux extrémités du territoire (comme en Bretagne), et oblige à remettre en service des centrales thermiques les plus polluantes (voire même à importer !) pour satisfaire la pointe de la demande. La généralisation du chauffage électrique est bien une hérésie : dans le pays le plus nucléarisé du monde, il ne peut fonctionner que grâce aux centrales les plus émettrices de gaz à effet de serre ! Au niveau européen, cette vulnérabilité est encore bien plus patente, puisque, année après année, l’approvisionnement en gaz de certains des 27 se retrouve pris en otage – et ce de plus en plus brutalement – dans le bras de fer russo-ukrainien.

Organiser la robustesse énergétique est donc le second impératif. Là encore, attendre d’être en crise pour réagir, c’est être sûr d’échouer. Cette robustesse énergétique passe à la fois par une sécurisation de la production énergétique, dans laquelle les renouvelables peuvent jouer un rôle majeur : d’ores et déjà, la petite production éolienne française aura permis d’éviter la mise en service de 2 centrales thermiques. En 2020, si les objectifs européens sont atteints, c’est l’ensemble de la production thermique qui pourra être évitée. On est loin du rôle subalterne auquel certains voulaient cantonner les renouvelables. Mais la robustesse énergétique passe aussi, évidemment, par la réduction des consommations énergétiques : les réponses structurelles sont connues (isolation thermique, transports collectifs, etc.) mais elles ne sont pas instantanées. En attendant, il apparaîtrait simple et évident, en période de vulnérabilité énergétique, de supprimer les consommations inutiles pour consacrer l’énergie disponible aux besoins essentiels : il suffit de constater les résistances (idéologiques, médiatiques, techniques) à l’arrêt des illuminations des bâtiments publics ou des panneaux publicitaires à Paris, où je l’avais pourtant proposé depuis plusieurs jours (en phase avec une campagne associative sensibilisant les collectivités), pour confirmer que la capacité à répondre aux crises doit être anticipée.
Précision utile : la robustesse énergétique de nos sociétés ne peut être pensée uniquement dans l’espace franco-français. Comment ne pas être révolté quand, dans un même journal télévisé, on nous montre des bulgares, des polonais, des italiens, etc. grelottant, victimes de l’interruption de livraison du gaz russe alors qu’il fait -15°C chez eux, et d’autre part des dirigeants français répétant en boucle « dormez tranquille, nous nous avons 70 jours de stocks ! ». Quel cynisme ! Quel égoïsme ! C’est ça la solidarité européenne ? Le rendez-vous électoral de juin prochain sera l’occasion de porter une toute autre vision, celle d’une Europe qui s’était construite autour du charbon et de l’acier et pourrait enfin construire une communauté de l’énergie durable.

La vulnérabilité environnementale n’est d’ailleurs pas qu’énergétique : avec les pics de froid reviennent les pics de pollution. Là encore, quelle disproportion entre la gravité de l’alerte face à un air toxique (au point qu’on invite les enfants, les personnes âgées, les malades respiratoires à rester enfermés chez eux et à éviter toute activité !) et l’inaction des pouvoirs publics face aux sources de pollution, les automobilistes étant invités à rouler moins vite (avec l’inefficacité de ces invitations connue depuis des années) et bénéficiant du stationnement résidentiel gratuit ! Construire la robustesse environnementale de nos villes face à ces épisodes de pollution, c’est donc, ici aussi, anticiper, et prévoir de réelles restrictions de circulation et en conséquence un renforcement des transports collectifs, faute de quoi on continuera à s’apitoyer sur l’accroissement des maladies respiratoires, mais à donner priorité à ce qui les cause !

Enfin, conséquence des vulnérabilités sociales et énergétiques, cet épisode climatique est aussi source de vulnérabilité économique. La Commission Européenne a commencé à chiffrer le coût économique de cet épisode, notamment dans les pays les plus impactés par la rupture d’approvisionnement gazier. Une preuve supplémentaire que plus de mondialisation économique, c’est plus de dépendance, et donc plus de vulnérabilité. Construire la robustesse économique c’est donc privilégier l’indépendance énergétique et la relocalisation de l’économie.

Pour autant, ne nous leurrons pas : il faudra bien plus que les coups de menton d’un François Fillon, s’indignant qu’un pays moderne ne soit pas capable de faire fonctionner aéroports et autoroutes quelles que soient les conditions climatiques, pour que nous soyons capable de faire face aux aléas du dérèglement climatique. Un peu de modestie, de prise de conscience de l’incapacité des êtres humains à dominer la nature serait même bonnes conseillères : il est plus que probable que nous soyons entrés dans une phase de l’histoire de l’humanité où les contraintes naturelles imposeront plus fortement leur loi aux générations futures qu’aux générations qui les ont précédées (et ce pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, où la quête du « progrès » se résumait souvent à accroître le contrôle sur la nature). Une civilisation qui se voudrait robuste face à ce qui nous attend, une civilisation post-pétrole, devrait peut-être commencer par l’admettre et apprendre à distinguer les besoins réels de l’humanité qu’il faut préserver et le superflu dont nous devons désormais nous passer.

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