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Publié le 9 novembre, 2008

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De retour de New York

J’ai eu la chance de passer la période du 3 au 6 novembre 2008 à New York, à l’invitation d’une société de production (E2) notamment d’une série de documentaires écologistes, extrêmement gentils et accueillants, à l’occasion de la projection en avant première d’un documentaire intitulé « Paris : vélo liberté » auquel j’ai largement participé… et auquel Brad Pitt a prêté sa voix (voir ci-dessous).

Je n’aurais sans doute pas traversé l’Atlantique pour cela, si ce n’était l’occasion de vivre sur place un événement historique, l’élection du premier candidat noir à la Présidence des USA. Et je n’ai pas été déçu.
Je vous épargnerai la multitude de sentiments, impressions, émotions ressenties lors de ce premier contact avec cette « ville monde » qu’est New York. Tant a déjà été dit, montré, au point même qu’on a presque l’impression, à chaque coin de rue, d’être « dans un film ». Chaque décor nous est déjà familier, sans y avoir jamais mis les pieds. 3 jours à en prendre plein les mirettes.

Juste deux constats très généraux :

– l’un social : la cohabitation, à quelques dizaines de mètres, de quartiers riches et modernes (les tours pullulent) et de quartiers nettement plus pauvres avec de nombreux immeubles mal entretenus. Situation finalement assez classique, mais qui me frappe peut-être plus encore à quelques dizaines de mètres de Wall Street.La crise économique et immobilière n’arrange rien.
– l’autre « environnemental » : l’automobile est omniprésente (et pas des Smarts !), mais deux choses frappent : un espace public hétéroclite et plutôt mal entretenu (le summum étant atteint dans le métro) mais simultanément (depuis deux ans sous l’impulsion de l’équipe municipale) des signes d’un début d’évolution vers un nouveau partage : des couloirs de bus (certes à la peinture), des aménagements cyclables (certes épars et disparates, mais totalement nouveau pour cette ville) et en conséquence un nombre visible de cyclistes (+ 35% depuis 2 ans, semble-t-il).
Je passe sur la mosaïque bien connue des quartiers, le gigantisme des immeubles, la profusion de taxis oranges, et ici et là quelques jardins partagés ! Plein les mirettes.

Yes we can

L’événement du séjour est évidemment le 4 novembre 2008. Tous les sondages annoncent l’événement. Mais le rêve peut il vraiment devenir réalité ? Je suis invité à participer à la soirée dans un grand loft d’artistes new yorkais, avec projection sur le mur des grandes chaînes d’information américaines. Tout le monde est démocrate, cela va de soit à NY. Même un militant vert croisé le lendemain (et très admiratif de ce que nous faisons à Paris !) m’avouera avoir voté Obama tant l’enjeu est crucial.
Chaque fois qu’on annonce un Etat important acquis à Obama, les cris rageurs de joie et de victoire sortent de toutes les poitrines. Très vite, la cause est entendue. La victoire ne peut plus échapper, les deux chambres sont acquises aux démocrates… Ne reste qu’à attendre fébrilement 23h (heure de NY), heure de fermeture des bureaux de la cote ouest, pour être vraiment sûrs. Les victoires précédentes, volées, sont dans tous les esprits.
15 secondes avant 23h, nos hôtes entament le compte à rebours, et à l’heure dite, le visage d’Obama apparaît sur l’écran, le journaliste annonce qu’il est le nouveau Président des Etats Unis… et c’est le délire ! En boucle revient cette phrase « I can’t believe it, I can’t believe it ».

Deux images s’imposent dans ma tête et s’associent spontanément : le 10 mai 81 (un autre visage qui apparaît à l’écran) et la chute du mur de Berlin, tant l’événement a une dimension nationale et internationale. Certes l’expérience commande de rester vigilants : les suites du 10 mai 81 comme de la chute du mur nous ont montré que l’histoire reste un processus chaotique. Mais cela reste des dates avec un « avant » et un « après », et personne ne voudrait revenir « avant ». Une étape historique est franchie. Le monde vient de faire un pas en avant ce 4 novembre 2008.
L’élection acquise, on attend les discours. Déjà certains de nos hôtes reçoivent des sms et des mails de remerciements signés Obama. Y a pas à dire, il y a du métier !Le discours de Mc Cain, très digne, très « à la hauteur de l’événement » est applaudi par nos hôtes à plusieurs reprises. Beaucoup de dignité.
Celui d’Obama est encore plus attendu. Il est vécu très fortement. Je ne peux m’empêcher de guetter si un mot, une phrase, enverra un signe montrant que la question des déséquilibres planétaires fait bien partie de la grille de lecture du nouveau Président. Et je ne suis pas déçu. A peine fini les remerciements d’usage, il entame sur la situation difficile qui s’impose à lui, et ne cite que 3 faits : « 2 guerres », « une crise économique sans précédent depuis un siècle » et, entre les deux, « planète en danger » ! Quelque chose vient bien de changer, y compris sur ces questions, à la tête de la première puissance du monde. La question écologique se trouve bien tout en haut de l’agenda.

On verra bien quelles seront les suites. Mais ce 4 novembre place à la fête jusque tard dans la nuit, dans les rues où les gens se croisent joyeux en criant « Yes we can ! ». Un profond sentiment de joie et fierté émane d’eux. La honte ressentie depuis 8 ans, ils ont réussi à l’effacer. Ils n’ont plus honte d’être américains.

Ground zéro

Le lendemain, je suis donc invité à présenter vélib. Mais le lieu est pour moi inattendu : au 40ème étage de la première tour reconstruite après les attentats du 11 septembre. On m’accueille en me disant qu’il s’agit d’une « tour verte ». Faute de temps, et surtout parce que mon interlocuteur n’a pas l’air d’en savoir plus, je n’arriverai pas à en savoir plus sur ce que ce terme cache, si ce n’est – ce que plusieurs personnes me confirmeront avec fierté – que cette tour répond aux standards les plus modernes de la sécurité : sa solidité repose sur son coeur central : si un avion s’écrase sur la tour, elle ne s’écroulera pas ! Pas grand chose de « vert » là dedans, mais une exigence qui en dit long sur l’état d’esprit qui règne dorénavant.

Avant la projection, j’ai aussi la chance de passer une heure en tête à tête avec le Président de l’Académie des Sciences new yorkaise. Dialogue passionnant avec une personnalité très ouverte, à rebours de l’image poussiéreuse et dogmatique de son homologue française, qui souhaitait me rencontrer dans le cadre de son projet déjà bien avancé de constituer un réseau de scientifiques des grandes villes du monde qui rencontrent les mêmes problèmes de développement durable (transport, eau, déchets, etc.). Nous convenons ensemble de rechercher des synergies avec le C40 (cf mon compte rendu de Tokyo). Quel espoir, quel réconfort, de constater l’émergence, partout dans le monde, d’une communauté de décideurs, chercheurs, associatifs, citoyens, bien décidés à ne pas subir résignés la « catastrophe » prévisible, à constituer un réseau coopératif, multiforme, multipolaire, mais où domine, omniprésente, l’idée qu’on est tous dans le même bateau, qu’on se sauvera tous ensemble ou coulera tous ensemble.

Vélib à New York

La projection du documentaire se déroule devant près de 200 responsables (élus, associatifs, blogueurs, experts et organisateurs des transports, etc.) new yorkais. Les organisateurs eux-mêmes sont surpris de l’affluence, surtout au lendemain d’une longue nuit agitée.
C’est un public de connaisseurs et de passionnés qu’il n’est pas difficile de conquérir et qui vient surtout là pour voir comment adapter le dispositif à NY, pour « m’instrumentaliser » pour faire pression sur la municipalité. Vu de New York, surtout au travers de la magie du film qui associe la beauté de Paris à la réussite de Vélib, il est fascinant de voir l’engouement suscité. Mes interlocuteurs les plus férus de déplacement alternatifs me raconteront par la suite combien l’expérience parisienne a peu à peu supplanté celle de Londres, comme modèle pour les new-yorkais militants.
e débat me permet de retrouver mon ami André Lavallée, maire adjoint de Montréal, qui inaugurera d’ici peu un service de plus de 2000 vélos, et Janet Sadek Khan responsable des déplacements à New York (et dont le nom sera évoqué le lendemain pour rejoindre l’équipe d’Obama).

Brad n’est pas là ;-(, sauf sur la bande sonore. Pourtant, la veille il était bien à Chicago !

Sympathique débat, dans une ambiance très imprégnée de la victoire de la veille. Facile dans ces conditions d’exposer en quoi un service de vélo en libre service, c’est l’occasion de permettre à chacun de participer au changement… mais aussi de montrer que le changement écologique n’est pas une régression, qu’il peut être ludique.
En conclusion, à la question de l’installation d’un même système à New York, je ne résiste pas à leur lancer « Yes, you can ». Facile, mais effet garanti !

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