Publié le 24 novembre, 2008
0Le JDD : Denis Baupin – « Il ne faut pas donner d’argent aux seuls constructeurs »
Maire-adjoint de Paris chargé de l’Environnement, le Vert Denis Baupin a toujours voulu freiner le trafic automobile dans la capitale. S’il ne se réjouit bien évidemment pas de la « catastrophe sociale » que connait actuellement le secteur automobile, il est convaincu que les constructeurs ont « refusé » d’anticiper un nouveau mode d’utilisation des voitures, plus sobre que par le passé.
Vous avez combattu l’automobile à Paris. Vous sentez-vous responsable de la crise du secteur?
Au contraire! Heureusement que nous avions anticipé, en développant les transports collectifs et Vélib. Si les gens achètent moins d’automobiles, c’est parce qu’elles coûtent de plus en plus cher avec la hausse du prix du pétrole, qui va inéluctablement se poursuivre. Nos concitoyens ont pris conscience que les voitures posent de graves problèmes de pollution de l’air. Je l’écrivais il y a deux ans (*), de nombreux signaux d’alerte ont montré que le tout-voiture est terminé. Nous sortons de l’ère du gaspillage pour entrer dans celle de la sobriété. Les constructeurs ont refusé de le voir. Ils ont été aussi irresponsables que les banquiers qui ont investi dans les subprimes.
Mais la crise s’est déjà traduite par des milliers de suppressions d’emplois…
Je ne me réjouis pas de cette catastrophe sociale. Les salariés qui perdent leur emploi sont les premières victimes de l’autisme des constructeurs. D’ailleurs les fabricants de véhicules moins polluants, comme la Smart (Mercedes), souffrent beaucoup moins que Renault ou Peugeot-Citroën. Les constructeurs français n’ont pas changé de mentalité, comme le montre le lancement d’un 4×4 par Renault en pleine flambée du prix du pétrole. Ils combattent depuis des années les projets européens visant à limiter la puissance des véhicules alors que cette réglementation les encouragerait à produire des voitures moins gourmandes.
L’Etat et l’Europe doivent-ils aider les constructeurs?
Cela pourrait s’envisager uniquement avec la garantie que ces fonds servent à développer des véhicules moins polluants. Mais ce n’est pas forcément aux constructeurs qu’il faut donner de l’argent. Il serait plus efficace de mener une grande opération de reconversion industrielle et de reclassement des salariés dans le secteur des transports doux (vélo, bus, metro, etc). A distance et nombre de voyageurs égaux, le transport collectif crée deux fois plus d’emplois que la voiture, tout en étant plus écologique. Et ce sont pour beaucoup des emplois non délocalisables, contrairement aux usines automobiles.
Propos recueillis par Yann PHILIPPIN
(*) Tout voiture, no future, L’Archipel, 18,90 euro