Publié le 4 juin, 2012
0Un "boat-people" sur les terres du "Khmer vert"
REPORTAGE – L’écologiste Denis Baupin, grand favori, affronte aux législatives Chenva Tieu, candidat UMP, dans le Sud parisien.
Place Coluche, à la frontière des 13e et 14e arrondissements, mercredi midi. Les deux principaux candidats dans la 10e circonscription de Paris – 13e et 14e sud – se font face, tracts à la main, sous un soleil de plomb : d’un côté, l’écologiste Denis Baupin, investi conjointement par le PS et EELV; de l’autre, l’UMP Chenva Tieu, qui mène sa première campagne, sans se faire d’illusions. Un boat-people qui a fui le Cambodge avec ses parents en 1975, contre l’adjoint de Bertrand Delanoë, parfois qualifié de « Khmer vert ». Deux profils radicalement différents. Pourtant, l’ambiance est bon enfant. Les deux hommes se sourient, s’apprécient.
« On vous donne le siège de député. Vous trouvez ça normal? »
Le Vert, arborant désormais le look costard cravate, se prépare à faire son entrée à l’Assemblée nationale et à s’éloigner de la vie municipale – il s’engage à abandonner ses fonctions d’adjoint au maire chargé de l’Environnement. Le « copéiste », décontracté, en jean, baskets et bras de chemise, se dit « en mission dans des terres de gauche » : il prépare le terrain en vue des municipales de 2014 dans le 13e, lorgnant vers le réservoir de voix de la communauté asiatique de Chinatown. Elle est encore peu politisée mais pleine de potentiel pour la droite, estime-t-il : « Des gens besogneux, en voie d’embourgeoisement, qui respectent l’autorité… »
Ce jour-là, Denis Baupin et Chenva Tieu ont bien du mal à écouler leurs tracts : le petit marché de la place Coluche, coincé entre les rues de la Santé et de la Glacière, est envahi par des dizaines de partisans excités de Jean-Luc Mélenchon. Le patron du Front de gauche est venu soutenir sa candidate, Leïla Chaibi. Du coup, Baupin et Tieu attendent sagement l’arrivée de celui qui est en train de leur voler la vedette. Hélas, la nuée de drapeaux rouges bifurque à quelques mètres de là.
Le 6 mai dernier, François Hollande a obtenu 63,5% des voix dans cette circonscription, autrefois fief de Jacques Toubon puis de Serge Blisko. Le socialiste se retrouve à son tour sur la touche, « victime collatérale et digne », selon Baupin, de l’accord PS-EELV aux termes duquel deux circonscriptions parisiennes ont été réservées aux écologistes (dont la 6e pour Cécile Duflot).
Sur le marché, un septuagénaire interpelle l’écolo : « Dans le 13e, Hollande à fait dix fois plus qu’Eva Joly [4,3 %] et on vous donne le siège de député. Vous trouvez ça normal? » Baupin répond qu’il « comprend les électeurs socialistes qui se sentent dépossédés de leur vote » ; c’est pourquoi, il plaide pour la proportionnelle. Son interlocuteur l’attaque sur « l’idée stupide de vouloir faire vivre l’enfer aux automobilistes » : « Vous, les Verts, vous ne savez qu’apporter de mauvaises réponses à de bonnes questions. Je suis de gauche mais je vais avoir du mal à voter pour vous. » Toujours souriant, Baupin défend son bilan à la mairie (« J’ai fait le tramway des Maréchaux, l’isolation thermique des bâtiments, les pistes cyclables, Vélib’… »). Il répond qu’il faut « donner une majorité pluraliste à Hollande », met en avant son suppléant Jérôme Coumet, maire PS du 13e… « Vous voyez, je ne suis pas aussi caricatural et dogmatique que vous le pensiez. »
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