Publié le 5 septembre, 2011
0L’écologithèque : Chronique et interview autour de « La planète brûle où sont les politiques ? »
« À droite comme à gauche, que d’écologiste de salon, que de démagogues, qui prétendent qu’on peut être écologiste en ne changeant rien à notre gaspillage ! […] Quand les convictions sont proportionnées au confort personnel — et on ne compte plus les élus ayant encore une grosse berline avec chauffeur — on peut être certain que les générations futures ne sont pas au cœur des préoccupations. »
Voilà qui est dit. Denis Baupin, maire adjoint de Paris, membre de l’exécutif d’Europe Écologie – Les Verts, n’a pas sa plume dans sa poche. Auteur de La planète brûle où sont les politiques ?, paru aux éd. Hoëbeke et préfacé par Nicolas Hulot, est un écologiste de conviction qui agit autant qu’il promet. Raison pour laquelle il est aisé de chroniquer son livre en faisant abstraction du côté politicien que l’on pourrait craindre dans ce type de publication.
Le livre est éminemment politique, dans le sens où l’auteur démontre son intention de s’occuper de la cité et du citoyen, redonnant ainsi son sens premier au mot.
L’ensemble de l’ouvrage tend assurément vers ce but, mettre l’écologie au centre de la cité, des débats et des comportements. Le « faites ce que je dis, pas ce que je fais » a vécu, même si les exemples ne sont pas rares en politique, écologistes compris. Denis Baupin met en pratique ce qu’il prêche et ne se contente pas de donner des leçons. Bien plus qu’un politicien il est un politique.
Dans La planète brûle où sont les politiques ? Denis Baupin nous parle de son métier d’élu, des difficultés qu’il rencontre et de sa volonté de mettre en place un système écologique de l’économie, de penser global et d’agir local. Agriculture, consumérisme, croissance, lien social, etc., autant de thèmes abordés par l’auteur — concrètement.
Adaptation et mutation sont à l’ordre du jour. Le changement climatique, les ressources naturelles limitées, l’énergie, la solidarité, la démocratie… des nécessités qui appellent une révolution culturelle et sociétale.
L’intérêt commun, la sauvegarde de notre Planète doivent supplanter l’intérêt individuel. La voie capitaliste et productiviste de la marchandisation des êtres est une impasse.
Denis Baupin reconnaît que la mutation sera difficile, qu’elle appelle de nombreux efforts autant financiers que comportementaux, mais elle est inéluctable si nous voulons offrir aux générations futures des conditions de vie acceptables.
« Cette reconnaissance de la difficulté est une première étape dans la réduction de l’angoisse générée par la mutation. Il est au moins aussi essentiel de montrer qu’elle est la voie qui permet cette mutation, de donner des exemples de mutations en cours (dans d’autres villes, d’autres pays), de mettre en évidence que chacun peut trouver sa place dans cette mutation et enfin de montrer tous les avantages induits que l’on pourra en tirer. »
Parce qu’il est un fait indéniable : l’écologie « ça marche ». Imaginer un monde meilleur, socialement et humainement, n’est possible qu’à travers de l’idée écologique.
La planète brûle où sont les politiques ? est un hymne au bien-vivre dans un monde plus solidaire et plus respectueux de notre unique maison.
Un livre comme celui-ci a de forte chance de nous réconcilier avec la politique telle qu’elle devrait être envisagée par les élus.
À lire pour comprendre et agir.
Denis Baupin : La nécessité de ce livre s’est imposée à moi quelques semaines après la conférence de Copenhague de décembre 2009. Jamais une conférence internationale portant sur l’écologie n’avait suscité autant d’attentes. Jamais autant de chefs d’État ne s’y étaient rendus, jamais autant de médias n’avaient couvert un tel évènement… pour aboutir finalement à ce qu’il faut bien considérer comme un terrible échec à l’aune des enjeux cruciaux auxquels nous devons faire face…
Vu les risques majeurs que court la planète, et surtout l’humanité, ou au moins ses formes civilisées d’organisation, il est temps de dire que les dirigeants politiques sont les maillons faibles dans la résolution de cette crise structurelle. Ces dirigeants politiques qui avaient entre les mains le destin de la négociation auraient pu, avec lucidité et courage, préserver la planète et ses habitants, s’ils avaient osé sortir de la paresse intellectuelle et des schémas mentaux conformistes.
Crises économique, sociale et écologique implique mutation énergétique, industrielle, nouveau modèle économique, nouveau système de valeurs alternatif au consumérisme… Ce sont ces éléments que j’ai tenté de rassembler dans ce livre, en y ajoutant l’obligation de concilier une nouvelle vision du rapport entre les peuples – le global – avec l’action au plus près des territoires – le local. Sur la base de ma propre expérience d’élu de terrain, j’ai voulu montrer dans quelles conditions, à la fois de robustesse de la société, mais aussi de volonté politique de changement, on pourrait engager cette mutation, et même la rendre désirable.
Quand je vous ai lu, j’ai très nettement senti chez vous l’homme politique, au sens de premier de celui qui s’occupe de la cité et des citoyens, et non pas le politicien. Un élu écologiste n’a-t-il pas le devoir de « montrer l’exemple » ? Peut-on être écologiste (politique ou non) sans mettre en pratique dans le quotidien ses convictions ?
D. B. : Faire en sorte que ses actes soient en conformité avec son discours, cela me semble une ligne de conduite assez saine. Et je vous confirme que lorsque j’appelle les parisiens à abandonner leur véhicule et à opter pour les transports collectifs, j’utilise moi-même les transports en commun. Maintenant, je ne crois pas à la perfection. Élu ou non, nous sommes des êtres humains avec des imperfections, des contradictions à gérer comme tout à chacun. Je ne suis pas certain d’être l’exemple de la « zénitude » que je prône comme aboutissement de notre révolution philosophique ! Il faut parfois faire des compromis tout simplement parce que changer le monde réel implique de vivre dans le monde réel. Si votre question porte plus particulièrement sur l’exemplarité en politique, je dis assez longuement dans mon livre tout ce que je pense sur les méfaits de la politique politicienne, qui s’insinue dans toute vie politique pervertissant même ceux qui cherchent à s’en affranchir. Et je reconnais également que ni moi ni le parti auquel j’appartiens nous n’avons pu éviter de céder parfois aux délices de cette politique politicienne. Je ne pense pas en revanche que ces dérives soient une fatalité et les pistes pour y remédier (notamment en ce qui concerne le mode de scrutin, etc) existent bel et bien.
La majorité des femmes et des hommes politiques n’est pas au rendez-vous d’une Planète qui souffre, laissez-vous entendre. Mais comment le pourraient-ils dans une société soumise à l’économie productiviste, à l’individualisme et au leurre du mythe de la croissance ? N’est-ce pas un changement de paradigme dont nous avons besoin (culturel, comportemental, social…) ? Bref, peut-on sauver la Planète sans sortir du système capitaliste ?D. B. : Le libéralisme et au capitalisme sont, à n’en point douter, incompatibles avec l’écologie, tant le marché est incapable d’intégrer le long terme, la justice, la sauvegarde de notre écosystème. Mais il ne suffit pas de se contenter de mots d’ordre fourre-tout. Il faut non seulement dire par quoi on les remplace, mais surtout s’opposer tout autant au productivisme qu’au libéralisme. Si on ne résout pas l’ensemble du problème, on ne résout rien du tout. On ne peut se contenter ni de ripoliner le tout-croissance en développement durable, ni de rendre plus juste le productivisme. On se doit d’inventer un new deal planétaire.
Revendiquer l’augmentation du pouvoir d’achat apparaîtra toujours simpliste, voire contre-productif, – sauf évidemment pour les plus démunis – à un écologiste, tant assimiler l’individu à un consommateur (qui plus est à une vision purement quantitative du consommateur) est une vision très réductrice de la personne, en plus une telle revendication n’est porteuse d’aucun projet de société d’amélioration de la vie pour tous. A l’inverse, quand on investit dans l’éducation, quand on renforce les transports publics, quand on crée Vélib, quand on réduit la dépendance aux énergies fossiles, etc. on ne crée pas du pouvoir d’achat, mais on crée du service public bien souvent bien plus efficace pour répondre aux besoins de base.
Ces considérations, qui sont bien plus que des nuances, sont d’autant plus importantes qu’il n’y aura pas de « grand soir » permettant la sortie du libéralisme et du productivisme d’un seul coup et qu’il ne peut y avoir qu’une évolution progressive. Pour qu’elle puisse intervenir, encore faut-il avoir posé le bon diagnostic, et s’être mis d’accord sur la bonne destination finale.