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Publié le 17 janvier, 2007

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Les leçons d’une lutte

Qu’est-ce qui peut expliquer ce succès soudain ? La proximité d’échéances électorales ne peut suffire. Sinon, cette question aurait pu connaître les mêmes avancées il y a 5 ans ou 10 ans. Les combats menés depuis l’hiver 54, les occupations par le DAL, etc. n’ont pas manqué depuis des décennies, mais elles n’ont jamais permis des avancées aussi « fulgurantes ». Les commentateurs s’accordent à dire que les Enfants de Don Quichotte ont réussi un formidable « coup médiatique ». Et c’est vrai que la mise en scène de ces tentes, alignées le long du canal, était particulièrement visuelle. Mais là encore, l’analyse me semble un peu courte.

Je me permets donc une hypothèse : celle que cette lutte a réussi à toucher rapidement les esprits (voire les cœurs) parce qu’elle impliquait, au moins symboliquement, la mise en lumière d’une mise en danger individuelle de la part des acteurs, à l’intérieur d’un mouvement collectif.

Certes cet hiver est particulièrement doux (on en connaît les raisons, par ailleurs !). Mais s’il avait connu les températures habituelles de cette période, et malgré toutes les précautions prises par les organisateurs, le risque d’une mise en danger, y compris vitale, de la part d’un des « campeurs » ne pouvait être exclu. D’une certaine façon, ce campement renouvelait le genre de la grève de la faim, en moins dramatisant, et surtout en plus collectif. Or, ce dernier point est essentiel : dans toutes les actions de ce type, si le collectif ne prend pas le relais rapidement, de façon massivement visible, la mise en danger d’un seul, ou de quelques-uns, peut faire courir un risque trop important aux acteurs.

Cette « mise en danger » a une double conséquence. La première est l’urgence : quand les sans-papiers font la grève de la faim, ou quand les SDF campent le long du canal, l’accident irréversible peut intervenir à tout moment. La collectivité peut difficilement se permettre de « laisser pourrir », à la différence d’une occupation par exemple. Elle doit donc réagir vite. Mais aussi avec une seconde conséquence : c’est qu’indéniablement la mise en danger personnelle rend l’action immédiatement sympathique à l’opinion publique. L’action n’est pas violente, elle ne met en danger personne, si ce n’est l’auteur. Mais en plus, elle envoie le signal que, si l’auteur est ainsi acculé à devoir prendre de tels risques, c’est sans doute que sa motivation doit être profonde et importante, voire vitale.

En ce sens, même si l’action des Enfants de Don Quichotte était légale, elle rejoint largement les méthodes de la désobéissance civile, où celui qui désobéit se met lui aussi en danger, certes pas de façon vitale, mais au niveau des conséquences judiciaires de ses actes. La popularité de José Bové a démarré au moment où arrêté et les menottes aux poignets, il montrait qu’il était prêt à renoncer pour un temps à sa liberté pour la lutte qu’il menait.

On peut regretter qu’il faille en arriver là pour attirer l’attention. Mais pour secouer la torpeur des habitudes et les résistances, on n’a jamais trouvé mieux que de faire appel aux consciences individuelles.

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