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Publié le 31 mai, 2011

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Collectif de soutien aux Biffins : pour l’élaboration d’alternatives à la répression.

Texte fondateur adopté par le collectif, le 27 Avril 2011.

L’Est parisien (et plus particulièrement les quartiers de Belleville, de la Porte de Montreuil et celle de Bagnolet) voit depuis plusieurs années se développer un phénomène souvent appelé « Marchés de la Misère » et que nous préfèrerions voir appelé « Marché de la Récup », symptôme de l’extrême précarité de vie d’une part de plus en plus importante de nos concitoyens.

Les « biffins » sont les descendants des vendeurs originels des marchés aux puces. Les foires où se vendaient divers objets d’occasion ont laissé́ des traces dans l’histoire de France. Sous le Second Empire était instauré́ un droit de chiffonnade entre minuit et 5 heures du matin et dès la fin du XIXe siècle, les anciennes zones de fortification en périphérie de Paris étaient occupées par des chiffonniers. On commence à parler de « marché aux puces » depuis 1891. Plusieurs plans de restructuration furent mis en place, notamment un plan en 1967 sur le modèle du Rastro de Madrid.

Si la « biffe » a donc toujours existé (chiffonniers, revendeurs d’objets récupérés) – et a toujours été plus ou moins tolérée -, son développement actuel dans des marchés de plusieurs centaines de revendeurs, ne trouve d’autre explication que l’état de nécessité que connaissent des pans entiers de notre société. Face aux vendeurs, ce sont aussi des centaines de chalands qui, exclus de la consommation classique faute de revenus suffisants, trouvent quotidiennement dans ces marchés de quoi subvenir à leurs besoins. Le système consistant à revendre des objets de récupération est aujourd’hui vital pour un grand nombre d’acheteurs qui y trouvent des produits nécessaires, à des prix très bas, abordables pour leur très faibles revenus. Enfin les objets récupérés connaissent une seconde vie, plus utile que d’alimenter simplement les poubelles des grandes villes. Ces « travailleuses et travailleurs du recyclage » répondent donc à une utilité sociale et écologique.

Surgit ainsi dans l’espace public, une économie de survie, qui pose question dans le Paris du 21e siècle : celle de la précarité grandissante, et dans le même temps celle de la revente d’objets usagers recyclés comme alternative au consumérisme productiviste.

L’impact de ces marchés sur l’espace public occasionne du mécontentement chez de nombreux riverains. Mais les pouvoirs publics n’ont jusqu’ici élaboré qu’une seule réponse, inopérante : la répression policière. Il est regrettable que les responsables politiques de nos municipalités se délestent de leurs propres responsabilités sociales en envoyant les forces de l’ordre et sans élaborer aucune autre proposition constructive. Dans le même temps, l’arsenal législatif, au travers de la Loi Loppsi2 renforce la criminalisation à l’encontre des revendeurs, dont l’activité est dorénavant réprimée de 3750 euros d’amendes et de prison avec sursis.


Les nuisances supportées par les riverains sont réelles : trottoirs impraticables, déchets laissés sur place, tensions liées à la menace répressive et à la concurrence entre les vendeurs etc. Faute d’encadrement adapté, ces marchés de la récup sont des lieux propices au développement de ventes interdites (produits volés, produits alimentaires périmés,…).

La répression n’a rien résolu. Au mieux elle déplace temporairement le problème. Ainsi ces marchés se forment et se dispersent, parfois plusieurs fois par jour au gré de la disponibilité des Brigades Territoriales mises en place spécialement par la Préfecture de Police Aux difficultés supportées par tous (habitants, commerçants voisins, biffins), s’ajoute celle de voir la police procéder à des « chasses aux pauvres » sporadiques mais parfois violentes, et, souvent  ces interpellations participent à une forme de « chasse » aux sans-papiers.

La répression des marchés de la récup, vécue maintenant depuis des mois, nourrit ainsi une tension grandissante entre vendeurs, riverains et acheteurs ; elle nourrit aussi un sentiment d’impuissance des politiques et d’absence d’inventivité sociale pour affronter les réalités de ces quartiers et y  élaborer collectivement des solutions.


C’est pourquoi nous avons décidé de suppléer à cette carence pour tenter d’apporter des solutions à ce phénomène. S’inspirant du système fonctionnant dans le 18e arrondissement (le « carré de biffins » géré par l’association Aurore), mais sans la calquer forcément à l’identique, nous souhaitons, en concertation avec toutes les personnes concernées, explorer les moyens de réguler ces marchés afin d’en favoriser l’acceptation sociale et l’insertion des personnes qui y trouvent un moyen de survie tout en respectant le cadre de vie de toutes et tous. Répondre à l’urgence de régulation pour sortir du statu quo, assurer un suivi social des personnes en grande précarité et favoriser l’émergence d’alternatives non productivistes de consommation : tels sont les objectifs de notre collectif.

Une régulation de cette vente d’objets de récup’ permettrait de conserver leur dignité à un grand nombre de vendeurs, qui pratiquent cette activité pour assurer leur survie. . Elle permettrait à nombre de vendeurs et de clients de ne pas sombrer dans une exclusion totale et d’y trouver une forme de convivialité et de lien social. Pour ceux qui le souhaitent, ils peuvent aussi trouver soutien et accompagnement social. Elle permettrait d’insérer cette activité à la vie de nos villes, sans gêne pour les riverains, comme un maillon utile à la gestion des objets usagés, et de leur valorisation par l’échange ou la restauration.

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