Lors du quatrième forum Enerpresse à Deauville, ce 30 juin, la politique a pris le pas sur le consensus qui prévaut d’ordinaire dans les débats sur l’énergie…
« Lors de l’élection présidentielle de 2012, les électeurs auront à se prononcer sur les programmes énergétiques des différents candidats et c’est une bonne chose », a estimé Denis Baupin, conseiller Europe écologie-les Verts de Paris, déplorant que « le seul pays quasiment au monde qui semble pouvoir s’exonérer des conséquences de la catastrophe de Fukushima, c’est la France ». Pour François-Michel Gonnot, député (UMP) de l’Oise, il y aura un débat au moment de la présidentielle, « c’est évident ! » Car, observe-t-il, « on voit bien qu’il n’y a plus de consensus. Il y a un vrai débat et c’est aujourd’hui un débat très fortement clivé ». Soulignant que « la France n’a pas fait le choix de freiner ou d’arrêter le nucléaire, c’est la décision du gouvernement et de la majorité », il observe que « le débat s’est ouvert et n’est pas fini à gauche ». Et, évoquant le « silence des communistes » sur le nucléaire, il estime qu’il n’est « pas sûr qu’on continuera sur le consensus politique qui avait uni gaullistes et communistes autour du nucléaire ». Le débat, ironise-t-il, « je l’attends. A droite, on va commencer à rigoler et à gauche à travailler…. »
Philippe Tourtelier, député (PS) d’Ille-et-Vilaine, observe que, lorsque « le consensus s’est fait, il s’est fait sans débat public. Et il s’est fait au détriment d’autres recherches, comme le solaire par exemple ». Comme député, il n’était pas « contre le nucléaire mais contre le lobby nucléaire ». Après l’accident de Fukushima-Daiichi, il a changé d’avis : « je pense qu’il faut sortir du nucléaire ». Au PS, le débat est en cours et des négociations sont engagées avec Europe écologie – Les Verts. « On est aux préliminaires, indique Denis Baupin. J’observe qu’il y aura bientôt débat lors des primaires et que les différents candidats n’ont pas tous exactement le même discours. Pour nous, c’est clair. Nous ne participerons à une majorité que si la décision de sortie progressive du nucléaire est actée ». Prochain rendez-vous des négociations le 7 juillet.
Il faut aussi évoquer la question du prix réel du nucléaire, en intégrant les déchets, le démantèlement, observe Philppe Tourtelier. Sans oublier d’intégrer celui du risque, complète Denis Baupin : « demandez au Japonais quel est le coût du nucléaire après l’accident. Si vous intégrez les 100 milliards d’euros, ce qui est l’évaluation du coût de l’accident, vous n’avez plus le même prix du kilowattheure. »
Le risque, la gestion de la durée sont des questions dont il faut débattre, estime Philippe Tourtelier : « le débat sur les déchets n’est pas réglée » puisqu’il court sur des milliers d’années. « On est dans la démesure. Lorsque je pense que quelqu’un a imaginé une signalétique pour montrer à nos successeurs dans 25.000 ans que le laboratoire de Bure est dangereux… ». Le parc nucléaire français « est le plus sûr au monde, tempère François-Michel Gonnot. Ca n’exclut pas qu’il peut y avoir un accident, il y a toujours des risques. Mais il faut arrêter de diaboliser tout ». « Il y a un principe dans notre droit qui est le droit des générations futures, souligne Arnaud Gossement. Ce n’est pas un slogan bisounours. A-t-on le droit d’imposer les inconvénients de notre vie à nos descendants ? C’est pour nous qu’on doit faire des choix. Le nucléaire échappe à cela. Un parc éolien se démonte en une semaine ! »
Le nucléaire empêche-t-il le développement des énergies renouvelables ?
« Le vrai problème de fond, c’est que nous n’avons plus dans ce pays de ministère de l’Energie, estime François-Michel Gonnot. Le problème est celui de la gouvernance ». Revenant sur les différentes lois votées ces dernières années, il s’amuse : « on procède au coup par coup, on vote des lois ‘pour’ qui sont en fait des lois ‘contre’, pour limiter les dégâts, protéger telle entreprise, gagner du temps… Tout ça ne fonde pas une politique. On a loupé les trains de l’éolien et du photovoltaïque », peut-être sera-t-il possible d’attraper celui de l’éolien offshore, estime-t-il.
Pour Arnaud Gossement, avocat au cabinet Huglo Lepage, il faut « interroger le consensus sur le modèle économique » et la tradition colbertiste. En France, on a un « modèle qui assimile la notion de service public à des monopoles », mais ce modèle qui « perdure entre en clash avec le modèle européen ». Revenant sur les objectifs du Grenelle : « les 5400 mégawatts de solaire, oui, on va les faire. Mais est-ce que c’est EDF et GDF qui vont les faire « ou bien des PME. « va-t-on sortir du modèle colbertiste ? On est en train de tuer l’appétence des PME pour le mix énergétique ». Il faudrait qu’un 2012, « il y ait un débat clair sur qui va faire de l’énergie en France »
Gaz de schiste
La loi « votée hier est une horreur juridique », observe Arnaud Gossement. « Cette loi est inconstitutionnelle, on le sait. J’attends que le PS saisisse le Conseil constitutionnel, ironise François-Michel Gonnot ». Philippe Tourtelier : « on ne le fera pas ». |