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Publié le 28 mars, 2011

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Mobilité à Paris : vers une éco-cité du 21eme siècle

Intervention débat mobilité – Conseil de Paris du 28 mars 2011

Monsieur le Maire,

Permettez-moi tout d’abord de me réjouir que le premier débat organisé au sein de notre conseil pour, en quelque sorte, célébrer le 10ème anniversaire de notre arrivée à l’Hôtel de Ville, porte sur la politique des déplacements.

Car si, depuis 10 ans, il est bien une politique par laquelle nous avons marqué une rupture avec nos prédécesseurs, c’est bien celle de la mobilité. Nos prédécesseurs voulaient adapter la ville à la voiture – et à les écouter, c’est bien toujours leur volonté. Nous avons, nous, au contraire, voulu adapter la ville à la vie, à ses habitants, à la préservation de leur santé et de leur qualité de vie.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que, semaine après semaine, mois après mois, l’actualité ne cesse de nous donner raison d’avoir anticipé.

Heureusement que nous avons tenu bon face à ceux qui nous traitaient d’ayatollahs ou de khmers verts. Heureusement que nous ne nous sommes pas laissés impressionner par leurs hurlements et leur volonté de ne surtout rien changer. Heureusement que, malgré les obstacles multiples, nous avons avancé pas à pas, dans la concertation mais avec volontarisme, pour faire les couloirs de bus, le tramway, les pistes cyclables, les quartiers verts, les boulevards réaménagés, Paris-Plage et Paris Respire, les traverses, Voguéo et évidemment Vélib. Sans oublier les politiques de stationnement, de transport de marchandises et de développement de la voiture partagée.

Non seulement l’actualité nous donne raison d’avoir anticipé, mais elle nous confirme aussi qu’il n’y a aucune raison de ralentir notre action. Bien au contraire, il y a une impérieuse nécessité à la renforcer.

Qu’on en juge ! Prenons par exemple la question du dérèglement climatique. Conférence après conférence, tous les experts scientifiques confirment la gravité de la menace liée à nos modes de vie bien trop émetteurs de gaz à effet de serre. Même Claude Allègre, et son collègue Vincent Courtillot, ont été désavoués par l’Académie des Sciences !

Or, s’il est bien un domaine dans lequel les émissions de gaz à effet de serre de notre pays explosent, c’est celui des déplacements. Heureusement qu’il y a des villes comme la nôtre qui inversent cette lourde tendance, ce qui nous a permis, en 7 ans, de réduire de 9% les émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements. Et heureusement que notre Plan Climat, adopté à l’unanimité de notre conseil, reprend intégralement le Plan de Déplacements de Paris que nous avions préalablement élaboré.

Prenons une autre question écologique majeure, celle de l’épuisement des réserves pétrolières. Toutes les institutions internationales conviennent que la consommation planétaire de pétrole est dorénavant structurellement supérieure à la production, et que nous entrons dans une phase de déplétion, et donc de pétrole cher. Pour nos sociétés pétro-dépendantes, les impacts économiques et sociaux de cette crise énergétique pourraient être ravageurs. Heureusement que des villes comme les nôtres, en développant les transports collectifs ou Vélib, améliorent non seulement notre environnement, mais aussi favorisent la justice sociale en renforçant le droit à la mobilité pour ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture, voire de la faire rouler.

Et s’il est bien un domaine où je regrette que nous n’ayons pas encore réussi à enclencher la même révolution – même si nous avions mis en œuvre un certain nombre d’initiatives emblématiques – c’est bien celui du transport de marchandises. Car quand une ville dépend à ce point du tout-camion pour son approvisionnement et que le prix du carburant croît aussi fortement, les impacts économiques à venir risquent d’être redoutables, pour les entreprises, les commerçants, tout comme pour les consommateurs.

Autre question écologique majeure : celle de la qualité de l’air. L’étude Aphékom rendue publique il y a quelques semaines confirme que dans les grandes agglomérations comme la nôtre, la pollution aux particules fines fait chaque année des milliers de morts dits « prématurés » – c’est-à-dire dont l’espérance de vie est réduite de plus de 10 ans. Et chacun d’entre nous, qui vivons dans cet air toxique, avons une espérance de vie réduite de 5 à 9 mois. Certes notre politique – et l’évolution du parc automobile – a permis de réduire la pollution en ce qui concerne nombre de polluants. Mais pas les particules fines. Car parallèlement à la réduction de 25% de la circulation automobile dans la ville, la diésélisation du parc ne cessait de s’accroître. A cause d’une politique fiscale aberrante qui favorise le gasoil, notre pays a le parc automobile le plus diésélisé du monde. Pas étonnant que l’Union Européenne s’apprête à condamner la France à de lourdes astreintes financières pour non respect des directives sur la qualité de l’air.

Certes, notre ville ne reste pas inactive. A l’occasion du PDP, nous avions demandé que la loi évolue pour permettre la création de ce qui, à l’étranger, s’appelle « zones de basse émission ». C’est maintenant chose faite sous le terme de ZAPA. Nous avons, avec Paris métropole, la Région et la Préfecture de Police, déposé un dossier de candidature pour étudier la création d’une ZAPA sur l’agglomération. Une délibération en ce sens est d’ailleurs soumise au vote de ce conseil. Mais que de temps perdu depuis les premières études sanitaires il y a 15 ans qui montraient déjà la nocivité des particules fines ! Que de politiques nationales qui ont favorisé le diesel au nom d’intérêts économiques et aux dépens de la santé ! Monsieur le Préfet, les pics de pollution à répétition de ces derniers jours confirment qu’il y a urgence à agir pour protéger dès maintenant les plus fragiles.

Enfin, quatrième enjeu écologique : le bruit, ressenti comme la première nuisance par nos concitoyens. Là encore, lorsqu’on réduit la circulation automobile, l’impact est très significatif pour nos concitoyens. Là où ont été faites des mesures de bruit, sur le boulevard Magenta comme dans les quartiers verts, la réduction des nuisances sonores est impressionnante. Mais il reste beaucoup à faire. Le long du périphérique notamment, là où des dizaines de milliers de nos concitoyens subissent toute l’année des niveaux de bruit insupportables. Nous nous y attaquons au travers du PPBE (le plan de prévention du bruit dans l’environnement). On peut agir en réduisant la vitesse autorisée la nuit, comme le préconise Bruitparif, et en implantant des revêtements de voirie qui réduisent les bruits de roulement. C’est d’ailleurs l’objet d’un vœu adopté à l’unanimité du conseil d’arrondissement du 20ème sur proposition de notre groupe.

Qu’il s’agisse donc de tous ces enjeux, je le disais, nous avons toute raison de poursuivre et d’accroître notre action. Et puisque ce débat est là pour nous permettre de faire des suggestions, je me permets d’évoquer trois pistes prioritaires.

La première est de poursuivre la reconquête de l’espace public au profit des transports publics et des circulations douces. Il est indispensable de poursuivre la réalisation de couloirs de bus et de pistes cyclables, et de les préserver et les protéger là où ils existent, rue de Rennes et ailleurs. Il faut poursuivre le tramway T3. Et puisque le troisième tronçon est actuellement en débat, je redis que nous ne pensons pas qu’on puisse limiter l’ambition du prochain mandat à un tronçon de 4 km, et qu’il faut aller jusqu’à la Porte Maillot. Nous proposons que les études concernant la création du tramway des gares, prévu au PLU et au PDP, soient lancées, conformément au contrat du second tour des municipales de 2008. Nous proposons aussi que le plan de circulation de Paris soit revu, afin de réduire la circulation de transit traversant Paris, ce qui passe notamment par la reconquête totale des voies sur berges. Enfin, nous proposons que le passage de l’ensemble des rues de Paris à 30 km/h, au moins pour les axes hors réseau principal, soit mis à l’étude comme le fait actuellement la ville de Strasbourg.

Nous le savons, une telle politique implique un renforcement de l’offre de transport collectif. Nous l’avons fait lors du précédent mandat. Pour obtenir la réduction de 450 000 déplacements quotidiens automobiles, nous avons accru l’offre de transport collectif d’1 million de places par jour. Il reste beaucoup de renforcements possibles de l’offre, sur les lignes de métro en dehors de la pointe ; sur les lignes de bus, aux heures de pointe mais aussi en soirée et le week-end ; par la création de nouvelles traverses en commençant par les zones les plus pentues de Paris ; et par l’extension de Voguéo sur l’ensemble du bief. Toutes ces propositions sont d’ailleurs inclues dans le PDP adopté par notre conseil.

Le second axe est évidemment d’œuvrer à une politique des déplacements commune à l’agglomération, c’est-à-dire à l’échelle du bassin de déplacement. C’est la raison pour laquelle nous avons déjà dit à de nombreuses reprises que nous sommes favorables au plan de mobilisation de la Région et que nous ne pouvons que dénoncer les nombreux obstacles mis par l’Etat à sa mise en œuvre, au travers d’une politique insidieuse de recentralisation. Mais nous ne pouvons nous contenter de ces grosses infrastructures qui ne verront le jour que dans plusieurs années. C’est pourquoi nous avons proposé, et cela a été adopté par notre conseil, le développement de lignes de bus express, notamment en utilisant des voies réservées sur les autoroutes.

C’est parce que nous tenons à cette solidarité régionale que nous sommes favorables au pass unique régional, un pass multi-mobilités rendant le réseau de l’Ile-de-France accessible à tous. Mais nous partageons le sentiment que la solidarité ne peut uniquement reposer sur les seuls usagers des transports collectifs, faute de quoi cela se traduirait par un accroissement excessif des tarifs. Il n’est pas nécessaire de faire de la politique politicienne pour créer des oppositions artificielles entre nous. C’est pourquoi nous nous réjouissons que la proposition que nous avions portée aux dernières municipales, de financer les transports collectifs en rendant payantes les autoroutes franciliennes, à commencer par les camions et les véhicules les plus polluants, soit aujourd’hui de plus en plus partagée.

Enfin, la troisième piste concerne l’évolution du véhicule automobile lui-même. Nous ne pouvons plus accepter que ce soient les constructeurs automobiles qui décident de la forme de nos villes en construisant des véhicules de plus en plus gros et de plus en plus lourds. Nous n’acceptons pas non plus d’ailleurs que, du fait de leur irresponsabilité, des dizaines de milliers de salariés de l’automobile soient menacés de chômage. Une reconversion industrielle de ce secteur est impérative, à la fois pour des raisons environnementales, sociales et économiques.

Nous ne croyons pas, comme nos collègues de l’opposition, qu’il suffirait de faire confiance aux constructeurs automobiles pour progresser. Ils ne l’ont jamais fait, sauf sous la contrainte. Nous ne croyons pas non plus au mythe selon lequel il suffirait de remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques pour tout résoudre. J’invite d’ailleurs ceux qui le croient à lire le rapport Syrota paru il y a quelques semaines et qui confirment ce que les constructeurs comme les électriciens se répétaient jusque-là à voie basse, à savoir que la sécurité des batteries des voitures électriques n’est pas démontrée aujourd’hui.

Il y aura peut-être demain un avenir pour la voiture électrique, surtout avec une électricité renouvelable. Mais on aurait tort de tout miser sur elle. La révolution à faire est bien plus large sur la taille, la consommation, le poids, la vitesse des véhicules. Cela ne se fera que si les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités.

En conclusion, monsieur le Maire, je voudrais le redire : la politique des déplacements est emblématique de la façon dont vont évoluer nos villes. Notre horizon ne se limite pas à 2014. Nous devons tracer la voie, celle de la ville moderne, celle qui sera plus efficace, plus mobile, plus juste et donc plus agréable à vivre. Une éco-cité du 21eme siècle.

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