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Publié le 4 septembre, 2007

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LIBERATION : La bicyclette, nouvel enjeu politique

Le fait que ces ­décisions aient été prises par des municipalités d’horizons divers et que des grands groupes en aient fait un «produit d’appel» constitue une forme ­d’hommage à tous ceux qui, comme nous écologistes, se sont souvent battus pour le vélo en ville en ayant longtemps l’impression de prêcher dans le désert ! Cela change des sarcasmes sur le thème «écolo­vélo-rigolo»…
Le vélo sort de son ghetto, devient un outil banalisé de déplacement quotidien ou touristique, voire un objet de débat sur la vision de la ville : qui s’en plaindra ? L’enthousiasme des derniers convertis ne doit pas faire oublier quelques réalités sur lesquelles il est urgent de s’interroger. Surtout, si l’on veut, comme nous le ­souhaitons, que se développent dans toutes les villes de France des services publics de location de vélos. Surtout si l’on veut que cela ne reste pas le privilège des grandes villes et plus particulièrement des centres-ville.
Pour avoir l’expérience de politiques de déplacements dans différentes villes françaises et pour avoir beaucoup étudié les différents systèmes existant dans le reste de l’Europe, nous savons que les services de location de vélos doivent être diversifiés et intégrés à une palette cohérente de services de transports. La question du développement des transports en commun et des circulations douces se pose de façon de plus en plus criante pour rendre nos villes respirables et lutter contre l’effet de serre. On peut réduire considérablement la place de la voiture en ville : aujourd’hui encore, environ la moitié des déplacements urbains en voiture font moins de trois kilomètres, avec une personne par véhicule !
La création d’un service de location de vélos ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt dans des villes qui continueraient d’être colonisées par l’automobile. Pour contribuer réellement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il doit s’intégrer dans une politique volontariste de complémentarité entre les différents modes de transports (notamment sur les trajets domicile-travail). Même si des progrès ont été réalisés ces dernières années, nous sommes encore loin de bénéficier de nombreuses «gares d’échange» qui permettraient en de multiples points des territoires de laisser stationner en ­sécurité son propre vélo à une gare SNCF, puis de voyager en TER ou RER et de prendre ensuite le transport public urbain, et enfin de pouvoir louer un vélo urbain pour une courte durée… le tout avec un titre de transport unique et bon marché ! Une telle ambition implique d’en affecter la responsabilité (et donc les budgets) aux autorités ­organisatrices des transports (grandes villes, agglomérations intercommunales et régions).
Ces systèmes ne suffisent pas : ils doivent être des accélérateurs de politiques – vélos et transports – cohérentes. Le succès de Vélib’ vient de son intégration dans une politique qui a déjà permis de réduire de 20 % la circulation automobile en six ans : en offrant un nouveau service de mobilité, il permet aux automobilistes qui laisseront plus souvent leur voiture au garage de constater que plus de mobilité ne se traduit pas forcément par plus de voiture. La deuxième interrogation porte sur le modèle économique proposé pour la mise en œuvre de ce nouveau service de location de vélos vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Paris et Lyon ont fait le choix du deal «pub contre vélo». Les promoteurs de ce système, à commencer par JCDecaux, ont réussi ce tour de force de faire croire à beaucoup de gens (y compris des élus) que ce système ne coûtait rien à la collectivité ! En fait si les villes bénéficient d’un nouveau service, elles abandonnent en contrepartie une recette potentielle très importante : la redevance qu’elles toucheraient normalement avec les panneaux publicitaires. Notre propos n’est pas d’être bêtement antipub. Mais, après des années de combats (de plus en plus victorieux) sur la maîtrise de la pub en ville, si le vélo devait servir à justifier une nouvelle inflation de panneaux en ville, ce serait pour le moins écologiquement discutable !
Notre souhait est donc de séparer les deux activités : gérer des panneaux de pub est un métier, gérer de la location de vélos en est un autre. Est-il équitable que des opérateurs professionnels du vélo soient systématiquement écartés des marchés de vélo au motif qu’ils ne proposent pas de créer et de gérer de l’affichage publicitaire, existant ou créé pour la circonstance ? Il existe en France des milliers de marchands de vélos, d’entreprises ou associations qui réparent ou louent des bicyclettes. Il existe des structures coopératives, comme Movimento à Toulouse, qui gèrent des milliers de vélos en location. Il existe aussi des opérateurs de transports qui ont des offres de services innovants, comme Transdev ou Effia, qui ont récemment remporté un marché portant uniquement sur le vélo à Orléans. Séparer les choses dans l’attribution des marchés permet d’avoir une plus grande transparence sur la comparaison des coûts, ce qui n’est pas la moindre des choses quand on parle de services publics, confiés au privé pour de longues durées. Mais cela permet surtout d’éviter que ne se constitue un quasi-monopole sur les locations de vélos en libre-service. Cette séparation éviterait de surcroît des guéguerres politiciennes : ainsi, l’absurdité du cas de Rouen où la ville-centre, de droite, a décidé de faire cavalier seul en lançant un appel d’offres «vélo contre publicité» une semaine après que la communauté d’agglomération, de gauche, a délibéré en faveur d’un appel d’offres vélos global.
Enfin, le fait que les systèmes de location de vélos soient séparés de la pub permet d’envisager une meilleure implantation du système sans quoi la mise à disposition des vélos sera toujours liée à l’installation de panneaux publicitaires, rentables uniquement dans les hauts lieux de passage et de pouvoir d’achat : autrement dit, les centres-ville ! Les quartiers ou communes plus périphériques s’en trouveraient de facto exclus. Les collectivités ­locales ont une vraie responsabilité dans les choix qu’elles feront : services limités aux centres-ville ou extension du service public de transports à de nouveaux ­usages individuels et non polluants ? ­Appui aux velléités de monopole de quelques multinationales ou soutien au ­pluralisme des opérateurs et à l’économie ­solidaire ? Bel exemple de confrontation de projet pour la gauche et les écologistes, à quelques mois des élections municipales !

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