Publié le 20 mars, 2012
0Convention des Maires : interview de Denis Baupin
Les collectivités locales françaises se mobilisent au sein de la Convention des Maires
Interview de Denis Baupin, adjoint au maire de Paris.
Denis Baupin est adjoint au maire de Paris, ville signataire de la Convention des Maires, et co-ordinateur du Club France des signataires, une plateforme d’échange ouverte à tous les maires engagés de France. Denis Baupin est également Vice-président d’Energy Cities. Après la création du Club France de la Convention des Maires, une nouvelle étape a été franchie en janvier de cette année avec le lancement de « l’Alliance pour l’énergie locale », une initiative qui a pour but de mutualiser les savoir-faire et expériences des acteurs publics, privés et associatifs afin d’accélérer la transition vers une économie plus durable et plus juste.
Interviewé par le Bureau de la Convention des Maires, Denis Baupin a accepté de partager quelques réflexions à l’origine de cette nouvelle initiative.
Après la création du Club France des Signataires de la Convention des Maires en octobre 2011, 2012 sera l’année du lancement d’un tout nouveau concept, « l’Alliance française pour l’énergie locale ». Pourriez-vous nous en dire plus, en particulier sur ce qui a motivé la création de cette nouvelle plateforme ?
Le constat à l’origine de cette Alliance est relativement simple : notre modèle de consommation et de production actuel a montré ses limites, nous ne pouvons plus nous satisfaire d’un statu quo et devons précipiter l’avènement d’une transition énergétique. Cette transition ne sera pas uniquement le fruit d’innovations technologiques. Nous aurons surtout besoin d’ingénierie sociale pour inventer de nouvelles façons de travailler ensemble et mutualiser les compétences et les moyens, afin de faire face aux problèmes communs. L’énergie ne peut plus être considérée comme une simple marchandise, mais comme une problématique qui nous concerne tous, et à laquelle nous pouvons tous contribuer.
C’est également un domaine qu’il convient de traiter aux niveaux local et régional, car c’est là que l’énergie est consommée et qu’il est possible d’influer sur les ressources naturelles utilisées.
Au vu de ces considérations, nous avons décidé de lancer l’Alliance pour l’énergie locale, laquelle rassemble les signataires de la Convention des Maires et l’ensemble des acteurs socio-économiques ayant un intérêt à la réalisation d’une telle transition, à savoir les organismes professionnels, les universités et établissements d’enseignement, les agences de l’énergie, les associations de collectivités locales, les industriels, les ONG et bien d‘autres encore.
L’objectif de cette Alliance, en coopération avec le Club France, sera d’échanger des points de vue sur la transition énergétique, de promouvoir l’effet de levier des concepts et techniques énergétiques décentralisés pour relancer le développement local et formuler des recommandations auprès des instances décisionnaires et institutions nationales et européennes. Ce faisant, nous aidons notre gouvernement à remplir les engagements énergétiques et climatiques qu’il a pris dans le cadre des 3 x 20. Des initiatives similaires sont actuellement mises en place dans une douzaine d’autres pays avec l’aide de NET-COM, un projet européen co-financé par le programme Energie Intelligente pour l’Europe (EIE) de la Commission européenne.
Avez-vous l’intention de solliciter les institutions nationales et européennes ? En avez-vous déjà pris l’inititiave ?
Oui. Au nom du Club France de la Convention des Maires, j’ai adressé une lettre au commissaire européen pour l’énergie, M. Günther Oettinger, dans laquelle le club se réjouit des orientations politiques qui ont été prises jusqu’à présent en soutien à la Convention des Maires, comme le lancement de l’instrument ELENA, et insiste sur le rôle primordial joué par le programme EIE– notamment pour ce qui est de la mise en oeuvre des objectifs politiques de l’UE – ainsi que par la proposition de Directive sur l’Efficacité Energétique de la Commission qui prévoit de rénover 3 % de bâtiments publics par an. De même, nous sommes favorables à plusieurs aspects de la proposition de la Commission concernant l’avenir de la politique de cohésion, notamment l’obligation pour certaines catégories de régions d’allouer 20 % de leurs fonds aux mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique.
Nous avons également profité de ce courrier pour rappeler que la crise économique actuelle représente une opportunité, plus qu’un obstacle, pour la mise en oeuvre de politiques énergétiques et climatiques. La Convention des Maires a déjà prouvé être un moteur essentiel dans ce domaine, notamment parce qu’elle incite à l’action dans les secteurs du logement, des transports et de la production locale d’énergie. De telles mesures permettent de relancer l’activité économique locale, notamment grâce aux investissements dans les projets de rénovation énergétique et de production d’énergie décentralisée, et favorisent la création d’emplois. Dans un pays centralisé comme la France, la Convention des Maires fait également office de catalyseur pour démultiplier les initiatives locales, comme en témoigne le lancement du Club France et de l’Alliance.
Nous espérons donc que le Commissaire continuera à soutenir activement la Convention des Maires et, par conséquent, à aider les collectivités locales et régionales à traduire ces objectifs européens en résultats tangibles, favorables aux citoyens.
Enfin, et non des moindres, nous tenterons d’influencer le processus législatif au niveau national, et avons déjà adopté une feuille de route identifiant les mesures à prendre pour ce faire.
Le 16 février, la Commission Européenne inaugurait le Forum Urbain 2012, initiant ainsi un dialogue avec les maires sur le développement urbain. Selon vous, comment la Convention s’intègre-t-elle dans ce dispositif?
Je crois que c’est une bonne chose que plusieurs signataires de la Convention des Maires aient été invités à prendre part à cette plateforme de dialogue. En fait, les maires engagés dans la Convention devraient tous avoir leur mot à dire dans ce processus, directement ou au travers des représentants des clubs nationaux. Ce sont en effet des partenaires incontournables des institutions, car ils se sont engagés volontairement à atteindre et dépasser les objectifs européens et à rendre compte régulièrement de leurs actions. Ils sont donc bien placés pour établir des recommandations sur l’évolution des politiques en matière de développement urbain.
L’énergie est par ailleurs une problématique transversale et la méthodologie de la Convention des Maires repose précisément sur une approche intégrée de la gestion de l’énergie durable. Les signataires de la Convention peuvent donc non seulement alimenter le débat sur la planification intégrée, mais également apporter un éclairage pratique sur des thématiques plus concrètes, en lien avec l’énergie.
Je pense qu’un autre objectif clef de ce processus est de définir un cap pour la future politique de cohésion. Dans ce domaine, nous, signataires de la Convention des Maires, avons de grandes attentes. L’une d’elles est de voir se réaliser le souhait du parlementaire européen Jan Olbrycht : faire de l’adoption d’un Plan d’action pour l’énergie durable un critère d’éligibilité pour l’attribution des fonds structurels. Ceci inciterait les villes à adopter, elles aussi, un plan d’action, passant ainsi de l’intention aux actes.