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Publié le 8 juin, 2015

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La scission d’Areva, nouvelle péripétie dans l’histoire mouvementée du nucléaire français

Créé en 2001 par la fusion de Framatome, Cogema et CEA Industrie, Areva voit ses activités scindées quinze ans après, une illustration de plus de la politique du meccano autour de l’industrie nucléaire française, portée comme un fleuron national depuis les années 60.

Alors que l’atome représente 75% de la production électrique du pays avec 58 réacteurs en activité, et représente des dizaines de milliers d’emplois, le gouvernement ne pouvait pas ne pas sauver l’un des trois piliers de la filière française, avec EDF et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Surtout, l’industrie nucléaire est intimement liée à l’Etat, qui détient 87% d’Areva et 84,5% d’EDF.

En fait, il a toujours été à la manœuvre, depuis les débuts du déploiement du nucléaire civil après le choc pétrolier de 1973.

Même après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, la construction de réacteurs en série se poursuit et la France consolide son modèle électrique « tout nucléaire ».

« Même quand en 1981 il y a eu tout un mouvement contre l’industrie électronucléaire, cela n’a pas fait de grande différence », se souvient Corine Lepage, ancienne ministre de l’Environnement du gouvernement Juppé (1995-1997) et auteur de « l’État nucléaire », pour qui tous les dirigeants de la Ve République ont été « très favorables au nucléaire ».

Tout juste François Mitterrand stoppe-t-il en 1981 le chantier de la centrale de Plogoff dans le Finistère, cible d’une vive contestation populaire.

Après la catastrophe de Tchernobyl en 1986, la donne change. La critique de l’exception française du nucléaire monte en puissance.

Les recherches ne s’arrêtent pas pour autant autour de la technologie dite de 3e génération, qui aboutira à la mise au point par Areva de l’EPR, toujours avec le soutien de l’État.

Pour Lionel Taccoen, expert et auteur en 2003 du « Pari nucléaire français », les déboires d’Areva remontent en partie là: « Au lieu de perfectionner les modèles de réacteurs existants, la France a opté pour un saut technologique ».

En parallèle, l’opposition s’intensifie contre le réacteur Superphénix (Rhône), qui divise Verts et socialistes. Superphénix est définitivement arrêté en 1998 par le gouvernement Jospin, auquel participent les Verts.

C’est le moment où Anne Lauvergeon arrive à la tête de la Cogema (Compagnie générale des matières atomiques). Dès le départ elle milite pour la constitution d’un acteur présent dans toute la chaîne de valeur du nucléaire.

Proche de la gauche au pouvoir – elle a travaillé pour François Mitterrand à l’Elysée – elle obtient du gouvernement le regroupement de la Cogema, Framatome et CEA Industrie. Areva naît ainsi le 3 septembre 2001.

– La fin du tout nucléaire? –

La France croît au « renouveau » du nucléaire dans le monde mais EDF et Areva, duellistes de l’atome français, se tirent dans les pattes à l’international, sans que l’État ne fasse la police.

Les EPR en construction en Finlande (Areva) et à Flamanville (EDF et Areva) multiplient retards et surcoûts.

« On a vécu sur une utopie complète », juge Corine Lepage. « On a pâti de cette mythologie franco-française sur le nucléaire, qu’on a du mal encore aujourd’hui à attaquer car cela fait partie des dogmes quasiment au fondement de la cinquième république », insiste l’écologiste Denis Baupin.

« Il ne faut pas réécrire l’histoire. Ce qui arrive à Areva est le fruit d’une série d’erreurs et même de fautes. Cela n’a rien à voir avec la donne de départ », justifie le député PS François Brottes, spécialiste de l’énergie.

Mais la catastrophe de Fukushima en 2011 relance les interrogations sur la filière. Le marché du nucléaire s’effondre et peine depuis à se relever, pénalisant EDF et Areva dont les débouchés se tarissent. L’effondrement des cours de l’uranium accentuent les difficultés d’Areva, auxquelles viendra s’ajouter le fiasco du rachat de la société minière Uramin, sur lequel la justice enquête.

C’est dans ce contexte que François Hollande est élu président en 2012. Pour obtenir le soutien des écologistes, il a promis la fermeture d’ici 2017 de la centrale de Fessenheim. La loi sur la transition énergétique prévoit une réduction à 50% de la part du nucléaire dans le système électrique.

Un changement d’attitude durable? « Le parti socialiste a en tout cas acté qu’il fallait diversifier le bouquet électrique. Cela n’aurait pas été possible il y a cinq, six ans », avance François Brottes, pour qui l’idée est acceptée « même au sein de la droite », bien que des désaccords perdurent sur le rythme de réduction de la dépendance à l’atome.

 

AFP – 05/06/2015

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