Publié le 14 février, 2014
0Libération – Déchets radioactifs : un destin flou
Cigéo : Un panel de 16 citoyens se déclare non hostile à l’enfouissement géologique.
«Nous nous interrogeons sur l’indépendance des experts», lance le «citoyen». Nous sommes, ce samedi 1er février, dans une salle bien fermée du ministère de l’Ecologie. Le «citoyen» est membre d’un panel de seize personnes, sélectionnées par un institut de sondage, chargé de rendre l’avis d’une Conférence de citoyens sur le projet de stockage géologique des déchets nucléaires. Une initiative de la CNDP (Commission nationale du débat public) qui a dû annuler les réunions sur le sujet, devant des manifestants vindicatifs. Un panel censé être représentatif de la population française, avec un biais meusien et haut-marnais. C’est en effet à Bure, à la frontière des deux départements, que doit se réaliser ce projet d’un siècle, baptisé Cigéo (Centre industriel de stockage géologique).
«Solution». Le calendrier très long de l’opération a d’ailleurs troublé les «panélistes». Surtout que la présentation en est souvent contradictoire. Le député EE-LV Denis Baupin leur parle de «précipitation à choisir une seule voie pour gérer les déchets radioactifs». Alors que l’ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), André-Claude Lacoste, leur fait remarquer que ce projet découle «d’un processus de décision enclenché il y a trente ans et marqué par deux lois, celle de 1991 et celle de 2006». D’où un avis de l’ASN, en 2006, assez tranché. Il note que la séparation et la transmutation des radioéléments à longue durée de vie semblent impossibles avant des décennies et moins attractives que prévu. Que les entreposages en surface sont provisoires par nature. Et hisse le stockage géologique réversible durant la durée de l’exploitation – une centaine d’années – au statut de «solution de référence». Un avis suivi par les parlementaires.
Rendu public le 3 février, l’avis des panélistes affirme que «le groupe n’est a priori pas hostile à Cigéo, aux conditions que le temps soit pris pour la réalisation de tests en conditions réelles et grandeur nature, et que ceux-ci puissent fournir des résultats satisfaisants […]». L’avis sera bien sûr lu de différentes manières selon les convictions du lecteur. Les associations qui s’opposent à ce projet mettront en avant la nécessité d’études complémentaires. Ses promoteurs retiendront la «non-hostilité» de principe.
Les sociologues, presque aussi nombreux dans la salle que les panélistes, vont scruter à la loupe le fonctionnement du groupe. Se demander d’où vient sa très inhabituelle adoption «à l’unanimité», peut être due à l’expression outrancière de certains opposants. Pister les éventuels «effets avocats», s’amuse le sociologue Daniel Boy (CNRS), lorsque l’éloquence et la capacité d’empathie d’un expert emportent l’adhésion bien au-delà de la force de ses arguments.
Galeries. Ironie de l’affaire, la demande majeure des panélistes, une démarche précautionneuse et des recherches complémentaires avant l’introduction des déchets, pourrait bien rencontrer l’assentiment de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). On y confie volontiers préférer des autorisations provisoires, sous réserve du succès des premières installations de déchets et d’expériences sur les scellements définitifs, à un blanc-seing pour cent ans dès le creusement des galeries d’accès au sous-sol d’argile.
S.H.
Le 14/02/2014