Publié le 16 mars, 2009
0Conseil de Paris-mars 2009 – Intervention D. Baupin sur les tours et la ZAC Paris Rive Gauche
Pour visionner l’intervention de Denis Baupin en Conseil de Paris, cliquer sur l’image ci-dessous et avancer jusqu’à 04h13m30s
Monsieur Le Maire,
Vous ne serez pas surpris que je vous interroge sur les conséquences environnementales de cette délibération ; et notamment de la construction de tours sur ce secteur.
Depuis 2001, notre Ville s’est engagée dans une conversion écologique de la Ville : recommandations environnementales pour la construction, éco-quartiers, plan de déplacements, réduction des déchets, et, last but not least, adoption d’un plan climat particulièrement ambitieux.
Aujourd’hui, rien ne justifierait de marquer le pas dans cette exigence, encore moins de revenir en arrière. Il suffit d’entendre ce que disent et répètent les experts climatiques : la situation ne cesse de s’aggraver, l’accumulation de gaz à effet de serre s’accélère au lieu de ralentir, et les pires scénarios envisagés par le GIEC sont dépassés.
Il y a une raison à cela : personne n’écoute vraiment ce que disent les scientifiques. Ou plutôt, on les écoute, on fait quelques adaptations, mais pour l’essentiel on continue comme avant. On l’a vu clairement avec le Grenelle : d’un côté on fait des déclarations remarquables, ambitieuses, et quelques mesures intéressantes sont mises en œuvre. Mais de l’autre, le « business as usual » continue d’accroître les dégâts : autoroutes, OGM, nucléaire, relance du secteur automobile sans conditions environnementales, etc. Et le bilan reste extrêmement négatif.
Nous ne voudrions pas que la Ville de Paris s’engage dans la même impasse.
Car en matière de mutation écologique, les mots sont importants, mais à condition que les actes ne soient pas contradictoires.
Or les mots, en ce qui concerne cette délibération, c’est l’exposé des motifs : on y parle de « développement durable », de « qualité de vie », on tente même d’instrumentaliser le Sdrif pour faire croire qu’il préconise les tours !
Mais les actes c’est le délibéré et les annexes qui seuls ont valeur contraignante. Et là, ô surprise, dans l’annexe 1 qui définit les objectifs de cette opération, pas un mot des enjeux environnementaux, pas un mot du plan climat, aucun objectif de développement durable, encore moins que ce quartier soit un éco-quartier. On ne saurait être plus clair sur les priorités nouvelles.
Et nous savons bien pourquoi : pas un expert sérieux ne prétend possible de construire une tour conforme au plan climat. Les plus ambitieux espèrent atteindre, et à des coûts prohibitifs, des consommations énergétiques qui seraient 3 fois plus élevées que les objectifs du plan climat ! 3 fois plus.
On nous dit, à juste titre « c’est beaucoup moins qu’avant ». C’est vrai. Un peu comme les 4×4 : les constructeurs disent être capables de construire des 4×4 moins énergivores que les actuels. On veut bien les croire. Les marges de progression, comme on dit pudiquement, sont considérables !
Mais un 4×4 restera un 4×4. Quels que soient les efforts, il continuera d’être bien plus polluant qu’une voiture classique, et immensément plus qu’une Smart, un vélo ou un tramway. De même, une tour, même la plus écologique d’entre elles, continuera d’être bien plus énergivore qu’un immeuble classique, et immensément plus qu’un éco-quartier.
Et il y a une raison à cela : la tour, par définition, comme le 4×4, est anti-écologique.
Ils correspondent à cette idéologie où on peut toujours repousser les limites, quel que soit le coût : aller plus vite, plus haut, plus loin, plus gaspilleur, en mettre plein la vue, par désir de puissance et de domination. Et, seulement parce qu’il faut faire des concessions à l’air du temps, on ajoute au bling-bling qu’il sera écologique.
Et c’est bien ce qui nous attriste, nous écologistes, de voir notre municipalité s’entêter à vouloir construire des tours. Le message des politiques responsables aujourd’hui ne peut donner l’impression à nos concitoyens qu’on va continuer égoïstement à gaspiller nos ressources et que les problèmes sont pour demain ou pour les autres. Nous devons au contraire être exemplaires, être à la pointe de la modernité, et que tous nos actes aillent dans ce sens.
Tous nos projets doivent être emblématiques de la civilisation de la sobriété qu’il faut construire, et qui est la seule qui nous permette de léguer à nos enfants une planète où la qualité de vie ne soit pas dramatiquement dégradée. Si nous ne donnons pas l’exemple, si nous montrons par des actes emblématiques de notre politique municipale qu’on peut continuer à gaspiller et construire énergivore, comment convaincra-t-on les propriétaires de faire des travaux d’économie d’énergie, comment convaincra-t-on les locataires de faire attention à économiser l’eau et l’énergie, comment apprendra-t-on aux enfants des écoles à devenir économe et responsable ?
Pour nous, le plan climat n’est pas optionnel. Tout ce qu’il dit, aussi bien sur la construction neuve que sur les éco-quartiers doit s’appliquer à ce territoire. Il n’y a pas dans Paris, ou alors ce serait nouveau, un plan climat pour une partie du territoire, et puis des « zones franches », une sorte de Disneyland de la civilisation du gaspillage dans lesquelles on ferait l’inverse, où on pourrait continuer de jouer à faire comme si la crise écologique n’existait pas.
Pour toutes ces raisons, M. le Maire, nous voterons contre cette délibération.
Au moment où Paris peut prendre la tête du combat écologique, où nous vantons notre plan climat à travers le monde, nous ne pouvons pas faire l’inverse dans nos opérations d’urbanisme. C’est notre responsabilité d’écologistes de le dire et de poser les actes en cohérence avec cette conviction.