Africa is dying ! Et l'Europe continue de discuter avec elle-même ! Plutôt que de parler au reste du monde - Denis Baupin

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Publié le 11 décembre, 2009

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Africa is dying ! Et l’Europe continue de discuter avec elle-même ! Plutôt que de parler au reste du monde

Il paraît qu’il existe encore des « climato-sceptiques »… Ceux-là devraient venir à Copenhague discuter avec les représentants africains, latino-américains, sud-asiatiques. Pas un qui n’évoque les effets du dérèglement climatique, non pas dans 10, 20 ou 30 ans mais aujourd’hui même.

Partout les signaux d’une profonde perturbation des cycles climatiques sont ressentis profondément par les populations, en commençant par les populations rurales, les agriculteurs, les plus vulnérables aux modifications de température, de pluviométrie, de cycle des saisons.

Lors de la rencontre organisée mercredi 9 décembre, par CGLU et ICLEI entre élus français et représentants africains, c’est un paysan malien qui interpellait fortement les dirigeants du monde en demandant « justice » face aux responsables. Et l’élu burkinabé présent n’hésitait pas à rappeler que les effets du dérèglement climatique s’inscrivent sur une longue durée, les premières manifestations remontant aux sécheresses sahéliennes des années 70.

Dès lundi, lors de la rencontre du bureau d’ICLEI avec la délégation nigériane, le délégué n’hésitait pas à déclarer « Africa is dying ! », alertant sur les effets déjà visibles dans son pays, et soulignant à quel point son pays est vulnérable au dérèglement climatique puisque 90% de son activité économique se trouve en bord de mer. Le moindre des paradoxes, dont le délégué était parfaitement conscient, n’est pas que cette économie repose totalement sur le pétrole, celui-là même dont la consommation génère les gaz à effet de serre ! Cercle vicieux dont le Nigéria ne peut évidemment sortir seul.

Le sentiment général de celles et ceux qui suivent année après année les COP sur le climat est bien que la situation a changé. Dorénavant, les représentants de nombreux États ont peur, peur des conséquences du dérèglement climatique, notamment pour leur agriculture et l’alimentation de la population. Certes, dans le stupide jeu de poker menteur auxquels se livreront les États jusqu’à l’accord final, pas question pour la Chine, l’Inde, etc. d’afficher cette « faiblesse » qui devrait les inciter à prendre dès maintenant des engagements plus fort de réduction de leurs émissions de gaz, mais la crainte est perceptible une fois les micros éteints. Ils n’ignorent pas qu’un peuple qui a faim est de loin le plus sûr déclencheur de révoltes qui ont mis à bas des régimes qui semblaient bâtis pour l’éternité.

Les émeutes de la faim, l’an passé, n’avaient certes pas pour seule cause la baisse des récoltes due aux changements climatiques. L’accroissement du prix du pétrole et la part des terres prise par les agro-carburants étaient aussi passés par là. Mais ce n’était qu’une première semonce.

Difficile d’oublier ces visages, dans le dernier film de Yann Arthus Bertrand (dont des extraits furent projetés lors des Journées Parisiennes de l’Energie et du Climat en octobre dernier), de paysans du sud de la planète racontant avec l’émotion de la détresse leur impuissance face à la disparition des équilibres qui fondent leurs systèmes agricoles et la production alimentaire.

Aujourd’hui, lors d’une conférence du mouvement Via Campesina, au KlimaForum (village alternatif où se réunissent les ONG), le mot d’ordre est à la souveraineté alimentaire. Objectif encore plus indispensable aujourd’hui, non seulement pour permettre le développement des agricultures locales, mais aussi pour la survie des peuples.

Pas étonnant dans ces conditions que la question de « l’adaptation » (aux conséquences du dérèglement climatique) soit devenue au moins aussi importante dans la négociation en cours que celle de la « mitigation » (en français l’atténuation du dérèglement climatique par la réduction des émissions). Et ce d’autant plus quand les principales victimes sont les moins responsables des émissions !

Pour autant, les deux sujets sont profondément liés. Comme le déclarait mardi le chef de la délégation suédoise, qui préside l’Union Européenne, face aux ONG, « plus on fera de « mitigation », moins il faudra d’adaptation ». Une traduction à l’ère climatique du « mieux vaut prévenir que guérir » !

Mais qu’attend donc l’Union Européenne pour en tirer les conséquences ? À chaque rencontre avec des représentants de l’UE (1), la pression monte pour que cette dernière reprenne l’initiative et contribue à sauver le Sommet en annonçant unilatéralement qu’elle passe d’un objectif de réduction de 20% de ses émissions à l’horizon 2020 à un objectif de 30% voire 40% comme le demandent certaines ONG.

Las ! Borloo a eu beau déclarer, lundi dernier, qu’il y était favorable. Sarkozy a eu beau le confirmer, mercredi, aux responsables des ONG françaises. Force est de constater que soit les actes ne suivent pas les paroles, soit les le poids de la France dans l’Union est bien moins important que certaines rodomontades voudraient le laisser croire. En tous cas, le conseil européen réuni depuis hier à Bruxelles a échoué à afficher cette ambition et à jouer donc un rôle actif dans la négociation en cours.

Le conseil peut bien annoncer comme une grande avancée l’engagement de 2 milliards par an (jusqu’en 2012) pour financer « l’adaptation », personne ici à Copenhague n’est dupe, surtout quand on compare la somme aux 120 milliards d’euros annuels qui seront nécessaires à terme. Encore une occasion ratée pour l’Union Européenne, trop occupée à discuter avec elle-même, d’être à la hauteur de son ambition déclarée de leadership sur le climat.

Denis Baupin
En direct de Copenhague

(1) J’ai moi-même posé la question à Brice Lalonde, ambassadeur de la France pour le climat, mercredi lors de la rencontre avec les élus français.

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