LE MONDE : Pleins phares sur le lobby automobile

Encore récemment accusé d'être un "tueur de voitures", sous la plume du cinéaste Claude Lanzmann (Le Monde du 2 avril), Denis Baupin fut naguère comparé à Ceausescu par un journaliste du Nouvel Observateur. L'ingénieux élu constate qu'il est régulièrement victime de "fatwa" de la part d'une partie de l'élite française.

Plutôt que d'en chercher les raisons dans son action, il tente de mettre au jour les motivations profondes de ses détracteurs. Denis Baupin découvre au fil de ses recherches qu'aux yeux des décideurs il incarne une menace pour "le maintien de l'ordre automobile".

L'autodéfense de M. Baupin peut paraître habile. Ceux qui l'attaquent sont, à ses yeux, victimes du lobby automobile qui, depuis longtemps, a pignon sur rue, et sur route. Il lui suffit pour étayer ses dires de citer le poids des deux grands constructeurs automobiles français, du corps des Ponts et Chaussées ou bien encore de l'Automobile-Club, en partie à l'origine du code de la route en 1922. Mais telle "une hydre immergée dans de multiples strates de la société, écrit-il, le lobby automobile se cache (aussi) sous les traits du présentateur télé, du journaliste, du scientifique ou du simple consommateur".

C'est donc parce que Le Parisien, explique-t-il, appartient au groupe Amaury, "organisateur du Paris-Dakar et de l'Enduro du Touquet", qu'il prend la défense des automobilistes qui dénoncent les radars. De même, si certains éditorialistes du Monde véhiculent "des lieux communs anti-écolo", c'est parce que la plupart des grands médias sont l'expression de la pensée de la classe dirigeante, "obnubilée par la liberté de circuler" et par conséquent attachée à la voiture comme moyen "suprême" de l'exercer.

Quand certains experts ou chercheurs contestent les effets de sa politique parisienne, M. Baupin remarque qu'ils ont une proximité avec la fondation, baptisée La ville en mouvement, financée par le groupe Peugeot-PSA. Accusé de sectarisme, il accumule les preuves de partis pris et de dogmatisme chez ses adversaires. En confondant ainsi ses détracteurs, M. Baupin se dispense du même coup de toute autocritique.

Mais son livre traduit aussi une conviction profonde : à ses yeux, le "politique" n'est pas moins légitime que le "savant". S'il lui tient à coeur de dénoncer les "donneurs de leçons", c'est aussi parce qu'il aurait pu, de par sa formation de centralien, se contenter d'être détenteur d'une parole d'autorité. Or le scientifique qu'il est a choisi d'être élu et du même coup d'endurer les assauts d'une "opinion" toute-puissante et vindicative. Il témoigne aussi du sacerdoce de l'élu local.

S'il liste les "obstacles idéologiques" qui empêchent l'adoption de mesures qui s'imposent, c'est pour mieux les lever. M. Baupin ne souhaite pas pour autant "éradiquer" la voiture, si ce n'est les 4 × 4 en ville. Mais il souhaite qu'elle devienne plus "citoyenne". Il demande ainsi aux constructeurs de cesser de vendre des voitures équipées de moteurs capables de rouler au-delà de 130 km/heure, plus polluants même à petite vitesse.

Tandis que la gauche veut à tout prix préserver l'industrie automobile au nom de l'emploi, M. Baupin, future tête de liste des Verts aux élections municipales de 2008, soutient qu'elle est un "boulet" pour l'économie du fait de la facture pétrolière qui ne pourra qu'augmenter. Plutôt que de s'arc-bouter sur la défense d'un secteur sinistré, il serait urgent et plus efficace, dit-il, d'aider – sous forme de subventions – les constructeurs à se reconvertir dans la production de modes de déplacement collectifs.

Béatrice Jérôme

"Tout voiture, no future" de Denis Baupin, L'Archipel, 304 p., 18,95 €