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Publié le 4 décembre, 2012

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Les Echos : La « sobriété » énergétique, nouveau credo écologiste

L’opposition au nucléaire n’est plus le seul mot d’ordre du camp « vert », qui fait de la baisse de notre consommation d’énergie sa « priorité absolue ».

Signe de mauvais augure ? Le débat national sur la transition énergétique, que Delphine Batho est finalement parvenue à lancer la semaine dernière, a accumulé les faux départs. La ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’Energie s’est empêtrée dans un invraisemblable problème de casting pour constituer le comité de pilotage de cette vaste concertation.

En confiant deux des cinq premiers rôles à des personnalités issues de l’industrie nucléaire – Anne Lauvergeon, ex-patronne d’Areva et Pascal Colombani, ex-administrateur général du CEA -, le pouvoir aurait déjà écrit le scénario de la future loi de programmation sur l’énergie. C’est en tout cas l’accusation qui a immédiatement fusé des rangs des associations environnementales. Même si la ministre s’est ravisée, et malgré la discrète sortie de scène de Pascal Colombani, la crainte reste vive, chez ces dernières, d’être reléguées au rang de figurantes dans un débat qui ne serait plus sous-tendu par un plan de sortie du nucléaire.

Elle est particulièrement tenace chez Greenpeace France, qui a résolument opté pour la politique de la chaise vide. Mais qui compte bien animer le débat à sa manière… Jeudi dernier, plusieurs de ses militants manifestaient sous les fenêtres du comité de pilotage qui tenait sa réunion d’installation.

 

La posture est assez classique. Mais à l’orée de ce grand débat sur notre politique énergétique, elle amène à s’interroger sur la capacité de la mouvance écologiste à proposer autre chose que son opposition radicale au nucléaire… Les positions évoluent, pourtant. Certes, l’attitude de Greenpeace n’a pas été désavouée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui pourrait, le moment venu, utiliser l’activisme de l’ONG pour peser sur le cours des discussions. Mais, parallèlement, EELV et les associations environnementales jouent ces jours-ci la carte de la décrispation : « Le nucléaire n’est ni le seul sujet ni l’alpha et l’oméga de ce débat. Nous avons deux autres défis devant nous, le dérèglement climatique et la raréfaction du pétrole », clame par exemple Denis Baupin, député EELV de Paris

Pour cet artisan de l’accord programmatique de gouvernement entre le PS et les Verts, le premier de ces défis impose de faire chuter de façon drastique les émissions de CO et le second de tailler dans une facture énergétique qui ampute le pouvoir d’achat des Français. Dans l’un et l’autre cas, les ONG sont unanimes : impossible d’atteindre ce double objectif sans baisse significative de la consommation d’énergie. « C’est notre priorité absolue. Et que l’on ne nous traite pas de décroissants », se récrie Maryse Arditi, de France Nature Environnement (FNE). Sur ce terrain, les écologistes ne jurent que par l’Allemagne, dont la politique massive d’isolation thermique des logements est plébiscitée, ainsi que les efforts menés pour rendre les appareils électriques moins consommateurs d’énergie. La consommation électrique hors chauffage y est aujourd’hui inférieure de 20% à celle de la France, sans que le niveau de vie ait été dégradé.

Pour les experts environnementaux, ces stratégies d’efficacité énergétique sont les exemples à suivre. En appliquant le modèle allemand dans le logement, « la France réduirait de 30 % sa facture », estime Pierre Radanne, auteur du rapport « Facteur 4 » sur la réduction des gaz à effet de serre (GES). Pour Jean-Marc Jancovici, l’inventeur des « bilans carbone », le salut énergétique de la France passera en grande partie par le développement des systèmes et réseaux de récupération de chaleur : « c’est le scénario le meilleur. » « L’efficacité énergétique, c’est très bien, mais cela demande de gros investissements sur lesquels le retour est variable », pondère Marc Jedliska, le porte-parole de Negawatt, qui préconise de faire également jouer à fond la sobriété énergétique. « Là, l’économie est immédiate. On réduit les besoins en faisant évoluer les comportements. » Dans cette optique, le durcissement et la généralisation de dispositif de bonus-malus pour hâter l’usage de produits et équipements moins énergivores, sont présentés comme les leviers les plus efficaces.

La logique visant à « décarboner » la société à tous les étages (industrie, transport, immobilier, logement…) est évidemment incompatible avec les gaz de schiste, le nouveau sujet « repoussoir » par excellence au sein de la mouvance écologiste. Outre les préoccupations environnementales et de santé publique engendrées par les gaz non conventionnels, le camp vert a une bonne raison de s’opposer à leur exploitation sur le sol français. Leur pari est le suivant : le temps de démontrer la présence en abondance de ces gisements, le temps de prouver qu’il est possible de les exploiter sans abîmer l’environnement et de les produire dans des conditions économiques satisfaisantes, le train de la transition énergétique sera lancé… Or celui-ci passe par les énergies renouvelables, dont le développement sera au coeur du débat qui commence. Depuis plusieurs jours, les ONG ne tarissent pas d’éloges sur l’Agence pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui, dans son récent scénario à l’horizon 2050, considère que la France sera à cette échéance totalement affranchie du pétrole grâce à ces nouveaux moyens de production et aux économies d’énergie. Lequel rapport se garde bien de préciser ce que sera alors la part du nucléaire dans notre production d’électricité. Question autour de laquelle, qu’on le veuille ou non, le débat finit toujours par tourner.

Joël Cossardeaux

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