Publié le 7 décembre, 2009
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07 Décembre 2009 Par Denis Baupin
Edition : Quel temps à Copenhague?
Premier billet de Copenhague.
Voilà, on y est. Après des mois, voire des années, d’attente, le grand rendez-vous planétaire sur le climat a commencé. « L’humanité a rendez-vous avec elle-même », « Sommet de la dernière chance », etc. les superlatifs n’ont pas manqué pour qualifier ce sommet qu’on espère encore historique.
Sans doute ces qualificatifs sont-ils exagérés, tant il apparaît parfois difficile de retrouver le sens profond de la démarche dans la lourde mécanique bureaucratique onusienne. Pour autant, jamais sans doute un sommet international n’aura suscité une telle effervescence, une telle frénésie médiatique et une telle attente de la population.
Et ne boudons pas notre plaisir. Certes, ce sommet arrive bien tard, mais pour tous ceux qui, écologistes, alertent depuis des décennies sur les risques d’un mode de développement injuste, prédateur, gaspilleur, sur les risques que cela fait courir à l’humanité elle-meme, il apparaît comme la reconnaissance qu’il est dorénavant impossible de penser l’avenir sur le modèle du passé.
Les questions mises sur la table n’en sont que plus nombreuses et plus cruciales : quels objectifs de réduction des gaz à effet de serre ? Quel partage de ces réductions entre pays industrialisés, pays émergents et pays pauvres ? Quel partage du fardeau financier des évolutions nécessaires des modes de développement, et de l’adaptation des territoires à la part inéluctable du dérèglement climatique ? Et donc, question sous-jacente, quelle reconnaissance de la dette climatique, d’une nécessaire redistribution nord-sud, de la responsabilité d’accueil des déplacés climatiques, etc. ? Quels mécanismes doivent être mis en oeuvre pour réduire et contrôler les émissions, et notamment quelle part pour les mécanismes dits de flexibilité (marché du carbone, compensation, mécanisme dit du développement propre) qui sont loin d’avoir fait la preuve de leur pertinence depuis le protocole de Kyoto et doivent donc être sérieusement limités et encadrés ? Quelles technologies reconnues comme « propres », c’est-à-dire à soutenir dans les transferts de technologie à venir, et notamment comment en bannir définitivement les fausses solutions comme le nucléaire ? Quelle sera la participation demain des différents acteurs dans la mise en oeuvre des politiques de réduction et d’adaptation, à commencer par les collectivités locales, aujourd’hui premier acteur réel de la lutte contre le dérèglement climatique ? Etc.
Cette liste longue et non exhaustive (on pourrait y ajouter les questions liées à la déforestation, la propriété intellectuelle, la souveraineté alimentaire des peuples, l’existence d’une future organisation mondiale de l’environnement et la conflictualité avec l’OMC, etc.) montre à quel point la négociation est ardue. Mais le fait qu’elle suscite rapports de force et tensions entre Etats est plutôt une bonne nouvelle : on touche au « dur ». Rien ne serait pire qu’un consensus mou où les problèmes seraient niés ou reportés à demain.
Pour autant, rien n’est gagné. Après des mois d’apathie voire de déprime ces dernières semaines, un semblant d’optimisme voire d’euphorie, semble régner dorénavant, que reflètent l’annonce de la venue des principaux chefs d’Etat et leurs déclarations y compris celle de Ban Ki Moon, etc.
Entre cet incessant chaud et froid, rythmé par les ballets diplomatiques, dont on peut gager qu’il durera tout au long des quinze jours à venir, difficile de discerner ce qui est le plus dangereux, entre l’euphorie rassurante et anesthésiante et le pessimisme qui pourrait conduire au fatalisme et à l’abattement. Comme dans tout bon thriller, où toute bonne partie de cartes, c’est quand la dernière levée s’achève, quand le dernier acte est joué, qu’on sait enfin si la partie est gagnée, si la victoire (ici collective) est atteinte.
Au cours de ces quinze jours, conservons donc deux boussoles. La première, c’est ce que nous disent les scientifiques : nous n’avons pas le droit d’échouer. Nous n’avons même pas le droit de tergiverser et de retarder les décisions à plus tard. Cela se paierait de millions de tonnes de carbone supplémentaires dans l’atmosphère et des dizaines de générations paieraient un prix insensé notre inconséquence. Il est déjà extrêmement tard, peut être bien plus tard que nous le pensons, n’aggravons pas encore les risques.
Le succès éventuel, nous le jugerons donc non pas aux communiqués plus ou moins grandiloquents mais aux engagements concrets et contraignants pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour financer l’aide aux pays du Sud. Des engagements pour maintenant, pas pour dans 50 ans !
Notre deuxième boussole est que rien n’est jamais joué tant que la cloche finale n’a pas retenti. Entre le fatalisme de l’échec et le faux succès de la douce euphorie, il y a une troisième voie pour l’accord responsable. C’est la voie de la volonté politique. Même dans les négociations les plus fermées, l’ambiance médiatique, la pression organisée de l’opinion publique peuvent être le petit « plus » qui peut changer le cours de l’Histoire.
Raison de plus pour rester mobilisés tout au long de ces quinze jours, partout, sur toute la planète. Copenhague nous concerne tous, aux quatre coins de la planète, du sommet de l’Himalaya aux îles Tuvalu, en passant par chacune de nos villes, chacun de nos territoires. Cette conférence se joue dans la plus grande salle de négociation jamais imaginée : la Terre. Chacun doit y prendre sa part.
Denis Baupin
http://www.mediapart.fr/club/edition/quel-temps-copenhague/article/071209/copenhague-top-depart