Publié le 8 juillet, 2008
0Le JDD : Paris attend ses tours
Bertrand Delanoë peut souffler. Mardi, la majorité parisienne, à l’exception notable des Verts, s’est prononcée en faveur du lancement d’une étude préalable à la construction de bâtiments dépassant 37 mètres, notamment destinés à des logements sociaux. Une première étape franchie qui n’apaise toutefois pas les tensions entre pro et anti tours dans la capitale.
Bertrand Delanoë récolte à n’en pas douter les premiers fruits de sa brillante réélection à la mairie de Paris. Souvent obligé de composer avec ses turbulents alliés Verts tout au long de son premier mandat, l’édile de la capitale a, une fois n’est pas coutume, réussi ce mardi à desserrer l’étreinte. S’appuyant sur sa franche majorité PS-MR, PCF et MRC issu du scrutin de mars dernier, il a fait valider par le Conseil de Paris le lancement d’une étude préalable à la construction d’immeubles dépassant 37 mètres, au-delà du seuil maximal fixé par le plan local d’urbanisme (PLU) voté en 2006. Le projet, décliné tout au long de sa campagne municipale, n’avait jamais pu aboutir entre 2001 et 2008, faute d’un accord avec les écologistes, qui pointaient le caractère « énergivore » des constructions en hauteur. Désormais lancé sur les fonts baptismaux, il doit offrir entre 20 et 30% de logements sociaux supplémentaires à la capitale. « Très ponctuellement », des tours de 150 à 200 mètres pourraient même être érigées afin d’accueillir bureaux, hôtels ou crèches.
Six zones concernées
Au faîte de sa popularité, Bertrand Delanoë se permet de jouer avec le feu. Conscient, sondages à l’appui, que les immeubles élevés – le terme « tour » est réservé aux constructions dépassant 100 mètres de hauteur -, ne recueillent pas les faveurs de la population, le maire de Paris estime prendre ses responsabilités afin d’augmenter la capacité d’accueil de la ville. « Le devoir d’un responsable public est de se laisser guider par le sens de l’intérêt général plutôt que par les sondages », avait-il déclaré la veille du vote. « Rien n’est ficelé », avait de son côté concédé Anne Hidalgo, sa première adjointe, en charge de l’urbanisme, dans les allées de l’Hôtel de Ville. La numéro 2 de la capitale a même donné rendez-vous au Parisiens pour une « conférence citoyenne » sur le sujet, et notamment aux habitants des six zones concernées: Bercy-Charenton (12e), Masséna Bruneseau (13e), Porte de Versailles (15e), Batignolles (17e), Porte de la Chapelle (18e) et Porte de Montreuil (20e).
En outre, là encore conformément à ses promesses de campagne, et, accessoirement, pour ne pas froisser un peu plus les susceptibilités écologistes, Bertrand Delanoë a promis que les constructions dépassant les 37 mètres seraient « parfaitement conformes au plan climat (*) ». « Il n’y a pas de tours compatibles avec le plan climat », lui a pourtant immédiatement répondu Denis Baupin, adjoint Verts à l’environnement et qui, avec son groupe, s’était vu opposé une fin de non recevoir à l’idée d’un référendum local sur le sujet.
Et la droite dans tout ça? Sans surprise, le groupe de Jean-François Lamour a voté contre le projet. L’ancien ministre des Sports s’est d’ailleurs explicitement prononcé contre « des tours de logement de cinquante mètres ». Et pourtant, là encore l’unité fait défaut. La frange la plus « jeune » du groupe UMP, emmenée par Pierre-Yves Bournazel, s’était en effet à plusieurs reprises – sans toutefois s’associer à la majorité municipale ce mardi – déclarée en faveur de constructions élevées, évoquant même des gratte-ciel pour la capitale, à l’image de la Tour Signal (300 mètres) conçue par Jean Nouvel pour le quartier d’affaires de La Défense. Preuve qu’à droite comme à gauche, les tours à Paris n’ont pas fini de diviser.
(*) Adopté en octobre 2007, le plan climat de la ville de Paris vise à réduire en 2020 de 30% les émissions globales de gaz à effet de serre et la consommation énergétique par rapport à 2004. Le plan vise également à atteindre 30% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique du parc municipal.
Nicolas MOSCOVICI