Publié le 2 février, 2011
0Paris et sept autres agglomérations veulent bannir diesels et 4×4 pour purifier l’air
Pressé par Bruxelles de combattre les microparticules, l’Etat va autoriser les grandes villes à limiter la circulation des véhicules les plus polluants
Alerte aux particules fines : le seuil d’information du public, fixé à 80 microgrammes par mètre cube d’air (mg/m3), a été dépassé, lundi 31 janvier, en Ile-de-France, en Rhône- Alpes, en Auvergne, dans le Nord- Pas-de-Calais, en Picardie et en Normandie. Comme chaque fois; les préfets ont demandé aux automobilistes de limiter leur vitesse.
Mais c’est une mesure bien plus radicale et permanente que préparent huit agglomérations : l’interdiction pure et simple, à partir de 2012, des véhicules les plus polluants. Paris, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Nice, Clermont -Ferrand, Aix -en-Provence et Plaine Commune (Seine-Saint- Denis) se sont portées volontaires, à l’appel du ministère de l’écologie, pour expérimenter des zones d’action prioritaires pour l’air (ZAP A).
L’enjeu est d’abord sanitaire : la pollution de l’air ampute l’espérance de vie des Français de neuf mois en moyenne et l’exposition aux particules fines provoque 40 000 morts prématurées par an. Mais l’urgence est aussi politique : la Commission européenne menace la France d’une action en justice imminente si rien n’est entrepris pour réduire les émissions. Malgré de nombreuses mises en garde, l’Hexagone est en infraction constante avec les normes européennes en vigueur depuis 2005.
» Trois millions de Franciliens sont affectés par les dépassements de seuils » indique Karine Léger, ingénieur à Airparif. Le long des principaux axes routiers, les capteurs d’Airparif enregistrent quelque 150 jours de pollution chaque année, et même jusqu’à 236 jours le long de l’autoroute Al, quand le maximum autorisé par l’Europe est de 35 jours par an.
» Pas d’alternatives » Les ZAPA ne régleront pas tout : les microparticules sont aussi émises par l’industrie, les chaudières à bois, d’autres sont apportées par le vent ou issues de réactions chimiques dans l’atmosphère. Mais » le long du trafic, jusqu’à 70 % des émissions proviennent des véhicules, et nos études montrent que les agglomérations sont la bonne échelle d’intervention », estime Joëlle Colosio, chef du service qualité de l’air à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Nous n’avons pas beaucoup d’alternatives.
Des dizaines de villes en Europe ont d’ailleurs mis en oeuvre des mesures similaires. » Berlin a diminué de 5 à 10 mg/m3 la concentration de particules fines, ce qui a permis de respecter la limite européenne de 40 mg/m3 en valeur annuelle « , raconte Karine Léger.
Faut-il se limiter aux grands axes? A l’hyper-centre ? A Paris, le comité de pilotage réunissant la municipalité, la préfecture de police, la Région et le syndicat Paris Métropole doit se réunir en février pour étudier, avec l’Ademe, les scénarios possibles. » Une vaste zone incluant Paris et la petite couronne jusqu’à l’A86 nous paraît la solution la plus pertinente, explique Denis Baupin, adjoint au maire, chargé de l’environnement.
Nous devons mesurer l’impact de chaque scénario sur la qualité de l’air, mais aussi en termes économiques et sociaux : quelles populations seront affectées, quels bassins d’emplois. ». » Principaux véhicules visés: les 4×4 et les diesels, plus gros émetteurs de microparticules. Soit la majeure partie du parc automobile : » Les trois quarts des véhicules en Ile-de- France sont des diesels « , observe M. Baupin.
L’Etat prépare un étiquetage des véhicules selon leur niveau de pollution, qui permettra aux villes d’identifier les catégories interdites. » Il faudrait éliminer de 5 % à 10 % des véhicules dans un premier temps, puis durcir progressivement les règles « , estime M. Baupin.
Encore faut-il que les règles soient cohérentes : le bonus-malus, pour combattre les émissions de C02, encourage l’achat… de diesels. Des équipements permettent certes d’atténuer leurs émissions de particules, mais, souligne Karine Léger, » les filtres à particules accroissent les rejets de dioxyde d’azote » un autre polluant atmosphérique dont la France peine à abaisser le niveau. Le futur étiquetage automobile intégrera-t-il à la fois le C02, les particules fines et le dioxyde d’azote? Ce sera l’un de ses enjeux.
Grégoire Allix