Publié le 21 juillet, 2013
0Libération : 19 juillet 2013 : acte de naissance de la métropole du Grand Paris
Les députés ont adopté hier la création de l’intercommunalité comprenant au minimum la capitale et la petite couronne. La droite et le Front de gauche y voient la fin des maires.
Par SIBYLLE VINCENDON
C’est fait. Après avoir été supprimée au Sénat, la métropole du Grand Paris a été adoptée hier par les députés, dans le cadre de la loi «d’affirmation des métropoles». Un vote qui s’est accompagné de deux surprises : l’engagement d’instaurer le suffrage universel direct pour l’élection des conseillers métropolitains, innovation démocratique qui pourrait s’appliquer à partir de 2020 à la quinzaine de nouvelles métropoles, dont les trois grosses. Et la fin de la toute-puissance de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense-Seine-Arche (Epadesa), qui sera remis à la métropole du Grand Paris dès promulgation de la loi.
Périmètre. De quoi s’agit-il ? La métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui regroupe Paris et les 124 communes des trois départements qui l’entourent (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), soit environ 6,5 millions d’habitants. Ce périmètre est un minimum : les communes limitrophes pourront adhérer à la métropole et même entraîner derrière elles l’intercommunalité dont elles font partie. Une subtilité destinée à éviter un effet de frontière en béton entre Grand Paris et grande banlieue. La nouvelle intercommunalité est divisée en «territoires» d’au moins 300 000 habitants et son conseil métropolitain pourrait compter 600 membres. Dans les trois départements de la grande couronne (Yvelines, Val-d’Oise et Essonne), les communes devront constituer des intercommunalités de 200 000 habitants minimum pour faire le poids face à l’éléphant.
La métropole est gouvernée par un conseil métropolitain, composé de délégués des communes et de conseillers qui pourraient être élus au suffrage universel direct à partir de 2020. A condition toutefois qu’une loi électorale ultérieure aille dans ce sens. Aujourd’hui, la désignation des membres des conseils d’agglomération, issus des conseils municipaux, échappe totalement aux citoyens. Au cours du débat, le gouvernement a repris à son compte un amendement des socialistes et des écologistes, qui s’était fait retoquer en commission.
Énorme. Comment cela fonctionne-t-il ? De haut en bas. Contrairement à ce qui se passe dans une intercommunalité ordinaire, ce ne sont pas les communes qui transfèrent des compétences à l’étage du dessus : c’est la métropole, soit l’étage supérieur, qui les fait redescendre vers les territoires. Le mouvement s’applique au budget: «3,9 milliards des budgets actuels remontent à la métropole, puis 2,5 retournent vers les territoires», a détaillé Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, qui assure que les finances des communes «sont garanties». Avec ce système, la métropole peut corriger des déséquilibres.
La métropole de Paris n’a de compétence que sur le logement, l’aménagement. Mais c’est déjà énorme. Les députés sont d’ailleurs tout de suite passés aux travaux pratiques en transformant l’Epadesa en «établissement d’intérêt métropolitain», par voie d’amendement socialiste et contre l’avis du gouvernement.
Lors de la première lecture au Sénat, une alliance de circonstance entre la droite et les communistes avait supprimé les articles créant la métropole de Paris au nom de la défense de la commune. A l’Assemblée, même tableau. Pour Marc Dolez, député Front de gauche du Nord, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct «sera la mort des communes».
A droite, pareil. Jacques Myard, député UMP des Yvelines, est sûr que «la logique de ça, c’est qu’il n’y ait plus de maire à la sortie». Toute la droite «entend les messages subliminaux des écologistes», comme dit Patrick Ollier, élu (UMP) des Hauts-de-Seine, qui auraient monnayé leur soutien contre l’amendement. «On a mis la pression», admet Denis Baupin, député EE-LV de Paris. Mais si son groupe s’est abstenu sur le vote de la métropole, c’est pour «encore améliorer le texte». Les écologistes ne désespèrent pas de supprimer les départements en général, et en première couronne de l’Ile-de-France en particulier. Ce qu’une métropole ficelée à la manière de celle-là pourrait en effet porter en germe.