Publié le 8 juin, 2009
0Le Journal du Dimanche : 10. 000 Parisiens chauffés à l’eau chaude naturelle
Le plus grand chantier de géothermie en cours sur Paris Nord-Est, à la Porte d’Aubervilliers, vient de franchir une étape. Les deux forages sont terminés. On développe désormais la centrale et le réseau de chaleur. Ce système d’énergie renouvelable va monter en puissance jusqu’en 2014 mais devrait fournir les premiers clients l’an prochain. L’installation va alimenter la ZAC Claude-Bernard, la ZAC MacDonald, le quartier Curial, la Grande Halle de la Villette et de futurs bâtiments. Au total, 850. 000 m 2, dont 488. 000 m 2 de logements et 213. 000 m 2 de commerces. Une ville dans la ville: plus de 10. 000 habitants sont concernés.
Dans la perspective des objectifs du Grenelle de l’environnement, la géothermie est un atout : elle ne réchauffe pas le climat et n’exige ni transport ni stockage de matières polluantes. L’eau est pompée dans le Dogger, une nappe d’eau chaude datant du jurassique (170 millions d’années) à une profondeur de 1. 800 m. Elle sort à 57 0 C et, délestée de son énergie après avoir chauffé les bâtiments, elle est réinjectée à 20 0 C dans la nappe aquifère. La ressource est donc préservée. Ce recours à la géothermie évitera l’émission de 14. 000 tonnes de CO 2 par an.
Les deux puits sont prévus dans une zone où il n’y a pas encore de construction. D’ici à 2010, la zone devrait évoluer vers un espace de réserve naturelle planté d’espèces végétales.
Diminuer la dépendance énergétique de la capitale « Il Y a deux puits, l’un pour pomper l’eau, l’autre pour la restituer. Ils sont creusés selon les techniques du forage pétrolier. Situés côte à côte en surface, ils sont distants de 1. 500 m au niveau de la nappe. Cela permet de conserver l’équilibre hydrodynamique de l’aquifère, c’està- dire ne pas verser de l’eau refroidie sur le lieu de prélèvement », explique Norbert Bommensatt, ingénieur à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Les installations relèvent de la haute technologie : elles doivent résister à cette eau salée, sulfurée, corrosive, de la mer préhistorique. L’investissement atteint 31, 2 M € (dont 11 M € pour les puits et 9,2 M € pour le réseau de distribution).
« A Paris, si l’on n’a pas de pétrole, on dispose de la géothermie, énergie renouvelable qu’il s’agit d’utiliser avec précaution », prévient l’adjoint (Verts) au maire de Paris Denis Baupin. La ressource est abondante: entre les eaux de l’Albien (à 600 m de profondeur, à 27 0 C, elles chauffent la Maison de la radio) et le Dogger, il existe plusieurs nappes intermédiaires. Une étude montre que le potentiel géothermique situé sous la future ZAC des Batignolles est comparable à celui du quartier Paris Nord-Est. On envisage aussi de forer un puits sur la ZAC Paris Rive gauche (13e) et dans le sud-ouest de Paris. Si l’on cumule les ressources des énergies renouvelables (géothermie, solaire, biomasse), on pourrait, remarque l’adjoint chargé du développement durable, diminuer de 20 % la dépendance énergétique de la capitale.
Reste la question des coûts. Selon Denis Baupin, la facture énergétique pourrait ne pas baisser automatiquement. Mais la géothermie rend l’approvisionnement énergétique indépendant des conflits internationaux et des spéculations à grande échelle. Norbert Bommensatt estime pour sa part qu’il faut rendre la géothermie « attractive mais pas gratuite pour éviter le gaspillage et garder des usagers responsables ». Même chère, la géothermie a le vent en poupe. « Avec l’Ademe, le conseil régional a lancé un programme de relance de la géothermie sur 2008-2013.
Il prévoit de forer six nouveaux puits, dont celui de Paris Nord-Est, et d’en rénover six autres », souligne Michel Vampouille, vice-président (Verts) du conseil régional. En 2011, l’aéroport d’Orly devrait disposer de son installation géothermique (l’eau est à 74 0 C), couvrant le tiers de ses besoins. Ainsi, 7. 000 tonnes de CO 2 seront économisées sur les 20. 000 produites par le chauffage classique.
Hervé Guénot