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Publié le 7 juin, 2013

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BIP-Enerpresse : Le peak car devancera-t-il le peak oil ?

Mercredi 5 juin, la sénatrice Fabienne Keller et le député Denis Baupin ont auditionné les acteurs de la mobilité durable pour le compte de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Deux questions étaient à l’ordre du jour : quelle typologie des besoins et des comportements, et quelles leçons à en tirer pour le marché automobile ?

Pour leur quatrième audition destinée à nourrir leur rapport sur « les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques », les parlementaires Fabienne Keller et Denis Baupin ont fait dense : une trentaine d’acteurs leur ont exposé leur vision du sujet, le tout en moins de quatre heures, mercredi dernier à Paris. Des contributions qui viennent enrichir les précédentes (cf. BIP du 28.03) et qu’on retrouve sur un blog aménagé pour l’occasion par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (http://blogs.senat.fr/nouvelles_mobilites). Le BIP en retient ceci : plutôt que de disserter sur un sempiternel peak oil, la question de l’imminence d’un peak car doit être posée.

Le peak car correspond au moment où une société accro à la voiture, engluée dans l’autosolisme et les pics de pollution, mais désireuse d’un avenir durable, considère que trop, c’est trop, décide que le parc roulant a atteint un plafond et se met à déployer des solutions de mobilité recourant moins à la voiture individuelle. Pour Elisabeth Gouvernal, directrice du département transports & mobilité à l’Institut de l’aménagement et de l’urbanisme d’Île-de-France, ce moment semble être arrivé, du moins en France. Ce qui doit amener les fournisseurs d’énergie pour le transport à se poser des questions. Elisabeth Gouvernal en veut pour preuve le déclin du taux de possession du permis de conduire chez les jeunes : 44 % en 2010 contre 60 % en 1983. En cause : le coût de l’examen, bien sûr, mais aussi des phénomènes générationnels comme la multiplication de l’habitat solitaire ou la disparition du service militaire, période dont de nombreux jeunes ont profité au siècle dernier pour recevoir le précieux dépliant rose. Sans oublier une certaine baisse de l’attractivité de l’objet voiture auprès  de la génération Y, plus sensible aux smartphones et autres merveilles des technologies de l’information et de la communication.

« Les femmes étaient le moteur de la croissance automobile jusqu’au début des années 2000, elles ne le sont plus. Tout juste sont-elles contrebalancées par l’afflux des jeunes retraités, qui ont grandi avec l’automobile : 81 % des sexagénaires détiennent le permis aujourd’hui, contre 36 % en 1983 », explique Elisabeth Gouvernal. « L’usage de la voiture particulière est en baisse dans les villes centres, et il ne progresse que dans l’extrême péri-urbain francilien », observe Nicolas Louvet, du cabinet 6T-Bureau de recherche, auteur d’une classification des Français suivant leur rapport à la voiture (« auto-contraints », « écolos militants », etc.).

Ce spécialiste confirme aussi le découplage auquel on assiste entre la possession et l’usage d’une automobile (le fameux « effet Autolib » : je consomme des trajets en voiture, mais sans en posséder ni louer). Une tendance qui explique aussi l’essor du covoiturage. « Nous sommes tombés dans le mainstream », la banalité, se félicite Laure Wagner, qui gère le site www.blablacar.fr, fort de 3 millions d’inscrits et de 600 000 trajets par mois. Eric Lemerle, responsable des études sur la mobilité chez Renault, complète : « aux côtés de la voiture partagée (type Autolib), s’ajoutera bientôt la voiture partageable », c’est-à-dire la voiture particulière, mais prêtée à des tiers, avec les mêmes outils de gestion numérique des flux que pour l’autopartage.

Ceci dit, une controverse subsiste pour savoir si oui ou non, ces nouveaux comportements en viennent à réduire la taille du parc roulant, favorisant par là le peak car. Pour Nicolas Louvet, « chaque voiture autopartagée remplace neuf voitures personnelles et libère huit places de stationnement ». Faux, répond Claude-Jean Couderc, à la direction des affaires publiques de PSA Peugeot-Citroën, « à 60 %, les usagers d’Autolib viennent des transports en commun ». Pour lui, « l’objet automobile fait encore rêver », en témoigne la bonne résistance du marché du luxe sur quatre roues. Cette dimension onirique est-elle compatible avec les nouveaux modes de consommation automobile évoqués précédemment ? Parler de rêve pour une voiture partagée ou un trajet de covoiturage est peut-être exagéré, mais pour Eric Lemerle, on peut leur accoler plus facilement la notion de plaisir. Laure Wagner mentionne le lien social et la sympathie d’une rencontre entre deux inconnus comme troisième facteur dans la liste des motivations de son site de covoiturage, derrière la motivation économique et la motivation logistique (pas besoin de faire le dernier kilomètre à pied). Notons que la motivation écologique est, elle, totalement absente.

Mais pas de plaisir sans confort : une Autolib aux sièges tachés, ou un covoitureur insupportable, et c’est un usager déçu. Et si ces nouveaux usages de l’automobile doivent beaucoup aux politiques de restriction des places de stationnement en ville, il faut au contraire libérer des mètres carrés de voirie pour les véhicules remplaçant la voiture individuelle : aires de recharge pour les motorisations électriques, accès aux couloirs de bus, hubs de covoiturage à l’entrée des villes, etc. « Pourquoi ne pas aménager un emplacement dédié à l’autopartage lors de la construction d’un parking d’immeuble, tout comme il existe déjà un droit à la prise pour la voiture électrique individuelle ? », propose Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des voitures écologiques. Seule limite au foisonnement de telles infrastructures : la déresponsabilisation. Plus l’usager a de possibilités de déposer le véhicule ailleurs que là où il l’a pris, moins il en prend soin. « En rendant le véhicule à l’endroit où on l’a emprunté, on évite cette dérive », observe Fabienne Keller. Ne fait-on pas l’état des lieux de la voiture de location dès le retour à l’agence ? Mais on ne reviendra pas en arrière : une telle garantie de retour est aujourd’hui inenvisageable tant les nouvelles formes de consommation automobile reposent sur le « pick and drop » : je prends où je veux et je rends où je veux.

 

Guillaume Maincent

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