Publié le 28 janvier, 2010
0Energies renouvelables: en finir avec la mauvaise foi
Energies renouvelables: en finir avec la mauvaise foi
La schizophrénie du gouvernement, en matière d’environnement en général et d’énergies renouvelables en particulier, vient d’atteindre un stade alarmant avec les péripéties autour du tarif d’achat du solaire photovoltaïque.
Après les atteintes systématiques au développement de l’éolien – il existe aujourd’hui en France une forme de moratoire de fait, puisque les dossiers ne sont plus instruits dans les préfectures – c’est maintenant le solaire photovoltaïque qu’on tente d’entraver… A rebours des envolées lyriques officielles en faveur de la diversité énergétique et de la lutte contre le dérèglement climatique.
Après l’avoir annoncé il y a un an, le gouvernement a publié, le 13 janvier, les nouvelles règles pour l’achat de l’électricité solaire. Ces nouveaux tarifs ne sont pas bons puisqu’ils découragent les installations architecturales innovantes d’intégration au bâti sur le neuf (hors logement) et la majorité des projets d’équipement de bâtiments existants : pour bénéficier d’un tarif d’achat élevé, il faudra remplacer le toit plutôt que de simplement poser les panneaux dessus… Les nouvelles règles vont lourdement pénaliser les nombreux projets en cours en zone urbaine ou sur des bâtiments d’activité agricoles ou commerciaux.
Anticipant sur ce changement annoncé depuis un an, de très nombreux porteurs de projet avaient déposé leurs dossiers entre novembre et décembre pour bénéficier des anciens tarifs. Voyant arriver des milliers de dossiers, dont un grand nombre resteraient peut-être dans les cartons, il semble que le gouvernement ait pris peur. Il a donc désamorcé la « bulle spéculative » en prévoyant que les nouveaux tarifs soient quasiment rétroactifs: Les projets déposés depuis le 1er novembre 2009 mais n’ayant pas fait une demande de raccordement au réseau au 11 janvier 2010 passent sous le nouveau régime. Ce gouvernement aurait donc à cœur de lutter contre la spéculation et les excès de rentabilité !
Grâce à cet acte héroïque, les quelques centaines d’agriculteurs et gérants de supermarché qui auraient construit des installations solaires « trop rentables » ne le feront pas. Que les choses soient claires: les écologistes que nous sommes ont toujours dénoncé la course au profit et la spéculation, mais dans un pays qui laisse la grande distribution s’enrichir à millions au détriment des petits fournisseurs et qui refuse de distribuer équitablement les aides agricoles, cette subite poussée de vertu pour quelques milliers d’euros prête à sourire.
A l’appui de ce combat, le ministère explique que les énergies renouvelables coûtent cette année 500 millions d’euros aux consommateurs d’électricité, et on a pu lire ici ou là que si les « spéculateurs » n’avaient pas été freinés, cela nous aurait coûté des milliards et fait exploser nos factures.
Or, selon la Commission de régulation de l’énergie, les énergies renouvelables, avec 64 millions d’euros en 2009, ne constituent que 3% de la Contribution aux charges de service public de l’électricité (CSPE) prélevée sur nos factures. La CSPE sert à financer plusieurs dispositifs dont la péréquation tarifaire, les tarifs de première nécessité et les tarifs d’achat. La part des énergies renouvelables correspond à la différence entre le tarif d’achat et le prix de l’électricité sur le marché. Or, comme ce dernier augmente chaque année, les renouvelables coûtent mécaniquement de moins en moins cher.
La part « solaire » de notre facture représentant moins de 0,5%, le risque d’une explosion semble bien circonscrit !
Dans un pays qui tolère, voire encourage, la spéculation immobilière et boursière, qui gratifie les plus riches d’un bouclier fiscal, qui laisse les banques distribuer primes et bonus par centaines de millions, qui démonte pièce par pièce les outils de redistribution et de service public, la seule activité condamnable pour immoralité serait les énergies renouvelables ?
Ce qui gêne dans cette « bulle spéculative » du solaire, ce ne sont pas les petits profits mais bien le développement à grande échelle d’énergies renouvelables que l’on préfèrerait garder dans une niche de communication tout en continuant à favoriser les « vraies énergies sérieuses » : le pétrole, le charbon, le gaz et bien sûr le nucléaire.
Oui, il faut éviter les abus dans le développement des énergies renouvelables et, oui il y a un impératif de qualité et de concertation dans ce domaine… comme dans les autres. Mais si, comme il l’affirme, la préoccupation du gouvernement était de concilier éthique économique et développement durable des énergies renouvelables, au lieu d’inventer des réglementations vexatoires, il encourageait l’investissement collectif et citoyen, il donnerait aux territoires une compétence élargie et un droit à l’expérimentation.
Si la maîtrise des factures d’électricité était un objectif, alors le gouvernement aurait empêché EDF d’empocher centaines de millions d’euros initialement destinés au renouvellement et à l’entretien des réseaux de distribution, facture que nous allons repayer via une augmentation de nos factures – réelle celle là – de 10% en 4 ans.
Messieurs Borloo et Sarkozy affirment sans broncher qu’ils tiendront l’objectif européen du « paquet climat-énergie » de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation française d’énergie mais… sans développer les énergies renouvelables.
Face à cette mauvaise foi, à cette morale à géométrie variable, nous opposons une autre logique : que les Régions, avec les villes et les territoires, réinventent, avec les citoyennes et citoyens, et les acteurs de leurs territoires, un service public des énergies renouvelables ambitieux et juste. Car nous, nous ne renoncerons ni à l’intérêt général, ni aux 23% d’énergies renouvelables, ni aux 240 000 emplois qui vont avec !
Pour cela, nous nous engageons et mettrons en œuvre de véritables paquets climat-énergie régionaux, nous démocratiserons l’accès aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables avec des mécanismes financiers adaptés (prêts bonifiés, chèques éco-énergie) et développeront des opérateurs publics, ouverts à l’investissement citoyen, pour développer les énergies renouvelables et rénover à grande échelle les logements.
Face au dérèglement climatique, face à l’épuisement des matières premières énergétiques non renouvelables, nous ne pouvons plus attendre. L’écologie c’est maintenant.
Denis Baupin, adjoint au maire de Paris chargé du développement durable, de l’environnement et du plan climat. Membre de l’exécutif des Verts.
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Tête de liste Europe Ecologie en Ile-de-France pour les élections régionales de mars 2010.
Hélène Gassin, spécialiste des questions d’énergie. Candidate Europe Ecologie en Ile-de-France pour les élections régionales de mars 2010.