Publié le 12 janvier, 2010
0Comment peut-on être afghan à Paris ?
Ils sont jeunes, certains ont à peine 15 ans, aucun plus de 30. Les plus chanceux ont une écharpe et un bonnet. Presque pas un n’a de gants. Le thermomètre pointe zéro. Qu’est-ce que ça change ? De toute façon, ce n’est pas le maigre brasier, deux planches minables, quatre cageots humides qui vont les réchauffer.
Ils sont cent cinquante à peu près. Cinq cents dans tout Paris, à marcher dans des tennis trouées, à tourner, sans trouver où s’arrêter au chaud.
Ils sont afghans.
Ils ont lâché leur vie, leur famille, leurs amis, leur pays. La plupart viennent de régions contrôlées par les talibans. D’autres non. Quelle importance. Des bombes sautent à Kaboul. C’est tout le pays qui s’abandonne à la guerre.
La France, c’est-à-dire nous, les poursuit comme des criminels. Menottes, avion : c’est aux barbus qu’on les remet, puisque les intégristes sont les seuls à leur ouvrir les bras.
Souvenez-vous de ce temps : on appelait encore un mineur un enfant. Aucun ministre alors ne se serait permis de nous laisser croire qu’il est bon de laisser un enfant l’hiver dans la rue. Même étranger.
Etre dignes
Et il y a certainement eu une époque où on appelait un immigré un homme. Même s’il était sans papiers.
Ces enfants, ces hommes sont venus chez nous portés par l’espoir d’échapper à la violence. D’étudier. De mener une vie paisible. D’être dignes. Ce ne doit pas être trop demander.
Ne jetons pas dans les eaux du canal le manteau que saint Martin a partagé avec un pauvre.
Atiq Rahimi, écrivain et Prix Goncourt 2009 ;
Jean-Charles Blanc, écrivain ;
Jacqueline Blanc-Mouchet, consultante ;
Jane Birkin, artiste et chanteuse ;
Jean-Claude Carrière, écrivain et scénariste ;
Jacques Higelin, chanteur ;
Daphné Kauffmann, écrivain ;
Marjane Satrapi, auteur de bandes dessinées ;
Nahal Tajadod, écrivain.