Question d’actualité sur la stigmatisation des Roms

Question d’actualité le 26 septembre 2011
Posée par Denis Baupin au nom du groupe EELVA
Au Préfet de Police
Sur la stigmatisation des Roms

M. le Préfet,

Le 12 septembre, le ministre de l’Intérieur a fait une descente très médiatisée sur les Champs Elysées. Sous couvert d’arrêté anti-mendicité, il a, de fait, donné le départ à une nouvelle étape dans la stigmatisation et la répression des Roms.

Ce faisant, il s’est inscrit dans la droite lignée du sinistre discours de Grenoble du président Sarkozy. A l’époque, surfant sur un fait divers ne les concernant pourtant pas, celui qui est censé incarner la France, les français, et les valeurs de la République, n’hésitait pas à pointer du doigt une catégorie de la population, à la désigner à la vindicte populaire et à annoncer des expulsions massives.

Dès cette époque, la commissaire européenne chargée de la justice, Viviane Reding, dénonçait la discrimination dont était victime une « minorité ethnique » et soulignait qu’elle pensait « que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre Mondiale ». Ces fortes paroles, de même que celle de l’ONU et même de l’Eglise catholique, dénonçant la grave dérive française, puis l’épisode de la vraie fausse circulaire honteusement retirée, avaient pu donner l’impression que le bras déportateur avait été stoppé.

Il n’en était malheureusement rien. Et de nombreuses associations, à commencer par Médecins du Monde, n’ont cessé de mettre en évidence cet acharnement contre des citoyens européens qui, depuis des siècles sont pourchassés, martyrisés, et ces derniers mois encore victimes de pogroms en Hongrie notamment.

Certes, il convient de ne pas faire d’amalgame. Mais comment ne pas avoir en tête les images des heures les plus sombres de notre Histoire quand une rame de tramway est spécialement affrétée pour aider la police à expulser une centaine de Roms dans un camp de Saint-Denis ?

Comment ne pas s’indigner quand cette escalade répressive s’accompagne d’une avalanche de soit-disant dérapages verbaux (de la part de parlementaires, voire de ministres depuis condamnés pour ces propos) qui participent de la construction de ce qu’il faut bien qualifier de nouveau socle idéologique raciste ? D’apéro saucisson vin-rouge à l’intérieur même de l’Assemblée nationale, en débat démagogique sur l’identité nationale, ou encore d’appel à serment aux armes, on ne compte plus les signaux nauséabonds adressés par une droite qui se disait autrefois républicaine à la frange la plus nationaliste et raciste de l’échiquier politique.

Comment ne pas avoir la nausée quand on voit qu’on s’acharne ainsi sur les plus faibles – des mineurs isolés membres d’un peuple parmi les plus pourchassés de la terre – , avec le soutien bruyant d’une partie de cette assemblée, quand au même moment on fait preuve de tant de mansuétude pour les Puissants… à commencer par un ancien maire de Paris, pour lequel la relaxe est demandé par le parquet, alors même que son parti au pouvoir – les mêmes qui veulent qu’on pourchasse les Roms – a déjà reconnu sa culpabilité en versant une bien faible compensation à la Ville ?

Comme dirait Claude Guéant « les Français ont parfois l’impression de ne plus être chez eux ». En effet, difficile aujourd’hui de reconnaître les valeurs de la France dans cette politique haineuse et discriminatoire.

Ma question, M. le Préfet, sera donc simple : vous nous avez régulièrement rappelé votre attachement aux valeurs républicaines et à une police républicaine. N’avez-vous pas le sentiment que le travail qu’on vous fait faire, et à travers vous qu’on fait faire aux forces de police, a bien plus à voir avec une basse instrumentalisation politicienne qu’avec les valeurs de la République ?