Publié le 26 janvier, 2011
0Base et sommet en dialogue pour Rio+20
Agoravox – 25/01/2011
En Mai 2012 aura lieu le nouveau « sommet de la terre » à Rio au Brésil. L’association 4D qui se mobilise pour la réussite de cette conférence a organisé le 18 janvier au quatrième étage de la mairie du XXème arrondissement, un moment de présentation et d’échange qui nous permet de nous faire une première idée de la situation, nous étions une bonne centaine de citoyens réunis, tous très attentifs !
L’ONU à nommé Sha Zukang (Chine), pour assurer la fonction de secrétaire général de la conférence. Bon plan pour faire bouger les américains il semblerait ! Brice Lalonde est aussi aux avant postes faisant parti du trio de tête avec une représentante de la Barbade. Il convient de faire remonter l’histoire de cette conférence à 1972 date de la conférence de Stockholm sur l’environnement, nous passerons ensuite par Rio 1992, puis par Johannesburg 2002. D’autres lieux et d’autres dates sont aussi cités. Côté institutions publiques : Copenhague, Nagoya, Cancun, Durban (lieu de la future conférence sur le Climat), coté alter mondialisme, Belém, Cochabamba, Dakar (prochain forum social 6-11 février).
« justice sociale » toute la salle a acquiescé
Nous avons sur la table des négociations, deux thèmes majeurs qui sont retenus ; celui d’abord de « l’économie verte dans le contexte du développement durable et l’éradication de la pauvreté ». Compliqué, mais le premier mot c’est « économie » ça parle ! Les intervenants auront tendance à dire que « économie verte » c’est une régression par rapport aux mots « développement durable » qui suffisaient à faire sens jusqu’à présent ; c’est plus « restrictif ». On se demande un peu ce que peu recouvrir en réalité ce nouveau concept. Qu’en est-il du nucléaire par exemple ? Un participant lors du débat dira qu’il faudrait arrêter de parler d’ « éradication de la pauvreté » on ferait mieux de parler d’ « inégalité » disait-il. Bettina Laville dans sa réponse à partir de la tribune, parlera de « justice sociale », toute la salle a acquiescé. L’autre thème important de la conférence est celui de la « gouvernance » ; à ce propos les intervenants semblaient préférer le terme de « démocratie » en évoquant les heureux évènements de Tunisie et disant que ce mot revenait. On sent une confiance du coté de ces mots « gouvernance » et « démocratie ». Nos expériences dans l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) avec la création des Espaces Territoriaux de Concertation (ETC), nous font le confirmer.
succès de Cancun animé par une mexicaine
Maintenant, nous sommes dans le monde avec 3 types de pays ; pour les désigner utilisons le langage onusien. Il y a les « pays développés » ça c’est nous et nos proches (avant on les disait « industrialisés » mais Chine, Brésil, Inde…sont aussi industrialisés maintenant, donc ce mot ne convient plus. Ensuite pas de surprise se sont les « émergents », puis enfin les pays « en voie de développement ». La donne qui est peut-être la plus importante c’est que 4 pays « font ensemble », il s’agit de la Chine, du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du sud. Ils risquent de peser lourd dans la balance. On se souvient de l’échec d’un Copenhague animé par les européens et du succès de Cancun animé par une mexicaine, associée entre autre à un indien. Les initiatives viendront des émergents. Presque sûr que les pays « développés » ont perdu la main pour un moment, oublieux qu’ils ont été de développer aussi autre chose que l’économie. Pierre Radanne président de 4D dira que « depuis Johannesburg 2002 le multilatéralisme est en panne ». Effet parmi bien d’autres de la désastreuse politique de Georges Bush, le tout puissant de la super puissance.
« Les Etats demandent de la régulation »
Faisant référence à Stockholm Denis Baupin déplore, « le temps perdu depuis 40 ans » ; nous serons forcement d’accord avec lui. Il parlera de « l’incapacité des politiques », personne dans la salle n’a contesté ! Il est certain que l’ambiance n’est pas à la pleine confiance en les politiques. « J’espère que le prix du pétrole sera haut pendant la conférence » dira t-il encore. Il observe en effet que les mesures décidées en périodes de prix élevés sont plus favorables à l’environnement. En toile de fond de la conférence nous avons la crise financière déclenchée à l’automne 2008 et dont on ne sait pas bien si nous sommes déjà sorti. Il y a aussi les émeutes de la faim qui se profilent à nouveau en ce début 2011. Et puis c’est nouveau, « les Etats demandent de la régulation », ce qui était loin d’être le cas en 1992. Les intervenants sont d’accord pour dire que l’économie libérale est remise en cause aujourd’hui et que le degré de la crise écologique n’est plus le même. Il s’est franchement élevé depuis 1992. Rappelons par exemple que « le réassureur Munich Re a dénombré 949 désastres naturels en 2010, contre une moyenne annuelle de 615 depuis 1980 » (le monde 18 janvier 2011). Bettina Laville dit qu’au sujet de l’environnement : « la sphère économique mondiale a compris l’enjeu » le rapport Stern est passé par là et plus personne n’ignore que les conséquences de la crise écologiques auront des coûts financiers extrêmement élevés.
Reconnecter les sociétés et la nature
Dans les propos des uns et des autres des idées neuves se font jour. Denis Baupin propose que les compétences des villes soient élargies, ne serai-ce qu’a titre expérimentale : « donnez nous les compétences pour interdire les 4X4 en centre ville, permettez nous d’agir sur le prix des logements », il y a aussi l’idée que l’Etat dans sa dotation aux villes pourrait donner plus à celles qui « font bien » ! L’idée de rapprocher les habitants du lieu de production de la nourriture thèse développée dans le film de Coline Serrault a aussi émergée. Denis Baupin dit que « 1% seulement de ce que mangent les habitants d’Île de France est produit en Île de France », où il y a des terres agricoles pourtant. Au chapitre des idées neuves Aurélie Trouvé ramène de son expérience à Belém qu’il faut « reconnecter les sociétés et la nature », nous quittons le siècle de la standardisation pour aller vers l’agro écologie, le retour des « savoirs indigènes ».
La fin d’un slogan
L’idée de créer un tribunal international contre les crimes environnementaux est là aussi, comme est là, la création de l’organisation mondiale de l’environnement dont parle la France depuis une quinzaine d’années. Les orateurs vont dans le sens de renforcer l’ONU et d’y intégrer l’OMC. On a sans doute assisté à la fin d’un slogan et ce n’est pas trop tôt. C’est Aurélie Trouvé qui a démarré en disant qu’il fallait « agir global », puis Bettina Laville lors de son tour de parole a dit qu’il faudrait aussi « penser local ». Tout va bien, enterrons pour de bon le vieux slogan éculé et « oui » pensons et agissons à toutes les échelles de territoire, nous en avons la possibilité, inutile de se restreindre.
Ces poteaux de toutes les couleurs trouvés dans Paris
L’association 4 D organise un processus de travail pour proposer du contenu. « Il faut que la société civile française se mette en mouvement » dira Pierre Radanne. Les éducateurs à l’environnement ont des idées et des expériences à apporter ici. Comme ces poteaux de toutes les couleurs trouvés dans Paris du coté de Nation et qui nous arrêtent forcement et nous font sourire. Ces poteaux transformés nous rendent joyeux, ils changent la vie. Ce qui nous rendra joyeux venant de Rio + 20 trouvera sans doute son origine dans quelques personnes éloignées des appareils où restées suffisamment libre malgré leur implication dans les collectifs. Des personnes de la base comme on dit, qui oseront prendre des initiatives, pinceaux et couleurs, comme ces milliers de tunisiens qui à un moment se sont dit, « il faut y aller, c’est évident ». Il n’y aura pas de progrès sans prise de risque. Une grave question demeure pour l’éducateur à la nature, à l’écologie, à l’environnement et au développement durable : « Peut-on encore espérer dans ces conférences internationales ? », « quels résultats ont eu les précédentes ? », « Avons-nous le droit de faire espérer la population, serions seulement pris au sérieux après Copenhague, après les promesses de voir s’arrêter l’érosion de la biodiversité en 2010, après les promesses de réduire la pauvreté de moitié avant 2015 ou 20 ? ». Une lassitude se fait forcément jour.
Une nouvelle façon d’habiter la Terre
Il faudrait un radical changement de méthodes qui mettrait en lien le haut et le bas. Une méthode qui mettrait dans la même histoire ceux qui préparent des lois et réglements pour une nouvelle façon d’habiter la Terre et ceux qui font sur le terrain leur seule conviction personnelle chevillée au corps. Ceux qui sont dans l’action et seuls crédibles après toutes ces paroles prononcées et si peu respectées. L’enjeu est bien là, il est dans la capacité que nous aurons à créer un dialogue constructif entre ceux qui disent et ceux qui font. Et que fleurissent les poteaux de couleurs sur le terrain, avec les encouragements des sommets, notre paysage est trop gris.