Publié le 25 janvier, 2013
0Intervention de Denis Baupin sur la fiscalité écologique
Jeudi 24 janvier s’est tenu à l’Assemblée Nationale un débat sur la fiscalité « écologique, à l’initiative du groupe des Députés écologistes, au cours duquel Denis Baupin est intervenu.Retrouvez l’intégralité du débat via le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html
Intervention fiscalité écologique par Denis_Baupin
Madame la Présidente,
Madame la ministre,
A mon tour, je voudrais me réjouir de ce débat. Il met en évidence les analyses respectives des uns et des autres. Et je note avec satisfaction des convergences importantes.
Nous pensons tous que le retard de la France en matière de fiscalité écologique traduit est le symptôme d’une carence dans nos politiques nationales et un handicap pour notre compétitivité.
Nous pensons tous qu’une fiscalité écologique peut être un élément important pour modifier les comportements, en adressant des signaux économiques cohérents. Quand nous demandons à nos concitoyens de faire preuve de civisme en adoptant les comportements les moins polluants, les moins énergivores, et qu’en même temps le signal prix les incite à faire l’inverse, nous leur faisons subir des injonctions contradictoires. En tant que citoyens, ils sont tous d’accord pour privilégier ce qui protège notre environnement. Mais en tant que consommateur, ils font logiquement attention à leur pouvoir d’achat, particulièrement en cette période de crise.
Grâce à la fiscalité écologique, en réhabilitant le principe « pollueur – payeur » que tous nos concitoyens connaissent et reconnaissent, nous pouvons leur permettre de sortir de cette schizophrénie. En rendant lisibles les signaux adressés par les pouvoirs publics et les acteurs économiques par des mécanismes de type bonus-malus, nous pouvons réconcilier le citoyen et le consommateur en chacun de nous, et ce n’est pas le moindre des mérites de cette fiscalité.
Nous sommes d’accord aussi pour considérer qu’il faut que cette fiscalité n’ait pas pour effet pervers d’accroître le poids pesant sur les ménages les plus fragiles. Cela implique de faire preuve d’imagination et de souplesse dans les mesures correctrices, destinées à ces ménages, qui doivent accompagner cette fiscalité. Elles seront évidemment d’autant plus pertinentes et comprises, si elles permettent d’accompagner ces ménages vers une consommation plus sobre, par exemple sous la forme de « chèques verts » utilisables pour isoler son logement, utiliser les transports collectifs, changer de chaudière, privilégier des appareils électro-ménagers sobres, etc.
Cette logique ne vaut pas uniquement pour la création de fiscalités nouvelles. Elle vaut aussi pour des dispositifs fiscaux existant qui incitent à des comportements anti-écologiques, et qu’il faut progressivement supprimer. Nous les avons déjà évoqués lors des lois de finances : ils portent sur les dégrèvements dont bénéficient les raffineries, les transports aériens, etc. et je veux ici particulièrement insister sur l’un d’entre eux, car il cumule tellement d’incohérences qu’il est difficile de comprendre pourquoi, malgré nos demandes multiples, rien ne bouge.
Je veux parler ici des niches fiscales qui incitent nos concitoyens à acheter des véhicules diesel. Elles sont absurdes à au moins 6 titres :
– Absurdes car elles incitent à acheter les véhicules les plus polluants, donc les plus nocifs pour la santé, comme l’a établi l’OMS, causant la mort dite « prématurée » chaque année de 40 000 personnes dans notre pays, et la réduction de notre espérance de vie de 6 à 9 mois. Nous avons tous dans notre entourage, des personnes âgées et des jeunes enfants qui souffrent de maladies respiratoires, et outre ces souffrances, permettez-moi de rappeler que ça pèse lourdement sur les comptes de la sécurité sociale.
– Absurdes car elles incitent nos concitoyens à penser qu’acheter un véhicule diesel est bon pour leur portefeuille. Or, l’UFC Que choisir l’a montré, ça n’est vrai que pour ¼ des possesseurs de ces véhicules, ceux qui roulent plus de 20 000 km / an. Tous les autres y perdent.
– Absurdes car elles pèsent lourdement sur le budget de l’Etat. Un manque à gagner de l’ordre de 5 à 7 milliards. Dès 2005, la Cour des Comptes a dit qu’il n’y a aucune raison de subventionner ainsi un carburant qui n’a aucun avantage environnemental.
– Et ça n’est pas fini. Absurde car la facture s’alourdit, si on prend en compte que la surdieselisation du parc français accroît nos importations de carburant pour 2 à 3 milliards d’euros par an, tout en mettant en danger les raffineries nationales, avec les conséquences sur l’emploi et les finances publiques
– Ajoutons que la facture s’alourdira encore quand la France sera condamnée à de lourdes amendes par la Cour de Justice Européenne pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air
– Et je ne serais pas complet si je ne citais les études montrant que les particules diesel constituent le 2ème gaz à effet de serre, après le gaz carbonique. Il est donc absurde que le bonus-malus, destiné à lutter contre le dérèglement climatique, favorise les véhicules diesel.
Au total, cette politique pro-diesel nous coûte près de 300 euros par an et par ménage français ! Pour une politique aussi nocive, c’est un peu cher payer.
Évidemment, je n’ignore pas les raisons qui freinent toute décision. Elles rejoignent directement les précautions que j’évoquais au début de mon propos sur l’accompagnement nécessaire à toute fiscalité écologique, qu’elle soit nouvelle, ou la suppression de fiscalité anti-écologique.
Si nous supprimons progressivement ces niches fiscales pro-diesel, il faut accompagner le mouvement à la fois par des aides aux ménages les plus fragiles et qui seraient pénalisés ; par des dispositifs du type de ceux qu’a mis en place la ville de Bruxelles – gratuité des transports collectifs pendant 2 ans pour celui qui renonce à son véhicule polluant – ; et par un accompagnement des constructeurs automobiles, qui d’ailleurs subissent de plein fouet la très mauvaise image du diesel à l’étranger et qui ne peut être renforcée par la décision de ce jour de l’Union Européenne en faveur des carburants propres.
Ca tombe bien, comme toute fiscalité écologique, la suppression des niches génère des recettes qui peuvent être, au moins partiellement, consacrées à cet accompagnement.
Pour conclure je dirai que nous avons conscience que tout cela peut paraître compliqué. Mais y renoncer, reporter les décisions, seraient encore bien pire. Non seulement nous subirions plus longtemps ces politiques nocives, mais en plus le coût serait plus lourd encore quand le virage sera enfin pris.
C’est pourquoi, je le redis, nous sommes heureux que le gouvernement et la majorité aient décidé de prendre à bras le corps ce dossier de la fiscalité écologique. Il est maintenant temps de passer aux actes !
Merci