Publié le 25 février, 2009
0Manifeste- Israël-Palestine : l’urgence d’un new deal
Jean Daniel, Edgar Morin, Stéphane Hessel, la présidente de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) Souhayr Belhassen, l’écrivain Antonio Tabucchi, l’historien Mohamed Harbi, l’universitaire Jean-Paul Chagnollaud, l’ancien président de Médecins sans frontières Rony Brauman, figurent parmi les premiers signataires du manifeste « Israël-Palestine : l’urgence d’un new deal », qui appelle à « la relance d’un plan de paix, par une négociation entre toutes les parties concernées : l’État d’Israël, l’Autorité palestinienne et le Hamas ».
Les signataires qui jugent indispensable « le démantèlement des colonies, la suppression des postes de contrôle de l’armée israélienne […] et la démolition du mur » attendent de Barack Obama qu’il exerce des pressions sur les protagonistes et propose la médiation impartiale des Etats-Unis.
Les drames qui se sont abattus sur Gaza ne peuvent être considérés comme un simple épisode d’une guerre sans fin, annonçant fatalement la dévastation suivante. L’exigence d’en poursuivre les responsables est nécessaire, de même que l’action diplomatique pour mettre un terme aux « tas de gravats et de cadavres » qui s’y sont accumulés. Mais une priorité s’impose : le retour au politique, par la négociation entre partenaires antagoniques.
Car il n’existe aucune solution militaire à ces affrontements où le voisin est montré du doigt comme agresseur permanent d’un État qui serait ainsi acculé à la « légitime défense », quand c’est la logique coloniale agressive, de dépossession, d’exil, de ghettoïsation et de répression brutale, qui en rend compte. En aucun cas, l’escalade de la violence n’assurera la sécurité et le droit à la vie ni des Israéliens ni des Palestiniens, voués à cohabiter, à vivre ensemble ; tout au contraire, elle ne cessera d’approfondir entre eux le fossé, plus dangereusement encore.
Un compromis pour la paix – inéluctable – est possible, maintenant : l’essentiel des litiges a été examiné lors des négociations avortées de Taba (2000-2001), puis conforté par la logique de l’Initiative arabe de paix (Beyrouth, 2002), alors même que l’OLP avait déjà reconnu l’État d’Israël (congrès d’Alger, octobre 1988). Sans parler des « accords de Genève » (décembre 2003), qui ont constitué, dans le sillage de Taba, une étape et des travaux pratiques virtuels d’une négociation – hélas, sans lendemain –, ni des multiples résolutions de l’ONU, restées lettres mortes à ce jour.
Les désastres de Gaza ne rendent que plus impérieuse la relance d’un plan de paix, par une négociation obligée entre toutes les parties concernées : l’État d’Israël, l’Autorité palestinienne et, bien sûr, le Hamas – vainqueur incontesté, faut-il le rappeler, des élections palestiniennes de janvier 2006 –, qu’il n’est ni possible ni réaliste d’exclure. Seule une négociation directe, sans préalables ni tabous, peut être à même d’en décider, en vue d’un accord clair d’indépendance des Palestiniens, sous quelque forme que ce soit.
Cela implique le démantèlement des colonies, la suppression des postes de contrôle de l’armée israélienne dans les territoires occupés depuis 1967, la démolition du mur dit « de sûreté » – édifié le plus souvent sur le territoire palestinien –, une négociation sur le partage de Jérusalem. Et, enfin, la reconnaissance de l’iniquité dont, depuis 1948, sont victimes les Palestiniens – une reconnaissance qui est au fondement de l’exigence du « droit au retour », même si les modalités de son application restent à négocier entre les interlocuteurs.
En raison de l’état de tension, des blocages et de l’impasse d’aujourd’hui, il faut d’urgence que les décideurs de la politique internationale interviennent pour rompre avec l’engrenage actuel. En effet, plus le différend s’alourdira, plus les Palestiniens seront désespérés, et plus les chances des Israéliens à continuer à vivre sur cette terre se délabreront. Un new deal est nécessaire, qui garantisse à tous la sécurité.
L’Europe doit se mobiliser pour cette nouvelle donne, mais ce sont les Etats-Unis qui détiennent, présentement, les clés de la solution : ce sont eux qui, durant les huit années de l’administration Bush, ont en permanence, et de manière exacerbée, avalisé les assauts militaires israéliens et permis qu’ils soient lancés dans l’impunité, laissant la situation se gangrener dans le chaos mortifère.
C’est, en premier lieu, à l’administration américaine – au nouveau président Barack Obama – qu’il incombe, au nom du droit, de faire pression sur les protagonistes, et de se poser en médiatrice impartiale dans un processus négocié entre Israël et Palestine : ses premiers pas semblent indiquer un frémissement de raison.
Nous l’adjurons solennellement de changer radicalement la ligne politique et diplomatique désastreuse de l’ancien cours, de tout faire pour encourager et favoriser un retour au dialogue direct, sur des bases réalistes.
Le nouveau cours américain se doit de correspondre au rendez-vous des peuples de cette région du monde avec les libertés et la démocratie, pour que chacun d’eux réinvente sa propre nation, après tant de guerres et de rêves insensés. Un new deal résolu peut être un levier décisif de ces espoirs.