Publié le 7 mars, 2014
0Mediapart – Couverture du périphérique parisien: les gros mensonges de NKM
Denis Baupin explique en quoi la promesse de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, de couvrir le boulevard périphérique parisien traduit un « étonnant manque de compétence ». Le député (EELV) de Paris et vice-président de l’Assemblée nationale lui oppose le projet de la liste des écologistes conduite par Christophe Najdovski.
Déclaration après déclaration, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) persiste et signe : elle s’engage à couvrir intégralement le périphérique.
Celui-ci est en viaduc sur de nombreux tronçons ? Eh bien elle l’enfouira (sic)… oubliant un peu rapidement que le sous-sol parisien est loin d’être aisément traversable, truffé qu’il est de réseaux et de carrières…
Le coût en est astronomique ? Elle prétend l’auto-financer. Comment ? En prélevant sur la péréquation entre communes par laquelle la ville de Paris est censée redistribuer avec les territoires les plus pauvres de la métropole une partie de sa richesse ! Quelle conception impérialiste de la solidarité !
Et pour réduire les coûts… on construit massivement à proximité (comme si les territoires voisins du périphérique étaient le désert des Tartares exempt d’équipements ou de bâtiments existants), et afin de contourner les règles de protection incendie issue de la catastrophe du Mont Blanc (quelle légèreté vis-à-vis de la sécurité) on interrompt les tunnels tous les 250 mètres !! En conséquence, outre les compatibilités plus que foireuses avec l’idée-même d’enfouissement des zones actuellement en viaduc (on transforme le périphérique en montagnes russes ? on crée de vastes zones de territoire avec un trou béant au-dessus des parties non couvertes ?), les conséquences les plus immédiates sont la suppression des cheminées d’évacuation de la pollution massive du périphérique, qui reste donc concentrée aux interruptions de tunnel… et respirée par les actuels riverains et tous ceux qui viendraient vivre dans les immeubles projetés à proximité ; et on maintient le niveau de nuisances sonores très élevé pour ces mêmes riverains.
Tout cela n’est pas sérieux, et traduit un étonnant manque de compétence de la part de ceux qui, il n’y a pas si longtemps encore, pilotaient la ville de Paris, et plus récemment encore aux destinées du pays… particulièrement quand Mme NKM était ministre des transports.
Ayant eu, il y a quelques années, la responsabilité, en tant que maire-adjoint de Paris, de piloter les couvertures de périphérique de la Porte des Lilas et de la Porte de Vanves, et d’appréhender la complexité de réalisation de ces ouvrages (avec les excellentes équipes de la Direction de la voirie et des déplacements de la Ville), il me paraît indispensable donc de rappeler quelques données essentielles pour la réalisation de telles couvertures.
Rien de tel qu’un exemple. Mettons de côté des cas trop aisés à ridiculiser tels que la Porte de Bagnolet, dont on se demande si la candidate UMP y a jamais mis les pieds quand elle imagine enfouir cet énorme plat de spaghettis que constitue l’entremêlement de multiples voies autoroutières (triste symbole d’une ère où l’automobile reine justifiait d’aliéner toutes les autres fonctions urbaines à sa seule circulation), et prenons pour exemple un tronçon que cette candidate prétend pouvoir couvrir au cours de la prochaine mandature, et que je connais bien puisque nous l’avions étudié lors de la couverture de la Porte de Vanves, et qu’il se situe sur le territoire de la circonscription dont je suis élu : le tronçon situé entre la Porte de Chatillon et la Porte d’Orléans, au sud du 14e arrondissement.
Il se trouve que sur ce tronçon, à la différence de la Porte de Vanves – dont nous avons réalisé la couverture pour le plus grand bonheur des riverains côté Paris et côté Malakoff et Vanves – la chaussée du périphérique est « bombée », c’est-à-dire beaucoup moins profonde par rapport aux rives du périphérique. Ainsi, sur l’essentiel de ce tronçon, l’écart de profondeur entre la chaussée et le boulevard Romain Rolland qui borde le périphérique se situe entre 2,30 m et 3 mètres. Or, donnée dont je ne peux imaginer qu’elle ait échappé à une ancienne ministre des transports, si on prévoit la couverture d’une voie autoroutière de type périphérique, il faut au minimum 5 mètres entre le niveau de la chaussée et le bas de la dalle de couverture. A cela, il faut ajouter éventuellement l’épaisseur des appareils de ventilation située sous la dalle, mais aussi la hauteur des panneaux de signalisation, dont on ne peut probablement pas se passer alors même qu’on arrive, au niveau de la Porte d’Orléans, à un nœud autoroutier.
A ces épaisseurs supplémentaires il faut évidemment ajouter l’épaisseur de la dalle elle-même. Or, il se trouve qu’à cet endroit, NKM propose d’implanter sur la dalle un espace vert, afin de libérer l’espace à proximité pour ses projets immobiliers. Le problème est que, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, c’est lorsqu’on implante un espace vert que la dalle doit être la plus épaisse et la plus solide, car un espace vert (je n’imagine pas l’apprendre à une ex ministre de l’environnement), ça nécessite une grande masse de terre, et donc une charge à faire supporter par la dalle particulièrement lourde.
Au total, il est donc probable que l’espace vert concerné se retrouve au minimum près de 4 mètres plus haut que le niveau actuel des rives du périphérique ! Deux hypothèses sont alors possibles : soit on construit ainsi la couverture et on se retrouve avec un effet de boîte de 4 mètres de haut, véritable barrière entre Paris et ses voisins là où on prétendait les réunir… soit il faut préalablement recreuser le périphérique pour l’enfouir de près de 4 mètres avant de réaliser la couverture. Inutile de dire qu’un tel chantier aurait un coût colossal (et ce d’autant plus qu’on est dans une zone d’anciennes carrières), mais surtout nécessiterait la fermeture pendant de très longs mois (2 à 3 années) de plusieurs voies du périphérique, à un endroit où il comporte déjà peu de voies, et où il est déjà particulièrement chargé du fait de la proximité de l’autoroute. A ma connaissance, la candidate NKM, candidate dans le 14e arrondissement justement, n’a pas encore indiqué laquelle des deux hypothèses elle privilégierait, ce qui constituerait pourtant une information capitale pour les électeurs se prononçant les 23 et 30 mars prochains.
Faut-il déduire de ce qui précède que, l’enfouissement du périphérique étant de fait quasiment impossible pour la quasi-totalité des tronçons non encore couverts (car le raisonnement ci-dessus est valable pour l’essentiel de la partie semi-enfouie du périphérique), il faudrait renoncer à améliorer le quotidien des riverains du périphérique et abandonner l’idée de relier Paris à sa banlieue ? Sûrement pas.
Cela fait longtemps que les écologistes (et notamment Christophe Najdovski dans cette campagne) portent des propositions globales et cohérentes pour le périphérique :
1) tout d’abord des mesures d’urgence afin de réduire les nuisances sonores et la pollution de l’air subies par les riverains :
– poursuite du remplacement de la chaussée du périphérique par des chaussées beaucoup moins sonores, comme j’avais commencé à le faire lorsque j’étais adjoint en charge de l’environnement, malgré les réticences de tous ceux qui doutaient de la résistance (aujourd’hui démontrée) de telles chaussées
– réduction de la vitesse sur le périphérique : d’ores et déjà nous avons gagné une première étape avec le passage à 70 km/h, mais une réduction supplémentaire à 50 km/h au milieu de la nuit, comme le préconise Bruitparif, permettrait d’aller plus loin et de soulager les nuits de près de 50 000 riverains. Soulignons à cette occasion que ces réductions de vitesse (et ce dès 70 km/h) permettent aussi de réduire les accidents, les encombrements… et la consommation (donc le coût pour le portefeuille) des automobilistes. Soulignons aussi, que, premières victimes de la pollution de l’air, les automobilistes utilisant le périphérique sont les premiers bénéficiaires de sa réduction
– réduction de la part des poids lourds empruntant le périphérique, notamment les jours de pics de pollution, mais aussi la nuit (par exemple une interdiction de minuit à 6 heures du matin) car le bruit des poids lourds est une des causes majeures de la pollution sonore
2) en parallèle, l’engagement de mesures de moyen terme permettant des couvertures légères (donc sans les inconvénients soulignés plus haut pour les couvertures lourdes) de certaines zones du périphérique qui le permettent, ou d’écrans sonores pour d’autres, en équipant ces installations des derniers dispositifs permettant d’absorber une partie des nuisances sonores et de la pollution de l’air, et en y implantant des panneaux solaires pour réduire notre facture énergétique
3) la transformation à terme du périphérique en boulevard urbain, notamment en parallèle de la construction du métro du Nouveau Grand Paris qui offrira une alternative en transports collectifs, faisant le tour de la capitale, et pouvant décharger une partie des infrastructures routières.
C’est ce projet qui constitue une véritable vision d’avenir, une véritable perspective d’abattre la muraille qui sépare Paris de ses voisins, comme la capitale a su le faire tout au long de son histoire, en repoussant toujours plus loin ses murs d’enceinte. C’est cette vision qui différencie en profondeur et qui constitue une véritable rupture culturelle entre les écologistes et NKM : l’avenir n’est pas de revenir à l’époque où on envisageait de truffer le sous-sol parisien d’infrastructures autoroutières pour continuer de faire croître les consommations d’énergie fossile et les émissions de gaz à effet de serre, mais bien dans une reconquête urbaine qui remplace les balafres autoroutières par des transports collectifs et des boulevards vivables pour les riverains. A la vision néo-pompidolienne de NKM, les écologistes conduits par Christophe Najdovski opposent le Paris du XXIe siècle, le Paris du Vivre Mieux.
Denis Baupin, député (EELV) de Paris et vice-président de l’Assemblée nationale