Publié le 30 septembre, 2009
0Les citoyens du monde veulent en découdre avec le réchauffement climatique
mercredi 30 septembre 2009
par François Rebufat
S’il existe un débat d’intérêt mondial, c’est bien celui concernant le réchauffement climatique. Le Conseil danois de la technologie l’a bien compris et a initié la tenue d’une série de conférences de citoyens simultanément dans près de quarante pays. Les résultats permettent de faire le point sur la question et de lever quelques idées toutes faites.
Il est urgent qu’un accord soit trouvé lors du prochain Sommet des Nations Unies sur le climat (COP15) qui se tiendra à Copenhague en décembre 2009. Tel est le premier message que veulent faire entendre 90% des 4400 citoyens ayant participé à 44 conférences de consensus dans 38 pays ce 26 septembre 2009. Organisée sous l’initiative du Conseil danois de la technologie, cette série de rendez-vous internationaux sur le réchauffement climatique constitue le premier exercice de consultation citoyenne à l’échelle mondiale. Si les résultats ne sont pas surprenants, ils viennent cependant renforcer l’idée que les populations se montrent très concernées par le réchauffement climatique et ses impacts et lever quelques idées préconçues sur la question.
Faut-il croire que les citoyens du monde se satisfont de la position américaine proposant au mieux une réduction de 5% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020 ? Si l’Europe va jusqu’à proposer une réduction de 20%, ils sont 89% à penser que l’effort doit être plus important avec une réduction de plus de 25% (dont un tiers proposent même de monter au delà de 40%). Pour Corinne Lepage, invitée lors de la séance de restitution des résultats à la Cité de Sciences du 29 septembre 2009, « cette exigence des citoyens risque de rendre les discussions de Copenhague difficiles du fait de la position frileuse des Etats-Unis sur la question ». L’ancienne Ministre demande aux citoyens du monde entier de peser sur les Américains pour qu’ils poussent leur gouvernement à reconsidérer ses positions.
Autre sujet de tension : faut-il augmenter les prix des combustibles fossiles pour réduire les émissions de GES ? Sur ce terrain, les pays riches rechignent avec 25% d’avis favorable à l’absence de régulation des prix de ces combustibles (ils ne sont que 17% pour les pays les plus pauvres). Le pétrole semble être une manne sacrée notamment pour les Français puisqu’au sein du panel- 35% des personnes sont hostiles à toute régulation. Pour Denis Baupin, adjoint Vert à la Mairie de Paris, « un effort d’explication et de pédagogie doit être mené pour corriger ce blocage sur les prix des combustibles ». Mais une telle démarche sera-t-elle efficace ? Pour beaucoup de Français, la voiture est encore le seul moyen de transport utilisable pour aller travailler tous les jours et la chaudière au fioul l’unique source de chauffage pour la maison… La pédagogie a ses limites quand elle rencontre la réalité quotidienne et sa dimension économique.
A-t-on entendu dire que le réchauffement climatique est une préoccupation de pays riches ? Rien n’est moins sur, puisque 86% des citoyens des pays les plus pauvres affirment se sentir très concernés par les conséquences du changement climatique contre seulement 47% pour les plus riches. Ces citoyens des pays pauvres ne demandent cependant pas que les pays de l’Annexe 1 soient plus particulièrement impliqués dans le financement de la lutte contre le réchauffement climatique. Si 30 % des citoyens, tous pays confondus, estiment que tout le monde doit payer, ils sont 6% dans les pays riches à souhaiter que seuls les pays de l’Annexe 1 paient, contre 13% pour les pays les plus pauvres.
Au-delà de fournir des réponses à la douzaine de questions-types qui leur ont été posées, les participants furent aussi invités à émettre quelques recommandations. La création d’une organisation mondiale pour l’environnement indépendante et d’un fond monétaire pour le climat afin de se montrer financièrement solidaire ou le développement de l’éducation à l’environnement sont parmi les plus importantes.
Durant la séance de restitution à la Cité des Sciences, les invités ont fait le bilan de cette expérience plutôt unique. Pour Gilles-Laurent Rayssac, Directeur de la mission Gouvernance et Développement Durable pour le cabinet Bernard Brunhes Consultants, « cette première manifestation d’une démocratie mondiale, environnementale et participative, a permis de souligner les trois défis du réchauffement climatique : éduquer les citoyens, animer le débat politique et protéger la démocratie contre la tentation autoritaire ». Pour les associations présentes (Greenpeace, France Nature Environnement et le Réseau Action Climat France), cet événement est l’occasion de demander qu’une véritable éducation à l’environnement soit mise en place, que le rendez-vous de Copenhague débouche sur des accords contraignants, et qu’enfin les ONG soient associées aux négociations. Pour Arnaud Gossement, représentant de France Nature Environnement (FNE), « ces résultats marquent une victoire de la science car le lien entre réchauffement climatique et émission de GES ne fait aucun doute dans l’esprit des participants. Ils soulignent une défaite des solutions technologiques miraculeuses, des solutions comme le stockage du CO2 n’ayant pas été retenues par les panels de citoyens ».
Dans le public, certains estiment que ces conférences de citoyens ont peu de valeur. Si elles sont soupçonnées de ne servir qu’à entériner les idées que veulent véhiculer leurs organisateurs, peut-on aussi se fier à la pertinence des réponses des citoyens sur des questions aussi complexes, reposant sur tellement d’incertitudes scientifiques et ayant des enjeux sociopolitiques difficiles à cerner ? Ces derniers n’ont eu qu’une documentation plutôt sommaire pour s’informer au préalable et une seule journée pour dialoguer ensemble. Les grandes associations présentes ne s’opposent pas à ce genre d’événement, mais précisent néanmoins que ces manifestations ne sont en rien assimilables au travail qu’elles produisent et à l’engagement durable de la société civile dans le débat démocratique.
Les résultats peuvent être consultés sur le site www.WWViews.org