Publié le 12 décembre, 2012
0Le JDD.fr – Transition énergétique : passe d’armes entre députés et patrons à l’Assemblée
Les députés auditionnaient les dirigeants des grandes entreprises énergétiques. Gaz de schiste, pétrole, financement… Un débat à double sens entre deux camps qui ont du mal à se comprendre.
Le chemin va être long, très long. Mardi après-midi, les députés de la commission de développement durable auditionnaient les principaux dirigeants des grandes entreprises énergétiques françaises (GDF Suez, Total,…). Une rencontre « test », alors que la ministre de l’Ecologie Delphine Batho vient d’ouvrir le grand débat national sur la transition énergétique. Les échanges n’ont pas été très concluants.
Les patrons ont entamé les discussions sur les chapeaux de roues, rappelant à l’ordre les députés sur leur vision un peu étroite du débat. « Il faut avoir une vision mondiale de l’énergie », a lancé Philippe Boisseau, l’un des directeurs de Total qui s’exprimait au nom de son PDG Christophe de Margerie. « La demande augmentera peu en Europe mais beaucoup dans les autres pays du monde », a-t-il dit. Il estime que d’ici dix ans, l’énergie sera devenue « rare » et donc « chère », signalant que la consommation de pétrole n’augmentera plus, faute de production suffisante.
Il n’a pas attendu très longtemps pour se faire tancer par le député de gauche de l’Oise, Patrice Carvalho. Rappelant que mercredi sera l’anniversaire du naufrage de l’Erika, il a fustigé le pétrolier de faire naviguer « des rafiots » et de pratiquer « les prix du carburant les plus élevés de France tout en abandonnant les stations-services ».
« Il y aura à l’avenir plus de pétrole et de gaz qu’aujourd’hui »
Son voisin Philippe Plisson, député de Gironde, a tenté de recentrer les échanges sur l’efficacité énergétique et son coût. Mais la réponse du vice-président de GDF Suez a été tout aussi cinglante. « Il faut aider les Français à isoler leur logement », a jugé Jean-François Cirelli, « car cela coûte 10.000 à 15.000 euros pour les passoires thermiques ». Volubile et direct, il n’a pas hésité non plus à interpeller fermement la représentation nationale. « Vous devez accepter l’arbitrage entre la transition énergétique et l’augmentation des prix. Jusqu’où êtes-vous prêt à assumer son coût? ».
Représentant de l’Union française de l’électricité (UFE), son président Robert Durdilly a estimé, dans un silence de mort, que le passage à 40% d’énergies renouvelables couteraient 420 milliards d’euros d’ici 2030. Un chiffre qui n’a pas manqué de faire réagir le député EELV de Paris, Denis Baupin. « Si l’on intègre tous les coûts, comme le risque d’un accident nucléaire ou de la pénurie de pétrole, les énergie vertes sont moins chères que le gaz! ».
Est alors venu le moment tant attendu de parler du gaz de schiste, un sujet lancé par Olivier Falorni (Charente-Maritime) et Sophie Errante (Loire-Atlantique). Si Total opte depuis quelques mois pour la politique du silence – « le débat est clos pour nous » a estimé Philippe Boisseau -, le numéro deux de GDF Suez n’a pas hésité à se lancer dans la bataille. « C’est très compliqué d’en parler en ce moment en France. Les industriels s’adapteront et on peut sûrement améliorer la fracturation hydraulique », a-t-il concédé. Mais soucieux de sortir du débat franco-français, il a rappelé que le gaz de schiste était une vraie révolution aux Etats-Unis. « Ils sont indépendants en gaz et, du coup, exportent leur charbon qui devient bon marché pour les européens! » Médusés par ce paradoxe, les députés ont tous concédé qu’il y avait un problème sur les émissions de gaz à effet de serre (CO2) en Europe. « Ça ne va pas plaire à tout le monde mais les réserves mondiales de gaz sont passées de 60 à 250 ans. Il y aura à l’avenir plus de pétrole et de gaz qu’aujourd’hui ». Drôle de transition énergétique.
Matthieu Pechberty –