Publié le 14 décembre, 2010
0Débat sur le projet de réseau de transports public du Grand Paris
Intervention Denis Baupin, au nom du groupe Europe Ecologie Les Verts et Apparentés
Monsieur le Maire,
Permettez moi d’abord d’exprimer notre satisfaction que nous puissions tenir un tel débat au sein de notre assemblée, sur une question majeure pour l’avenir de notre agglomération, et donc de notre ville.
Malgré tout, je veux d’abord exprimer nos regrets, qui ne tiennent pas aux choix de notre municipalité, que le débat sur la métropole se résume à des choix binaires. Sur le réseau de transport public – sujet certes important, et dont vous savez qu’il me tient à cœur – mais qui ne saurait résumer à lui seul les questions majeures qui se posent à notre agglomération.
Depuis 10 ans, notre ville, grâce notamment à Pierre Mansat qui se démultiplie dans un dialogue continu avec l’ensemble de nos voisins, porte le souci permanent de construire la métropole, de dépasser les frontières étroites du « petit Paris ».
Nous ne méconnaissons pas les obstacles, les freins, les inquiétudes qu’il faut lever une à une, et nous pouvons constater les progrès effectués depuis 10 ans. Nous savons que ce lent cheminement est sans doute incompressible, mais au regard des enjeux majeurs de dysfonctionnement de notre agglomération, de souffrance d’une part importante de sa population, que ce temps nous paraît long !
Vous pouvez d’autant plus compter sur nous pour continuer de porter fortement cette volonté que nous avons de grandes ambitions pour cette métropole. Elle peut être une chance formidable pour notre territoire si nous en faisons un outil de redistribution des richesses et de péréquation fiscale, dans une agglomération qui voit chaque année s’accroître les disparités entre quartiers riches et quartiers pauvres.
Elle peut l’être aussi comme outil de transformation écologique de notre territoire, non seulement dans le domaine des déplacements sur lequel je reviendrai dans un instant, mais aussi en matière de lutte contre le dérèglement climatique et la dépendance pétrolière – et c’est notamment dans cet esprit que nous portons l’idée d’une Sem énergétique métropolitaine.
Elle peut l’être encore comme outil de rééquilibrage territorial et de mixité des fonctions, alors que notre agglomération souffre des migrations quotidiennes imposées à nos concitoyens entre zones de logements d’un côté, et zones de bureaux de l’autre, dont la Défense est l’exemple le plus caricatural, et où certains voudraient encore accroître la densité de bureaux en détruisant le peu de logements qui y restent.
Enfin, cette métropole serait aussi une formidable occasion pour revitaliser la démocratie locale, face à un Etat omniprésent et omnipotent, en donnant une véritable puissance d’action commune à nos collectivités pour décider elles-mêmes de nos destins.
Après ces regrets, j’en viens au fond même du dossier. Et je le dis d’emblée, l’avis proposé correspond très largement à notre propre analyse.
Oui, il y a absolue nécessité à mettre en œuvre au plus vite le plan de mobilisation pour les transports élaboré par la Région. Il y a un retard gigantesque à rattraper après les longues années de sous-investissement qu’a connues notre région à l’époque du STP, piloté par le seul Etat. Depuis la décentralisation, les collectivités locales ont pu prendre en main la politique des transports publics et élaborer ce plan prioritaire, qui est notre feuille de route commune.
Je ne peux que souligner l’importance extrême d’Arc Express dans ce dispositif. Il y a une injustice historique à ce que Paris soit doté d’un aussi bon réseau de transport collectif et la Petite Couronne d’un aussi mauvais. Si nous voulons résoudre nos problèmes communs de mobilité, de droit à l’accès à la ville et au marché du travail pour tous, de réduction des consommations énergétiques liées à l’automobile, et des pollutions qui en découlent, nous avons besoin d’une rocade de métro telle qu’Arc Express. C’est l’intérêt de l’agglomération, et c’est aussi l’intérêt des parisiens qui, faute de ce réseau, respirent aujourd’hui quotidiennement un air toxique.
Oui, donc, en conséquence, il faut mobiliser les moyens financiers permettant de répondre à cette urgence. Et c’est la raison pour laquelle nous voterons le vœu commun de la majorité municipale pour que l’Etat prenne sa part au financement de cet investissement. Une part certes minoritaire, car nous sommes des collectivités responsables, mais qui, grosso modo correspond à la part de financement que l’Etat attribue aux projets des autres collectivités partout en France.
Oui, encore, nous nous élevons, avec le projet d’avis, contre la façon dont l’Etat veut forcer la main des collectivités locales et des habitants en nous imposant le caricatural grand huit de Monsieur Blanc. Certes, l’hérésie que constituait un « ministère à la Région Capitale » a disparu. Mais hélas, pas son succédané. Beaucoup a déjà été dit sur l’aberration de ce projet, qui est avant tout un cadeau royal du Président de la République à ses amis bétonneurs – et il en a beaucoup – y compris sur les terres agricoles du plateau de Saclay.
Je me permets d’attirer votre attention sur l’avis émis, non par les élus de gauche mais, par un organisme de l’Etat, rattaché au MEDDTL – vous savez le grand ministère dit « de l’écologie » qui n’arrête pas de changer de nom chaque fois qu’on l’ampute de compétences. Cette instance, c’est l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Son avis, qui date du mois d’août, vaut son pesant d’or tant il dénote ! Ce rapport n’hésite pas à souligner les incohérences du projets. Je n’en cite qu’une : des calculs justifiant la pertinence du grand huit sont fondées sur une croissance de la population du territoire trois fois plus que celle prévue par l’INSEE ! 669 000 habitants d’un côté ; 1,8 million de l’autre ! Une paille ! Avec de telles approximations, pas étonnant que cette autorité s’inquiète de la réalité des prévisions de trafic et des modélisations effectuées par la Société du Grand Paris ! Et qu’elle s’interroge – doux euphémisme – pour savoir si les impacts du Grand Huit seront positifs ou négatifs ! Quand on connaît la prudence traditionnelle des organismes d’Etat sur les projets de l’Etat, tout est dit dans cet avis sur le côté artificiel, technocratique, et totalement détaché de l’intérêt général de ce projet de Grand Huit, auquel nous avons bien raison de donner un avis défavorable.
Pour autant, afin d’améliorer encore l’avis qui nous est proposé, notre groupe a déposé un certain nombre d’amendements que je voudrais ici expliquer succinctement.
Deux d’entre eux portent sur une proposition qui me tient à cœur, et dont j’ai vu avec plaisir qu’elle a été reprise par l’atelier des architectes.
Je l’ai dit, nous sommes très favorables à la réalisation des infrastructures lourdes prévues par le plan de mobilisation des transports. Mais elles ont deux handicaps : elles coûtent cher et sont longues à mettre en œuvre. Or, la lutte contre le désenclavement des quartiers les plus déshérités de notre agglomération, tout autant que la lutte contre les pollutions, nécessitent encore plus qu’ailleurs des réponses immédiates.
C’est la raison pour laquelle, comme nous l’avions inscrit dans le Plan de Déplacements de Paris – notamment pour le périphérique – comme nous l’avons dit lors de la campagne des élections régionales, et comme le disent aujourd’hui les architectes, nous proposons dès maintenant de renforcer le réseau de transport public par des lignes de bus express, reliant les quartiers enclavés avec les pôles d’emploi.
Et pour que ces lignes soient rapides, nous proposons de réserver une voie de circulation de nos autoroutes et voies rapides à ces lignes de bus, aux taxis, aux véhicules transportant au moins 3 personnes et aux véhicules les moins polluants. Beaucoup de pays le font déjà – même les Etats-Unis, le pays où l’automobile était reine il y a peu encore ! Il serait temps qu’on mette de l’intelligence dans nos voies dites rapides et si souvent saturées faute d’organisation.
Autre sujet sur lequel nous vous proposons d’amender l’avis : le projet CDG Express. Notre assemblée en a déjà débattu à plusieurs reprises : c’est un projet totalement à contre-courant. Outre que ce projet est bâti sur des hypothèses économiques absurdes – supposant une croissance exponentielle du trafic aérien alors que le prix du pétrole aura un impact négatif massif sur ce trafic dans les années à venir – il s’inscrit surtout dans une logique que nous ne cessons de dénoncer, celle d’un transport à deux vitesses conforme à l’idéologie du gouvernement : aux golden boys et aux voyageurs aisés, un transport rapide et confortable, privé – mais subventionné par le contribuable – et pour le reste de la population, le RER B, un transport public certes encombré, où il faut certes cohabiter avec « l’infréquentable » population de Seine St Denis, mais qui pourrait nettement s’améliorer, en qualité comme en quantité, si on lui accordait l’attention qu’on accorde à CDG Express. Donc pour nous, pas d’ambiguïté : notre avis devrait une bonne fois pour toutes dire que ce projet est obsolète en confirmant que dans « transport public » il y a bien le mot « public ».
Notre amendement suivant porte sur le réseau ferroviaire, celui de la SNCF. Nous considérons, comme le projet d’avis, qu’une attention insuffisante a été accordée par les projets actuels au devenir de ce réseau, tant en ce qui concerne les gares TGV actuelles et à venir, qu’en ce qui concerne la modernisation des lignes de trains de banlieue et celles des TER des régions voisines qui joignent notre agglomération. D’où notre proposition que soit examiné l’idée, déjà envisagée par la SNCF, d’une rocade rapide, en moyenne couronne, qui relie ces gares.
J’en viens aussi au sujet « fret ». Je me réjouis que ce sujet ait une part conséquente dans cet avis, tant j’ai souvent regretté par le passé que cette question soit négligée par les experts des transports, considérant souvent cette question comme plus complexe et moins noble. Il s’agit pourtant d’un enjeu majeur d’un point de vue écologique et économique : comment acheminer les marchandises vers la ville en réduisant les pollutions, dans un monde où le prix de l’énergie ira croissant. Même si une bonne part des enjeux dépasse la ville de Paris, nous avons notre rôle à jouer. Nous avons commencé à le faire lors du précédent mandat, avec la Petite Reine et d’autres initiatives, pour réintroduire des espaces logistiques au cœur même de la ville. L’objet de notre amendement est de réaffirmer cette volonté et de poursuivre cette action.
Enfin, notre dernier amendement porte sur les questions financières. Plusieurs pistes sont évoquées dans l’avis. Nous voulons en ajouter une en application du principe pollueur-payeur. Depuis de nombreuses années nous soulignons l’aberration que constitue l’utilisation gratuite des autoroutes et voies rapides franciliennes par les poids lourds en transit, alors qu’ils payent s’ils utilisent les autoroutes internationales. On est quasiment dans le pollueur payé ! Nous proposons donc d’inverser la logique et de dégager ainsi des moyens utiles pour financer les transports collectifs.
Vous l’aurez compris, monsieur le Maire, nous voterons donc d’autant plus favorablement cet avis que nos amendements auront été pris en compte, car nous considérons que les questions traitées par cet avis sont prioritaires aussi bien pour la transformation écologique de notre agglomération, que pour sa cohésion sociale et son efficacité économique.