Publié le 6 décembre, 2011
0Interview sur LCI : lancement d’Autolib’
Invités:
• Denis BAUPIN, adjoint au maire de Paris
• Yves CONTASSOT, conseiller de Paris
Date de parution: 06.12.2011
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
En France, on en vient à cette opération Autolib’ à Paris. L’audacieux
pari électrique de Vincent BOLLORÉ et Bertrand DELANOË.
BENEDICTE LE CHATELIER
C’est parti depuis minuit, tout juste quelques minutes, le système de
voitures électriques en libre-service est donc ouvert. Ca commence dans la
capitale et on va rejoindre du coup Nicolas HERBEAUX qui est près de l’hôtel
de ville. Bonjour Nicolas. Vous êtes donc à cette inauguration.
NICOLAS HERBEAUX
Bonjour!
BENEDICTE LE CHATELIER
Alors comment ça marche Autolib’ ?
NICOLAS HERBEAUX
Eh bien pour pouvoir l’utiliser, Bénédicte, Jean-François, il va falloir tout
d’abord eh bien s’abonner. Pour cela, vous devez aller sur le site Internet
d’Autolib’, autolib.eu ou alors dans les espaces, il en existe 40 dans la capitale
et en banlieue proche. Pour pouvoir donc vous abonner, il vous faudra trois
documents: le permis de conduire, une pièce d’identité et votre carte bleue et
dans cet espace, vous serez mis en liaison par visioconférence avec un
opérateur et c’est là que vous devrez faire choisir eh bien votre formule
d’abonnement: 10 euros pour toute la journée, 24 heures donc, ou encore 144
euros pour toute l’année et ensuite, vous paierez chaque demi-heure utilisée
pour la voiture entre 7 et 5 euros. A partir donc de tout à l’heure, vous pourrez
prendre l’une des 250 voitures qui est mise en circulation aujourd’hui avec votre
abonnement. Vous pourrez parcourir 250 kilomètres, c’est l’autonomie de cette
batterie, de cette voiture électrique et ensuite, eh bien vous pourrez la reposer
dans n’importe quelle station, il en existe 250 à l’heure actuelle dans Paris et
dans les 40 communes qui sont partenaires de ce dispositif.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Nicolas, dans quelle ambiance, a été lancée cette opération Autolib’ ?
C’était il y a presqu’un quart d’heure maintenant?
NICOLAS HERBEAUX
Ils sont encore en train de parler derrière moi, Jean-François, à l’heure
où je vous parle, une ambiance évidemment importante puisqu’ici, on nous
présente cette nouveauté comme une première mondiale. Vincent BOLLORÉ,
le patron du groupe BOLLORÉ, qui a conçu cette voiture et cette batterie nous
disait que toutes les villes européennes notamment avaient les yeux rivés sur
Paris qui teste grandeur nature le partage de la voiture électrique, une première
donc dans le monde entier et puis, le maire de Paris, Bertrand DELANOË, qui a
également voulu insister sur la liberté de choix des citadins dans la ville dans
une ville où il y aura selon lui eh bien moins de voitures stationnées, donc moins
d’embouteillages et moins de pollution. A terme, si le projet va évidemment
jusqu’à son terme, eh bien, il y aura dans quelques mois 3 000 véhicules dans
tout Paris et dans la proche banlieue et 1 600 stations.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Merci Nicolas!
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Voilà pour le mode d’emploi! Merci Nicolas!
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Absolument!
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Alors, on va parler avec Denis BAUPIN, bonjour.
DENIS BAUPIN
Bonjour!
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Vous nous avez rejoints sur le plateau, vous êtes adjoint au maire de
Paris. Votre sentiment, vous, sur le système Autolib’ qui est très critiqué quand
même, on va y venir?
DENIS BAUPIN
Nous, on l’a dit dès le départ; on est favorable à l’idée de partager les
voitures: Ca, c’est une bonne chose. Simplement, il existe aujourd’hui à travers
le monde en pleine ville en France, y compris déjà à Paris, des services qui
s’appelle l’autopartage, c’est-à-dire que vous vous abonnez et vous prenez une
voiture de temps en temps et puis, vous la ramenez à votre point de départ !
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Ca marche moyen ça !
DENIS BAUPIN
Ca se développe beaucoup ailleurs. A Paris, ça a été retardé puisque
depuis trois ans évidemment avec l’idée de lancer Autolib’, le système n’a pas
été développé au niveau où il aurait pu l’être. Si on avait mis les moyens que
l’on met aujourd’hui sur Autolib’ sur le développement de l’autopartage, il y
aurait énormément d’abonnés. A Londres, il y a 80 000 abonnés par exemple.
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Parce que là, Autolib’, on ne le ramène pas au point de départ ?
DENIS BAUPIN
Exactement et ça change complètement la conception du système;
c’est-à-dire qu’avec l’autopartage, la voiture, c’est en quelque sorte la voiture balai,
celle que vous utilisez quand vous ne pouvez pas faire autrement.
D’habitude, vous prenez les transports collectifs, le Velib’ et là, avec Autolib’,
vous avez un risque que des gens qui aujourd’hui sont des utilisateurs de
transports collectifs ou de Velib’ disent « puisque j’ai payé un abonnement, il
faut que je le rentabilise …
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Et prendre la voiture.
DENIS BAUPIN
Et utiliser régulièrement la voiture. Donc vous avez une conséquence qui
risque d’être une utilisation accrue de la voiture et par ailleurs, comme vos
voitures vont se retrouver un peu partout dans les stations, vous avez de temps
en temps besoin de les ramener comme ça se passe pour Velib’ aujourd’hui. Et
la différence, c’est que les Velib’, vous en mettez 20 sur un camion. Là, les
Autolib’, vous allez avoir un chauffeur à chaque fois qui va ramener les voiture.
Donc ça coûte extrêmement cher.
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Il faut avoir des stations plus libres, des placiers, quoi parce que les
stations, ce ne sera pas comme sur les Velib’ où il y a 30 places de vélo, c’està-
dire qu’une station d’Autolib’, il y a cinq places quoi!
DENIS BAUPIN
Oui maximum! Et donc vous allez avoir des placiers comme vous dites
ou des jockeys – c’est comme cela qu’on les appelle – qui vont ramener les
voitures et ça va coûter extrêmement cher. Le système d’autopartage est
aujourd’hui un système qui est connu comme étant à peu près équilibré
économiquement et encore, c’est tendu mais avec Autolib’, ça va coûter
beaucoup plus cher. Même BOLLORÉ dit que peut-être au bout de la 7ème
année, il finira par équilibrer son système. Et donc pourquoi est-ce que l’on
prend autant de risques alors que l’on pourrait développer un système
d’autopartage facilement sur la ville?
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Alors, on va écouter le maire de Paris, Bertrand DELANOË, qui
s’exprimait ce matin sur ce grand projet et puis on vous écoutera Yves
CONTASSOT.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Yves CONTASSOT, on veut la disparition totale de l’automobile ou pas?
C’est ce que dit Bertrand DELANOË. Il faut garder un peu de voitures quand
même!
YVES CONTASSOT
Non mais c’est sa caricature habituelle. Donc on n’est pas très surpris de
son discours. Qu’il faille des voitures, personne ne peut le contester mais il
existe des tas de modes d’utilisation de la voiture parce qu’en fait,
AUTOLlB’, c’est quoi? C’est un taxi sans chauffeur. Mais ça n’est rien d’autre
qu’un taxi sans chauffeur. Si on avait en France un système de taxi digne de ce
nom …
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Vous voulez dire comme en Angleterre par exemple …
YVES CONTASSOT
… comme on en trouve dans toutes les capitales, on n’aurait pas besoin
d’Autolib’ ; on n’aurait pas besoin de subventionner avec des impôts un système
qui effectivement est un système qui vise un tout petit noyau de personnes. Je
rappelle que BOLLORÉ, il vise 80 000 abonnés au bout de sept ans …
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Pour rentrer dans ses frais.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Pour une ville de 2,5 millions d’habitants …
YVES CONTASSOT
… Non pour une métropole …
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Une métropole oui!
YVES CONT ASSOT
… de 6 millions d’habitants. Autrement dit, ce sont des investissements
considérables financés par l’argent public pour un tout petit nombre
d’utilisateurs. Ce n’est pas tout à fait la conception que l’on a du service public.
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Et il faut préciser aussi que les chauffeurs de taxi sont furieux mais les
loueurs de voiture également qui dénoncent carrément une concurrence
déloyale, qui attaque d’ailleurs …
YVES CONTASSOT
Mais vous savez qu’il y a une plainte, il y a une plainte en Justice, on
verra si elle prospère ou non mais effectivement on peut s’interroger. Quelle est
la différence réelle entre l’abonnement chez un loueur qui … où on peut aller
chercher la voiture quelques heures par jour? La seule différence, c’est qu’on la
ramène la voiture et come dans l’autopartage; là, effectivement, comme le
disait Denis BAUPIN …
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Enfin une voiture de location, on peut la ramener dans une autre agence
YVES CONTASSOT
On peut la ramener dans une autre agence …
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Ca coute plus cher mais enfin voilà …
YVES CONTASSOT
… mais disons qu’il y a un maillage, on ne peut pas la laisser totalement
n’importe où. Là, on va pouvoir la laisser soi-disant n’importe où, on verra à
l’usage. Je ne suis pas du tout certain que très rapidement, on ne dira pas
«vous ne pouvez pas la laisser totalement n’importe où» parce que c’est
ingérable de ramener les voitures là où il yen a besoin.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Denis BAUPIN, on perd combien de places de stationnement puisqu’il
faut installer ces Autolib’ ?
DENIS BAUPIN
Oh quelques centaines mais ça ce n’est pas forcément une difficulté.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Ca fait râler pas mal de Parisiens aussi !
DENIS BAUPIN
Oui mais si on avait développé l’autopartage que l’on préconise, il aurait
fallu la même chose. D’une certaine façon, mettre des places qui sont utilisées
par des voitures qui vont être utilisées par 15, 20 personnes plutôt que par une
seule personne, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. On le fait quand
on fait des couloirs de bus, on le fait quand on doit mettre des places pour les
livraisons, etc. Il faut qu’il y ait un partage de l’espace. Donc de fait, aller vers la
puissance partagée, ça, ça va dans le bon sens. Notre critique n’est pas làdessus.
L’idée que l’on aille vers de moins en moins véhicules individuels, c’est
une bonne chose y compris parce que les gens n’ont plus les moyens d’acheter
une voiture. S’il y a des plans de licenciement aujourd’hui aussi importants dans
l’automobile, c’est que la voiture telle qu’elle existe, sa forme aujourd’hui, aussi
grosse, aussi massive, aussi rapide est quelque chose qui devient de moins en
moins adapté aux moyens des consommateurs.
JEAN-FRANÇOIS RABILLOUD
Et sur le principe de l’utilisation de l’électricité et donc des centrales
nucléaires, enfin, bon, il faut la produire l’électricité?
DENIS BAUPIN
Oui mais enfin l’essence, c’est aussi polluant. Donc la question n’est pas
sur la motorisation. Nous, on n’axe pas là-dessus parce que demain on verra
bien parce que les voitures électriques pour l’instant, elles ne sont pas vraiment
sécurisées, il y a des problèmes de batteries, etc., on verra si l’avenir est plutôt
voiture au gaz, voiture avec y compris du biogaz par exemple, ça peut être la
solution ou de l’électricité qui serait de l’électricité renouvelable. Ca, à l’avenir, il
y a différentes possibilités mais ce qu’il faudra, c’est des voitures plus petites
dans la ville surtout, c’est d’arrêter les 4X4, d’arrêter ces véhicules qui sont
censés rouler à 200 km/h et qui finalement toute la journée ne roulent qu’à 30 et
qui pourraient coûter beaucoup moins cher si justement on ne les fabriquait qu’à
30 km/h
BENEDICTE LE CHA TEL/ER
Bah justement merci beaucoup à tous les deux d’être venus sur ce
plateau.