Le Journal du Dimanche : L’OPA de Dany le Vert

Les divers courants écologistes du pays ont tenté le rapprochement trois jours durant à Toulouse. Dans le cadre des « journées d’été » des Verts, ces derniers, mais aussi José Bové, Nicolas Hulot, représenté par son bras droit, ou Daniel Cohn-Bendit, star du week-end, ont fait montre de leurs convergences en vue, pourquoi pas, des européennes de 2009. Mais des divergences demeurent…

« C’est à prendre ou à laisser! » Invité vedette des « Journées d’été » des Verts à Toulouse, Daniel Cohn-Bendit n’y va pas par quatre chemins: ou les Verts acceptent d’élargir leur parti à d’autres mouvements écologistes en faisant de la place sur les listes européennes de 2009 et il leur promet des lendemains qui chantent, des « 10-15-20 % », ce qui trancherait avec le 1,57% de Dominique Voynet à la présidentielle. Ou il repart en Allemagne, assuré de s’y faire réélire et de conserver la présidence des Verts du Parlement européen. En 1999, il avait obtenu 9,72 %.

Si sa posture de « sauveur » et son « ton péremptoire » en agacent quelques-uns, son OPA semble bien partie. Toulouse l’a acclamé. Les militants sont sous le charme de la bête politique. « J’ai reçu un accueil très chaleureux des militants, des applaudissements ininterrompus pendant plusieurs minutes », exulte-til en aparté, se décrivant même, dans un éclat de rire, comme « l’Usain Bolt (*) de l’écologie ». Et d’ajouter: « Ils ont compris que mon initiative est leur seule chance de dépasser la situation difficile dans laquelle ils se trouvent. J’ai senti chez eux une véritable volonté de s’en sortir par le haut. »

« Big bang salutaire dans la galaxie écolo »

Les grincements de dents? « Ils ne peuvent pas se permettre d’exprimer trop de réticences… ça fait sectaire. » Les Verts français seraient donc pris au piège, obligés de suivre le détonnant Dany. Sa proposition de constituer une liste « Europe écologie » est cependant diversement appréciée dans les instances dirigeantes. « Nous sommes presque unanimement d’accord pour nous unir avec d’autres mouvements écologistes, assure Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Mais personne ne peut prétendre faire le rassemblement tout seul autour de lui. Le rassemblement, ça se construit, ça ne se décrète pas. »

Dominique Voynet fait preuve de la même précaution, craignant peut-être la « concurrence en interne », selon des élus. D’autres leaders plébiscitent l’idée, avec plus ou moins de nuance.

Denis Baupin, adjoint au maire de Paris, y voit un « big bang salutaire dans la galaxie écolo » quand certains redoutent le « gauchisme » de Bové et que l’aile gauche du parti s’inquiète de la main tendue aux écologistes de droite amorcée par des proches de Hulot. « S’il faut s’allier avec le MoDem, je ne marche pas dans ce rassemblement électoraliste », prévient la députée parisienne Martine Billard. « Ça ressemble à une opération médiatique de casting. Plus personne ne croit aux Zorros en politique », ajoute Yves Contassot, l’autre adjoint de Bertrand Delanoë.

Nicolas Hulot est intervenu dans une vidéo enregistrée

Il n’empêche, samedi soir, comme la veille, Daniel Cohn- Bendit a fait le show sur un ton passionné, provoquant un tonnerre d’applaudissements dans un amphithéâtre comble (près de 1500 personnes), lors de l’assemblée plénière de clôture. A ses côtés, Cécile Duflot mais aussi l’altermondialiste José Bové. Nicolas Hulot, empêché par des « repérages en Chine », est intervenu dans une vidéo enregistrée pour l’occasion. Tous s’efforcent de mettre en avant le « socle commun » qui les unit. Sur grand écran, l’animateur d’Ushuaia souligne que les ONG et les Verts sont « complémentaires ». « Ces mains qui sont tendues de part et d’autre, il faut maintenant qu’elles se touchent. » Hulot ne va pas plus loin pour l’instant: « Je me pose beaucoup de questions sur là, où et comment je suis le plus efficace. Souvent, je n’ai pas de réponses évidentes. J’y vais pas à pas », confie-t-il. Mais son bras droit et porte-parole Jean-Paul Besset pourrait être candidat.

José Bové, lui, veut « assumer les divergences de 2005 sur le traité constitutionnel européen ». Cohn-Bendit en avait été un farouche défenseur, alors que le syndicaliste paysan s’était illustré auprès des nonistes. Face aux militants écolos, Bové prononce un discours très anticapitaliste, qui fait parfois grimacer Dany le Vert. « Il faut sortir du modèle libéral productiviste européen. Il ne s’agit pas juste de rassembler des gens, de faire un casting, mais de répondre à une double urgence, sociale et écologique. Si tous ces gens sont capables de se mettre ensemble, on peut gagner. » Il croit, dit-il, qu’un « nouvel espoir est possible »… pour oublier son faible score à la présidentielle (1,32 %). Les Verts trancheront la question les 13 et 14 septembre lors de leur conseil national.
Par Bertrand GRECO, à Toulouse
(*) Le sprinter jamaïquain, triple médaillé olympique.