Publié le 9 novembre, 2011
0N’en déplaise à M. Proglio, la sortie progressive du nucléaire créera des emplois
La fébrilité du lobby nucléaire franchit un nouveau stade. Dernier exemple en date, l’édition du 9 novembre du Parisien donne une tribune au patron d’EDF. Jamais avare d’approximations, M. Proglio avance des chiffres sans commune mesure avec la réalité et les études existantes. Il prétend ainsi qu’un million d’emplois seraient condamnés par une sortie du nucléaire. Plus c’est gros…
Rétablissons la vérité des chiffres: le nucléaire aujourd’hui en France, c’est 100 000 emplois directs et 300 000 emplois indirects, soit 400 000 emplois, chiffre cité par le patron d’EDF. Mais en plus, M. Proglio invente 500 000 délocalisations d’emplois sorties du chapeau et qui ne sont étayées par aucune démonstration ou étude sérieuse. Pour faire bonne figure il ajoute 100 000 « futurs » emplois à l’export qui ne seraient pas créés, sans doute pour atteindre le chiffre symbolique du million.
Ce que montrent les exemples étrangers de sortie du nucléaire est strictement inverse. D’une part, les emplois directs seront préservés sur une longue période dans le cadre d’une sortie progressive du nucléaire. Il y a un avenir pour les salariés du nucléaire dans une hypothèse de sortie: il faudra gérer les centrales en fin de vie, démanteler le parc, garantir la sécurité des installations et de l’héritage radioactif que la politique énergétique française passée et actuelle lègue pour des milliers d’années et notamment traiter et stocker les déchets. Or cela nécessite non seulement de préserver les emplois, mais aussi de former de nouveaux salariés.
D’autre part, et l’exemple allemand le prouve largement, sortir du nucléaire c’est entrer dans une économie d’efficacité énergétique, et faire émerger enfin des modes de production d’énergieréellement respectueux de l’environnement. Et cela représente la bagatelle de 600 000 emplois à créer, dans la filière des énergies renouvelables et du bâtiment notamment. Donc en regardant la réalité en face, sortir du nucléaire, c’est créer de l’emploi en France, qui plus est non délocalisable!
Reconnaissons malgré tout à M. Proglio l’honnêteté d’avouer implicitement que le modèle nucléaire dépérissant un peu partout dans le monde, les hypothèses largement surévaluées de création de 100 000 emplois pour l’exportation atomique se révèlent totalement caduques. La responsabilité n’en revient pas aux seuls écologistes, mais aussi aux gouvernements et peuples du monde entier qui ont tiré les leçons de Fukushima. Il y a par contre un domaine où la France pourrait encore devenir leader mondial si elle le décidait, celui de la constitution d’une filière d’excellence dans le démantèlement.
La seule véritable démonstration de cet interview est qu’EDF n’a pas anticipé les changements mondiaux. De nombreux pays,nos plus proches voisins comme de nombreux pays dans le monde, ont décidé de sortir du nucléaire. Ils vont en connaître les bénéfices pour leur développement industriel et la dynamique de l’emploi localement. Le train du développement énergétique soutenable pour la planète a commencé à avancer sans nous, et plutôt que de chercher à le rattraper, les nucléocrates de tout bord veulent nous faire rester à quai. Il n’est pas trop tard pour nous tourner ver l’avenir.
Denis Baupin, Maire Adjoint de Paris chargé du développement durable, de l’environnement et du plan climat
Hélène Gassin, Vice-Présidente de la Région Île de France chargée de l’environnement, de l’agriculture et de l’énergie.