Publié le 20 janvier, 2009
0Billet de Denis Baupin – Etats généraux de l’automobile : à diagnostic erroné, réponse inadaptée
Le gouvernement organise aujourd’hui des « Etats généraux de l’automobile ». Il était temps, il est déjà extrêmement tard !
Le plus consternant, c’est l’aveuglement dans le diagnostic posé, et par conséquent l’inefficacité des réponses apportées. Là où une réorganisation structurelle profonde serait nécessaire, pour adapter les produits vendus, réorganiser l’ensemble de la production et mettre en place une stratégie de reconversion industrielle, on se contente d’emplâtres sur des jambes de bois en promettant des financements aux industriels… à la condition de maintenir les sites industriels en France.
Que ces Etats Généraux de l’Automobile à rebours de l’histoire se tiennent le jour même où un nouveau Président entre en fonction aux Etats-Unis, qui lui s’apprête à conditionner l’aide aux constructeurs à une véritable reconversion, n’est pas le moindre des paradoxes. Cela en dit long sur le très faible niveau d’analyse des dirigeants français.
La stratégie du « pollueur – payé » …
Certes, il est important que les salariés des secteurs industriels concernés ne soient pas les boucs émissaires des erreurs stratégiques des constructeurs automobiles et de la lâcheté des dirigeants politiques depuis de nombreuses années. Mais se contenter d’apporter des financements aux constructeurs automobiles fautifs – comme hier aux banquiers jouant au casino avec nos économies – sans veiller à ce qui est produit ne traduit pas une vision responsable de l’utilisation des deniers publics. Ce n’est surtout en rien une réponse à la hauteur de à la crise structurelle de l’industrie automobile.
Car cette crise n’est pas conjoncturelle. Elle n’a pas commencé avec la crise financière de ces derniers mois. Comme je l’écrivais dans « Tout voiture, no future », comme l’expliquait Al Gore dans son film « une vérité qui dérange », elle est enracinée dans l’inadaptation de plus en plus profonde du produit automobile proposé avec les attentes de nos concitoyens et avec leur pouvoir d’achat. Deux indicateurs parmi des centaines qui l’attestent :
·au moment où tous les constructeurs stockent leurs véhicules invendus, Smart n’arrive pas à faire face à toutes ses commandes
·l’âge moyen de l’acheteur de voiture neuve en France est dorénavant de 52 ans : cela illustre la cible visée par les constructeurs, en termes de pouvoir d’achat
…plutôt qu’une stratégie responsable et triplement bénéfique
Une stratégie responsable consisterait à conditionner toute aide aux constructeurs automobiles :
·à la production de véhicules réellement adaptés à notre époque : moins puissants, moins rapides, moins lourds, donc moins polluants, consommateurs, dangereux et coûteux (à l’achat et à l’usage), mais aussi plus maniables, plus faciles à intégrer dans l’espace urbain en circulation et en stationnement.
·à une reconversion d’un certain nombre de sites industriels vers la fabrication d’autres types de véhicules (transports collectifs, voire aussi vélos) dont la collectivité a besoin
·à une aide à la reconversion d’un certain nombre de sous-traitants du secteur automobile vers d’autres secteurs industriels, notamment celui des énergies renouvelables en pleine expansion
Si le gouvernement a réellement 6 milliards d’euros à mettre sur la table, qu’il ne le fasse pas à fonds perdus (avec l’obligation d’y revenir très vite une fois que ces fonds auront juste servi à reporter de quelques mois la catastrophe) mais dans le cadre d’une véritable stratégie de développement durable. Les réponses existent, elles sont :
·indispensables pour l’environnement pour réduire les pollutions, les émissions de gaz à effet de serre et les consommations énergétiques
·justes socialement en préservant les emplois et en diminuant le coût d’usage des véhicules pour les usagers
·bonnes pour l’économie en réduisant notre dépendance énergétique et en engageant une relance durable basé sur des transports durables