Publié le 19 janvier, 2016
0Le Monde – Renault appelé à s’expliquer pour dépassement des seuils de pollution sur ses véhicules
Après la découverte de dépassements importants des seuils de pollution sur des véhicules Renault, des représentants du constructeur français sont attendus, lundi 18 janvier, devant la commission technique indépendante mise en place par le gouvernement après le scandale Volkswagen.
Quand cette commission indépendante a-t-elle été créée ?
Le 24 septembre 2015, une table ronde était organisée dans la foulée du scandale Volkswagen – la révélation d’une tricherie sur les émissions de gaz polluants grâce à des logiciels truqueurs – avec des représentants des constructeurs commercialisant des voitures dans l’Hexagone. A l’issue de cette rencontre, la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, annonçait la création d’une commission technique indépendante chargée de mener des « tests aléatoires » sur une centaine de véhicules. Une semaine plus tard, le 1er octobre, cette commission était mise en place et les premiers tests étaient lancés.
Quelle est la composition de cette commission ?
Présidée par la ministre, la commission est composée d’experts du ministère de l’écologie et de différents organismes spécialisés dans les domaines de l’environnement et de l’énergie, ainsi que de représentants de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Elle compte également trois parlementaires, Denis Baupin, député (EELV) de Paris, Christophe Bouillon, député (PS) de Seine-Maritime, et Louis Nègre, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, ainsi que les représentants de deux ONG environnementales, France nature environnement (FNE) et le Réseau action climat (RAC), et de deux associations de consommateurs, UFC-Que Choisir et 40 Millions d’automobilistes. Enfin, chargé de la réalisation des tests, l’UTAC-Ceram, l’organisme français de certification des véhicules, participe à toutes les délibérations de la commission.
Quelle est la mission de la commission indépendante ?
Identifier les véhicules potentiellement équipés d’un système de leurre antipollution, à l’instar du logiciel installé sur certains modèles Volkswagen : tel est l’objectif que se sont vus fixer les membres de la commission en démarrant leur mission. Le principe des tests alors envisagés par l’UTAC-Ceram consistait avant tout à déjouer un tel système de fraude, par des essais sur un banc à rouleau en laboratoire et sur piste.
Cependant, pour les parlementaires et les ONG environnementales, la finalité première de la mission devait être d’apporter la transparence sur les niveaux réels de pollution des véhicules. Politiques et représentants de la société civile ont donc demandé – et obtenu – que des tests de mesure « en conditions réelles de conduite, sur route ouverte », soient effectués, pour connaître les émissions réelles d’oxyde d’azote (le principal polluant incriminé dans l’affaire du constructeur allemand) mais aussi de CO2.
« Ne conclure qu’à l’absence de logiciel de fraude n’aurait servi à rien. Le but d’une telle commission est de contribuer à une clarification du besoin de renouvellement des contrôles d’homologation dans des conditions réelles de conduite », relèvent Charlotte Lepitre, de FNE, comme Denis Baupin.
Qu’a mis au jour son travail jusqu’ici ?
Jusqu’ici, elle a testé 22 voitures de huit marques différentes – Renault, PSA, Volkswagen, Mercedes, Ford, Toyota, BMW et Opel. Ses investigations vont se poursuivre pour atteindre un échantillon de 100 véhicules, quatre autres constructeurs devant être ajoutés : Volvo, Nissan, Suzuki et Fiat.
Les premiers tests ont mis en évidence des dépassements de normes importants. « Des dépassements bien plus importants que ce que l’on savait, souligne Denis Baupin. La commission a ainsi déjà montré son utilité. On sait en effet que les constructeurs optimisent leurs véhicules, on pouvait donc s’attendre à des écarts de 1 à 2. Mais les dépassements observés sont au moins d’un facteur de 3 à 5 par rapport aux normes. »
Qu’attend la commission de l’audition de Renault ?
Deux directeurs de Renault devaient venir s’exprimer dès jeudi 14 janvier devant la commission indépendante, alors que celle-ci tenait sa quatrième réunion. Secoué par la révélation le matin même de perquisitions sur trois de ses sites, le constructeur a cependant préféré reporter son audition à cette semaine.
Face aux dépassements importants observés, la commission attend de Renault des explications sur les raisons de tels écarts : y a-t-il triche ? Les dispositifs de dépollution sur les véhicules fonctionnent-ils en continu ? Est-ce pour des raisons économiques que les normes ne sont pas respectées ? Pour des raisons technologiques ?… Renault est aussi attendu sur les mesures correctrices qu’il envisage de prendre sur ses futurs véhicules « comme sur ses voitures en vente et en circulation », insiste Lorelei Limousin, du RAC.
Si l’audition de Renault a été précipitée par la révélation de perquisitions sur trois de ses sites, la commission entend recevoir aussi les autres constructeurs.
Laetitia Van Eeckhout
Journaliste au Monde