JOURNAL DU DIMANCHE Paris: Les Verts entre deux eaux

Chez les Verts, l'annonce de la candidature de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris provoque l'ironie : "C'est une vraie surprise, je ne m'y attendais pas", lâche Yves Contassot, adjoint au Maire de Paris, en charge de l'Environnement, de la propreté, des espaces verts et de la gestion des déchets. "C'est un insoutenable suspense qui se termine", s'amuse Denis Baupin, en charge des Transports.

Mais au-delà des sourires, les Verts s'interrogent sur les intentions du maire sortant. Vingt-cinq pourcent de baisse des émissions de gaz à effet de serre, Paris première métropole à respecter les normes européenne en terme de pollution, métros et bus renforcés au détriment des voitures…Dans les colonnes du Parisien, Bertrand Delanoë défend un "projet écologisé pour la prochaine mandature.

Un accord de gauche au second tour

"Tant mieux", estime Yves Contassot. "S'il se rapproche de notre point de vue, c'est ce qui compte", explique-t-il. Mais pour Denis Baupin, le maire socialiste n'a rien inventé. "Toutes ses propositions sont dans le plan de déplacement de Paris", un plan présenté par les Verts. "A l'époque, nous avons du nous bagarrer contre le PS et PC pour faire adopter ce plan", rappelle l'élu, un rien amer.

L'adjoint en charge des Transports regrette par ailleurs que Bertrand Delanoë soit quelque peu "hésitant sur un certain nombre de sujets". "Or, si on veut faire baisser de 25% les émissions de gaz à effet de serre à Paris, il ne faut pas tergiverser", confie-t-il au JDD.fr. Pour Denis Baupin, la meilleure façon d'avoir un vrai projet écologisé, "c'est d'avoir un rapport de force très positif [en faveur des Verts] au soir du premier tour". Et d'appeler les électeurs : "S'ils veulent un Paris plus écologique, il faut voter Verts."

Comme en 2001, les Verts vont donc présenter des candidats au premier tour. Mais ils entendent bien trouver un accord avec l'ensemble de la gauche au second tour. "J'espère qu'on va trouver un accord pour le second tour. Notre majorité a plutôt bien réussi, le bilan est positif", estime ainsi Yves Contassot. Même son de cloche chez Denis Baupin : "Bien sûr, nous voulons aboutir à un accord pour avoir une municipalité de gauche écologiste."

Doutes sur la "compatibilité programmatique" avec le MoDem

Dans les colonnes du Parisien, Bertrand Delanoë n'exclut pas complètement un accord avec le MoDem, à condition de savoir "ce que veulent les élus du MoDem". Quelle serait la ligne des Verts en cas d'accord avec le parti de François Bayrou ? "Ça dépend", répond Yves Contassot. "Si Bertrand Delanoë débauche quelques élus du MoDem, on verra. Mais s'il s'agit d'un accord programmatique, alors, il devra clarifier son contenu", explique-t-il. L'élu rappelle que le "MoDem a toujours été en opposition aux Verts" à Paris et que c'est "un parti de droite". Selon lui, un tel accord posera des difficultés "non seulement chez les Verts, mais aussi chez les communistes, les radicaux, le MRC [Mouvement Républicain et Citoyen] et même au sein du Parti socialiste".

Denis Baupin, estime, lui, que "toutes les hypothèses sont ouvertes". "Mais le MoDem à Paris, ce sont les anciens adjoints de Chirac et Tiberi. Ou encore Marielle de Sarnez dont le groupe a systématiquement voté contre le tramway", rappelle l'élu. Sur le fond, il "doute de la compatibilité programmatique" avec les élus du MoDem. Et d'ironiser : "Mais s'ils deviennent antipollution, écologistes, bref, de gauche, alors je dis, oui, bienvenu au club !"

Denis Baupin, "choqué"

Un accord avec la gauche au second tour donc, mais à condition que chacun précise ses projets. Les Verts digèrent mal certains propos tenus par Bertrand Delanoë dans Le Parisien. "Toutes les composantes de la majorité ont apporté quelque chose et contribué, même imparfaitement, à la dynamique de Paris.(…) Mais soyons honnêtes. Il y a eu parfois des comportements qui s'apparentaient à la surenchère", a ainsi déclaré le maire de Paris.

Denis Baupin se dit "choqué". "On ne peut pas dire qu'on veut une campagne digne et à la ligne d'après dénigrer ses partenaires", estime-t-il. Même réaction chez Yves Contassot : "Je n'ai de leçon à recevoir de personne (…) Je suis étonné des propos tenus par Delanoë. Sa campagne devrait surtout être dirigée contre la droite et Françoise de Panafieu et pas contre les partenaires de la majorité." Il estime que la bataille de Paris sera gagnée si la gauche "dépasse les mesquineries" et "arrête cette course à la revendication qui veut que tout ce qui est bien est de moi, ce qui est insuffisant, des autres".

"On est fiers d'avoir participé à ce bilan"

Chez les Verts, la forme passe mal. Mais sur le fond, les deux élus évoquent un bilan positif. La plus grande réussite de la mandature, selon Yves Contassot, est d'avoir permis "le changement de la perception de la ville moderne, intelligente et durable". "On ne peut plus revenir en arrière, à la ville suicidaire des mandats précédents. Le rapport à la ville est en train de changer. Je m'en félicite", résume-t-il.

De son côté, Denis Baupin estime que la majorité a montré que "les élus pouvaient changer les choses avec le soutien de la population. Il n'y a pas de fatalité". "Les Verts sont fiers d'avoir participé à ce bilan. On partage collectivement cette réussite avec le reste de la majorité municipale", note-t-il. L'alliance à gauche reste donc plus que jamais d'actualité.

Marianne ENAULT