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Publié le 16 décembre, 2006

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LE MONDE : Le nouvel âge du tramway

"C'est devenu beau alors que c'était moche. Ça joue. Les gens sont fiers", confirme Michel Destot, maire (PS) de Grenoble et président du Groupement des autorités responsables de transports publics (GART), à propos des effets de son propre tramway dans sa ville.

Ce moyen de transport, apparu pour la première fois en France en 1876 dans sa version motorisée (à vapeur), avait peu à peu cédé le pas, dès les années 1930. Dans la capitale, il disparaît en 1937. L'affaire est entendue : le tram brinquebalant, avec ses rails glissant en travers du pavé, est devenu la ringardise absolue, face aux outils modernes que sont le métro, les bus et surtout la voiture individuelle, à qui il convient de faire place nette.

Suivent des décennies d'immobilisme pour les transports publics urbains, de progression sans frein de la voiture, le tout combiné à l'urbanisation de l'après-guerre. Résultat : les élus municipaux se retrouvent, au début des années 1980, face à un problème de congestion et de nuisances, dont l'ampleur les contraint à réagir.

Aujourd'hui, le tram, vecteur ultramoderne de la lutte contre la pollution et l'engorgement des centres-villes, revient parce que "le cycle de la bagnole en ville s'est transformé", comme le dit M. Delanoë. Mais l'ancien tramway parisien était aussi condamné, parce qu'il circulait au milieu des autres véhicules, à l'inverse du T3 des Maréchaux. Outre les améliorations technologiques, considérables en soixante-dix ans, "la rupture fondamentale, c'est le site propre", confirme Philippe Ventejol, adjoint au directeur du département développement de la RATP.

De cette rupture découle une autre caractéristique essentielle du tramway du XXIe siècle : il lui faut des rails, un peu d'espace, de véritables petites gares. Bref, il incite les aménageurs à remodeler son environnement urbain. Dans l'absolu, de telles opérations pourraient être décidées de façon autonome. Dans la réalité, "c'est la dynamique d'un projet qui fait qu'on se lance dans un aménagement qui, sinon, n'aurait pas forcément été considéré comme une priorité", souligne M. Ventejol.

Cette requalification urbaine peut déboucher sur une véritable métamorphose, bien au-delà des environs immédiats de la nouvelle ligne. Ainsi, à Valenciennes, Jean-Louis Borloo a saisi l'occasion pour remodeler une large part de son centre-ville. La création d'un tramway est donc un acte politique fort, qui marque la mandature d'un maire. Au-delà de leur fonctionnalité, tout le monde bénéficie de l'image de modernité des nouveaux tramways. C'est encore plus vrai pour les populations qui ont l'habitude d'être oubliées : le désenclavement des banlieues déshéritées soulève un "immense espoir", observe Jean-Paul Huchon, président (PS) de la région Ile-de-France.

"Les transports en commun, note en écho M. Destot, sont le levier le plus puissant de lutte contre les inégalités sociales." Les élus, eux, tirent du tram une popularité personnelle, et donc un bénéfice électoral. A condition toutefois de bien calculer le calendrier. Une fois oubliés les désagréments des travaux, "l'effet tramway" en effet, a jusqu'à maintenant toujours été positif. Ses inconvénients (par exemple le renchérissement de l'immobilier) sont plus que compensés par ses qualités : "vitesse, régularité, sécurité, accessibilité", résume M. Destot.

"DES BULLES DE VERRE SUR ROUES"

Sur le plan financier, le bus en site propre est beaucoup moins cher que le tramway, et bien sûr que le métro : de 5 à 10 millions d'euros du kilomètre pour le bus, de 30 à 40 millions pour le tramway, de 100 à 150 pour un métro, selon le GART. Mais le strict calcul de rentabilité, fondé sur la comparaison entre le coût et la fréquentation attendue, n'est plus le seul à intervenir. "Tous les paramètres économiques et urbains sont en interaction", souligne M. Ventejol, qui rappelle que l'idée a refait surface après un certain nombre de "déboires" nés de l'implantation de bus en site propre : pour la population, "tout cet espace pour un simple bus, ce n'était pas terrible", résume-t-il. Quant au métro, son effet améliorateur sur l'environnement urbain est a priori moins important que celui du tramway. D'autres considérations, plus subjectives, jouent encore en faveur du tram. Le vieillissement de la population accentue ce que M. Huchon appelle le "syndrome de l'enfermement" du métro, lié pour l'essentiel aux problèmes d'insécurité.

Le tramway, lui, bénéficie de sa circulation en surface, mais aussi de son habitacle transparent. Tous les nouveaux tramways, et ce n'est pas un hasard, illustrent une tendance plus générale qui consiste, résume M. Huchon, à "faire des bulles de verre sur roues".

Pour autant, le tram n'est pas la panacée. Ainsi, dans l'optique d'une nouvelle infrastructure pour la petite couronne parisienne, l'idée de la RATP était plutôt celle d'un tramway. Mais les études ont montré que, notamment dans le Val-de-Marne, topographie et géographie urbaine ne s'y prêtaient pas. Elles ont renvoyé au "Métrophérique" proposé par la Régie. De même, souligne M. Destot, un tram, destiné plutôt aux "axes lourds", doit être connecté de façon efficace à d'autres modes de transports. Or la France, à la différence de ses voisins, "ne sait pas faire, ou fait mal" l'intermodalité.

Le retour du tramway ne signe d'ailleurs pas, même à court terme, la fin de l'évolution des transports en commun. En liaison avec le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) désormais géré par les élus, la RATP réfléchit à des bus en site propre, porteurs de la même qualité d'insertion urbaine que le tramway.

De son côté, d'ici un an et demi à deux ans, M. Huchon espère introduire en grande banlieue, cette fois en coopération avec un industriel privé, un moyen de transport très original dans le paysage français : des bus d'une taille et d'une capacité plus imposantes et surtout "à services multiples". Ils permettraient d'effectuer, tout en voyageant, diverses opérations de la vie courante : achat de billets de train, réservation de spectacles…

La périphérie de l'Ile-de-France, qui ne verra jamais ni métro ni tramway, et où la voiture est aujourd'hui reine, pourrait ainsi entrer, elle aussi, dans le nouvel âge du transport collectif.

JEAN-LOUIS ANDREANI

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