Publié le 9 août, 2012
0Libération : Les particules fines, fléau persistant
Dans son bilan sur la qualité de l’air, le ministère de l’Ecologie estime qu’en 2011, 12 millions de Français ont été soumis à des concentrations de particules fines supérieures à la limite autorisée. Des taux qui pourraient valoir à la France des sanctions européennes.
Par MARLÈNE QUINTARD
Alerte aux particules fines. C’est ce qui ressort du bilan de la qualité de l’air dressé par le ministère de l’Ecologie. Sur l’année 2011, les concentrations de ces particules sont en augmentation dans les zones urbaines et de proximité automobile. La valeur limite journalière à ne pas dépasser plus de 35 jours par an a été dépassée sur plusieurs sites dont 7 sites industriels, 31 zones urbaines et périurbaines et 23 zones de trafic. Les chiffres sont variables d’une année sur l’autre mais 2011 a enregistré un nombre d’agglomérations touchées record. Des taux de concentration qui pourraient valoir à la France de lourdes sanctions de la part de Bruxelles. En mai 2011, le pays a en effet reçu une assignation devant la cour européenne de justice pour son dépassement des valeurs limites des particules fines.
Si l’UE est davantage vigilante quant à la concentration des taux de particules fines, c’est avant tout parce que de récentes études ont prouvées leur dangerosité. En 2005, un rapport de la Commission européenne faisait état de 42 000 décès prématurés chaque années en France. Pour 2011, le ministère de l’Ecologie estime que 12 millions de Français ont été soumis à des concentrations supérieures à la limite autorisée.
Particulièrement inhalables
Ces polluants sont tout particulièrement inhalables du fait de leur faible diamètre. Les spécialistes hiérarchisent ces particules en fonction de leur taille. Parmi elles, les particules PM10 et PM2,5. Des polluants, plus petits qu’une cellule humaine, dont le diamètre ne dépasse pas respectivement 10 micromètres et 2,5 micromètres. Plus ces particules sont petites, plus elles sont susceptibles de pénétrer dans l’appareil respiratoire et donc d’être nocives. Par ailleurs, les études montrent qu’il n’y a pas d’effet de seuil. «C’est-à-dire que quelle que soit la quantité présente, la présence en elle-même est néfaste», explique la direction de l’énergie et du climat.
L’origine de ces particules est variée. Les PM10 sont émises par l’industrie manufacturière, le secteur résidentiel et tertiaire, les activités agricoles et le transport routier. Une pollution qui peut être accentuée par la météo : «Par temps stable, s’il n’y a pas trop de vent et lorsqu’il fait plutôt froid, il y a peu de dispersion des particules. On observe alors un effet de couvercle et les particules stagnent», explique la direction de l’énergie et du climat. Ce qui fut le cas en 2011. «Les températures froides du premier trimestre 2011, associées à des conditions anticycloniques relativement stables, ont favorisé les émissions dues au chauffage et la non-dispersion des particules», dit le communiqué du ministère.
L’origine des sources est toutefois complexe à identifier, puisqu’«une partie des particules fines provient de la transformation chimique, dans l’atmosphère, de polluants tels que le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote ou les composés organiques volatils ; on parle de particules secondaires», indique le bilan du ministère de l’Ecologie. Un bilan qui montre que les concentrations les plus fortes se situent dans les zones urbaines et de proximité automobile. Le trafic est aujourd’hui tenu comme l’un des principaux responsables de la forte concentration en particules fines.
Le diesel dans le viseur
En réaction à ce bilan, Denis Baupin (EE-LV), vice-président de l’Assemblée nationale, estime que la pollution liée aux particules fines nécessite la mise en place progressive d’une «dé-dieselisation» du parc automobile. «Cette situation spécifiquement française est la conséquence d’une dieselisation unique au monde du parc automobile, estime-t-il. C’est le résultat direct des avantages accordés à cette motorisation depuis des décennies, dénoncés depuis de nombreuses années par le corps médical, mais aussi la Cour des comptes». En 2010, environ 70% des véhicules vendus en France étaient des Diesel . Un taux largement au dessus de la moyenne européenne, établie à près de 52%. Cette situation s’explique en partie par le prix à la pompe du gazole, plus faible que celui de l’essence – quoique l’écart tend aujourd’hui à se resserrer – et par une fiscalité plus favorable aux véhicules diesel.
Aujourd’hui, cette politique est remise en question. «Un moteur Diesel consomme moins qu’un moteur essence mais rejette plus de particules», résume Philippe Frémeaux, directeur de la publication du magazine Alternatives économiques. Pour réduire la part de véhicules Diesel dans le parc automobile, «il faudrait aligner la fiscalité du Diesel sur l’essence», suggère-t-il. Le problème reste qu’une telle mesure aurait une incidence directe sur le portefeuille des Français.
Les Zapa au point mort
En terme de régulation du trafic , des zones d’accès restreints aux véhicules les plus polluants, ou Zapa, sont actuellement à l’étude dans sept villes de France (Paris, Saint-Denis, Lyon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Aix-en-Provence, Grenoble). L’objectif est principalement de vider les centres-ville des véhicules les plus polluants. Mais les villes volontaires ont toutes demandé un délai alors que la date de remise des dossiers était fixée au 13 juillet dernier. Le dispositif est décrié par certains et jugé antisocial. «Comment éviter de pénaliser les revenus modestes, jeunes, ouvriers ou artisans qui ont besoin d’entrer dans le centre-ville pour travailler ?» s’inquiétait récemment Michel Repellin, vice-président du Grand Lyon, chargé de la qualité de l’air, dans un article de Libération.
Des équations bien complexes auxquelles seront pourtant très vite confrontés les politiques.