Publié le 15 juin, 2008
0Libération: « Des idées sexy j’en ai quelques-unes ! »
Denis Baupin, devenu adjoint au développement durable de Bertrand Delanoë après le score décevant de la liste qu’il conduisait aux municipales à Paris -6,7% contre 12,3% en 2001-, ressort du bois. Celui que la droite surnommait « l’ayatollah anti-voiture » lorsqu’il pilotait le dossier sensible des transports dans la capitale, lance une offensive politique ce week-end lors du Conseil national des Verts. Il s’explique sa stratégie dans Libération.
Vous vous lancez à l’assaut des Verts?
Notre objectif est avant tout de relancer les Verts. Avec nos résultats à la présidentielle et aux législatives, je constate que, même si le travail de nos élus locaux est reconnu, comme nos scores aux municipales l’indiquent, les Verts ont beaucoup perdu en crédibilité nationale. Nous devons reconquérir cette crédibilité dans un paysage politique bouleversé par trois nouveaux facteurs. D’une part l’explosion du prix du baril de pétrole, le cyclone en Birmanie, les émeutes de la faim le montrent : la crise écologique que nous avons annoncée, est là. Parallèlement, nous n’avons plus le monopole de la parole sur l’écologie. Tout le monde en parle même si c’est surtout avec l’intention de ne rien faire. Résultat: aux yeux de l’opinion publique, l’écologie semble appropriée par tous les partis. Enfin, il y a aujourd’hui en France des personnalités politiques reconnues comme écologistes mais qui ne sont pas chez les Verts, à l’instar de José Bové ou de Nicolas Hulot. A partir de ces trois éléments, nous devons donc redéfinir et rendre lisible l’utilité d’un parti écologiste. Nous devons être ceux qui apportent des réponses positives à la crise écologique qui conjuguent diminution des gaspillages, justice sociale et activité économique robuste, c’est-à-dire capable de résister aux crises.
Concrètement cela veut dire quoi?
Par exemple favoriser l’isolation thermique des logements permet de réduire nos émissions, de baisser la facture de chauffage et de créer des dizaines milliers d’emplois non-délocalisables. Quand nous faisons Vélib à Paris, cela encourage la mobilité propre, notamment pour ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une automobile et cela a provoqué un boom de 35% des ventes de vélo à Paris en 2007. Enfin lorsque nous proposons une carte «fruits et légumes», cela permet d’assurer une alimentation de qualité aux ménages aux revenus modestes tout en favorisant la réinstallation d’agriculteurs bio.
Vous souhaitez rassembler l’aile «gauchiste» des Verts et les environnementalistes proche d’Yves Cochet. N’est-ce pas l’alliance de la carpe rouge et du lapin vert? Je ne le dirais pas comme ça, mais nous nous situons en effet au croisement du courant qui préconise la décroissance et de ceux qui prônent l’écologie populaire. Faire baisser les gaspillages et les pollutions ne doit pas se payer par moins de justice sociale. Au contraire, notre projet doit répondre aux deux défis à la fois. Voilà pourquoi, avec Noël Mamère, nous voulons rassembler à la fois Yves Cochet, Alain Lipietz, Marie Blandin et beaucoup d’autres.
Est-ce pour prendre en sandwich l’actuelle majorité composée d’amis de Cécile duflot (actuelle secrétaire nationale) et de Dominique Voynet pour la renverser au prochain Congrès en décembre?
Je ne sais pas ce que proposeront ni Cécile Duflot ni Dominique Voynet au Congrès. Nous ne posons pas les questions en terme de politique politicienne interne : notre objectif est d’aboutir à un véritable « Congrès d’Epinay » de l’écologie politique dès 2009. Pas au sens d’un parti monolithique derrière un chef unique bien sûr, comme l’a été le PS de Mitterrand. Mais pour construire une organisation multipolaire ouverte, qui tisse des relations avec les mouvements associatifs et sociaux qui nous sont proches. Nous avons l’ambition d’aboutir à une offre politique où tous ceux qui se retrouvent dans cet arc entre José Bové et Nicolas Hulot puissent nous rejoindre. Il faut que l’écologie politique change de braquet rapidement, sortir les Verts de l’image sectaire qu’ils ont parfois et leur faire faire un saut qualitatif. Une chose dont je suis sûr: nous n’occupons pas correctement notre espace politique.
Pour les éléctions Européennes de juin 2009, l’actuelle direction va soumettre ce week-end au Conseil national sa proposition de listes ouvertes, avec José Bové et Dany Cohn Bendit en têtes d’affiche…
Si tout le monde progresse dans le même sens, tant mieux. Des listes ouvertes aux européennes ce serait un premier signal positif. Mais nous ne le concevons pas comme un coup médiatique sans lendemain, mais une première étape vers un véritable changement. Nous ne prétendons pas être les seuls porteurs d’un projet pour les Verts. Mais il est important de porter ce débat au prochain Congrès.
Est-ce une façon pour vous de rebondir, après votre échec aux municipales?
Pendant sept ans, je me suis beaucoup consacré à Paris et moins aux instances nationales des Verts. Je fais le constat que l’image nationale des Verts est parfois plus un boulet qu’un atout pour nos élus locaux. Quant à Paris, Delanoë a réussi à s’approprier le bilan positif de nos réalisations (le tramway, Vélib) et à nous en faire endosser les aspects négatifs, les embouteillages et les travaux de voirie… On a servi de paratonnerre parce que nous avions la volonté politique d’agir. J’ai assumé. Mais on n’oubliera pas la leçon !
Le maire de Paris ne vous a-t-il pas neutralisé en vous confiant le dossier très transversal du développement durable?
Je ne le vis pas du tout comme ça. Avec cette délégation j’ai l’occasion de peser sur l’ensemble des politiques sans me laisser enfermer dans des aspects trop techniques. Je n’ai pas été élu pour planter des petits drapeaux «Baupin» sur des réalisations, mais pour faire baisser en six ans à Paris nos émissions de gaz à effet de serre. Mon challenge, c’est réussir le plan climat, peser pour que l’empreinte écologique de Paris baisse. Comptez sur moi pour y mettre autant d’énergie que dans le mandat précédent !
C’est quand même moins sexy que le Vélib?
Sauf que j’ai surtout été caricaturé en Monsieur embouteillage. Mais ne vous inquiétez pas, des idées sexy j’en ai quelques-unes ! »
Par Mathieu Ecoiffier – LIBERATION.FR : samedi 14 juin 2008