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Publié le 12 avril, 2006

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L’écologie est-elle un humanisme ?

Ce qui signifierait au préalable qu’il ne soit plus assimilé à une aimable girouette qui traite selon l’heure du jour des petites fleurs ou du mariage gay, sans que personne ne soit vraiment capable d’en comprendre le ressort politique général.
Question secondaire, pensez-vous peut-être. Et pourtant… ces liens ne supposent rien de moins qu’une révolution culturelle à entreprendre. Car la première condition pour comprendre cette logique est de cesser de considérer l’homme comme seul homo economicus et de l’envisager dans toutes ses dimensions, dans toutes ses interactions avec le monde. Cesser de considérer le sacro-saint bien-être économique comme seul élément tentaculaire soit-disant capable de résoudre tous les problèmes. Ce qui reste encore trop vrai pour la droite comme pour la gauche, les seconds restant plus partageurs que les premiers, mais encore trop collés à une logique dont l’économie est le moteur central.
Ainsi, à en croire trop de gens de gauche encore, les discriminations se résoudraient d’elles-mêmes si les inégalités sociales disparaissaient. Pour d’autres, à droite, à l’image des problèmes environnementaux, il suffirait d’une charte de bonne conduite signée par de gentils entrepreneurs pour que l’environnement comme la place de chacun soient respectés dans notre douce France…

Avec l’écologie politique, nous sommes sur une tout autre ligne. Une ligne qui rejoint la gauche pour ce qui est de la solidarité. C’est pour cette raison – essentielle – que nous sommes alliés.
Mais une ligne qui ne met plus l’économie au centre. Au centre se trouve pour nous l’individu dans sa multiplicité de liens : identitaires, collectifs, géographiques, d’aspiration, environnementaux – et dans son devenir. La défense des langues régionales et des cultures minoritaires, comme l’accès aux mêmes droits pour tous et toutes, ou encore une ouverture à des modes de vie alternatifs font partie intégrante de cette ligne.

Le « devenir minoritaire » pour paraphraser Deleuze n’est pas un vain mot pour un écolo, c’est un pivot de son action. Le lien à la préservation de notre planète ? Le droit à la vie pour toutes et tous, sans prédation, sans domination, sans destruction, sans exclusivité. Un vaste projet. Où l’économie a sa part, mais sa part seulement. Les gaz à effet de serre nous tuent. La discrimination aussi, certaines populations l’ont cruellement expérimenté avec le sida. En France, les usagers de drogues ont été contaminés et sont morts de leur exclusion sociale et sanitaire. Les ressortissants d’Afrique subsaharienne continuent d’être gravement touchés par l’épidémie, y compris en France, ce n’est pas un hasard, encore moins une fatalité. Dans la France de 2006, un jeune homo ou une jeune lesbienne a 13 fois plus de « chances » de se suicider qu’un jeune hetero, du fait de la stigmatisation et de la discrimination. Quel que soit son milieu social. Et l’on continue aussi à mourir dans nos contrées « universalistes » du simple fait d’être un arabe au mauvais endroit au mauvais moment.

Faire le choix du multiple contre la voie unique, c’est faire le choix de lutter contre les OGM, contre une mondialisation uniforme et économiquement impérialiste, mais également contre la domination de l’homme blanc hétérosexuel chrétien cinquantenaire, un seul type de famille, un seul type de vie et de croyance possibles.
Ainsi pourrait-on parler d’individualisme solidaire. Ou d’humanisme.

 « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe c’est de le transformer » écrivait Marx le millénaire dernier. L’écologie politique est une pensée qu’il est temps aujourd’hui de mettre à l’épreuve du changement qu’elle préconise. Et de prouver qu’elle EST un humanisme en est bien la première pierre susceptible de lui faire quitter la sphère de l’aimable anecdote.

Parler d’humanisme permettrait peut-être d’éteindre le feu de ces faux clivages qui nous séparent. En effet, notre place, quelle que minoritaire soit-elle d’un point de vue électoral relève d’un enjeu dont nous sommes tous et toutes conscientes aujourd’hui, que nous soyons Verts ou simplement écolos dans nos pratiques et nos inquiétudes : nous sommes en danger, par la pollution que nous générons, par le gaspillage de nos ressources naturelles, par un égoïsme productiviste et d’exploitation tous azimuts, par notre incapacité en un mot à gérer notre « toujours plus ».

Ces pratiques à risques – qui ont pu, pour certaines dimensions, être facteurs de progrès partagé dans nos pays riches – sont liées à un système d’exploitation – mondial et local – tel qu’il implique une division sociale, une hiérarchie nécessairement inégalitaire pour le faire fonctionner.

Que nous venions du mouvement social, du mouvement écolo ou d’autres partis de gauche, nous sommes les seuls à défendre, malgré nos origines idéologiques diverses, un humanisme qui se décline de trois manières : nous estimons l’être humain capable d’autonomie, de responsabilité et de solidarité bien au delà de sa propre espèce, de sa géographie et de son temps.
Mais, à la différence de certains, notre humanisme ne s’ancre pas dans une pseudo-neutralité, dans un universalisme désincarné. Il est conscience de là où « je » parle, pour chercher l’intérêt général. Cet humanisme n’est ainsi pas un dénigrement du local, de la culture minoritaire, il y est même profondément attaché. Mais cela ne l’empêche pas pour autant de s’étendre au « global », et ce de manière parfaitement décomplexée ; parce qu’il implique une conscience de ses limites, mais également une connaissance beaucoup plus intime de l’existant. Enfin cet humanisme est une démarche. Pas un dogme, pas une croyance ni transcendantale, ni finie. Il évolue en marchant,et n’est en aucun cas une solution clef en main. Il se fonde sur la coopération entre les différents acteurs pour changer le monde, pas sur un centralisme plus ou moins démocratique.

Ainsi sommes-nous autant pour une décentralisation politique d’initiative régionale, seule manière pour expérimenter des alternatives adaptées – et adoptées par les populations concernées – autant en matière d’économie d’énergie, de transport, qu’en matière d’accès à des droits nouveaux (distribution d’héroïne médicalisée en cas de dépendance lourde, écoles publiques autogérées, accès aux droits sociaux, en dehors même du salariat, quelle que soit l’activité – y compris pour les prostitué-es, ouverture de l’adoption aux couples de même sexe…)
Notre qualité essentielle, si nous n’en avons qu’une seule, est la suivante : celle de défendre un monde solidaire qui refuse la prédation, la domination et la destruction comme mode majeur de fonctionnement.
D’où notre défense de notre planète comme notre richesse et notre devenir, notre défense des minorités qu’elles soient identitaires, culturelles, biologiques, géographiques (…).

Oui nous sommes des humanistes. Des humanistes pragmatiques et utopiques : c’est nous qui avons détruit notre monde avec vigueur, c’est à nous qu’il incombe de le ménager et de le reconstruire sous une forme modeste, qui ne fait croire à personne que l’homme est le centre parfait de la quadrature du cercle.
Il est temps aujourd’hui que notre parti sache mettre en œuvre cette philosophie sans laquelle notre monde reste le règne d’une prédation à la fois destructrice et archaïque.

Temps, sans catastrophisme aucun de nous montrer capables d’être le premier parti de gauche, parce que le seul à avoir un projet radicalement neuf, respectueux des humains et de la planète sur le long terme, mais surtout et ce, sans attendre le grand soir, susceptible d’être mis en œuvre dès aujourd’hui.

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