Publié le 4 octobre, 2011
0Les paris risqués d’Autolib (nouvelobs.com)
Publié le 04-10-11 par Louis Morice
Pour atteindre l’équilibre, le tout nouveau réseau de véhicules en libre service doit convaincre 80.000 utilisateurs. EELV dénonce une « supercherie ».
Après Vélib, c’est maintenant Autolib qui fait son entrée dans Paris. Une entrée certes bien modeste puisque, depuis dimanche 2 octobre, seuls 66 des BlueCar de Vincent Bolloré sillonnent les rues de la capitale avec 33 stations. C’est déjà trop pour les élus écologistes d’Ile-de-France dont la priorité reste de réduire le nombre de voitures dans les rues. Dans un communiqué de lundi 3 octobre, EELV tonne contre la « fausse bonne idée » du système Autolib et rappelle sa préférence pour un investissement massif dans les transports en commun.
Denis Baupin, maire adjoint EELV de Paris, rappelle que dès les municipales de 2008, les écologistes ont spécifié leur désaccord à ce projet. « Nous sommes bien sûr pour que la voiture devienne un objet de partage », explique l’élu au « Nouvel Observateur », « mais Autolib, ce n’est pas de l’auto-partage. Nous ne sommes pas contre la prise de risques, mais là, il s’agit d’un risque inutile. Il aurait suffit de renforcer l’auto-partage, un système robuste et qui a déjà fait ses preuves dans des villes comme Londres. »
« Un signal contre-productif »
L’aventure Autolib ne fait pourtant que commencer. D’ici l’été 2012, après deux mois de tests, le réseau de véhicules électriques en libre service devrait disposer de 3.000 voitures et 6.000 stations dispersées sur Paris mais aussi dans 45 communes de la périphérie. A l’instar du système Vélib, le conducteur peut emprunter la voiture à une borne et la déposer à une autre. « C’est bien le problème », précise Denis Baupin, « l’auto-partage implique le retour du véhicule à sa station de départ. Il n’est utilisé que lorsqu’il y a un besoin spécifique. Avec Autolib, ce sont ceux qui ont pris l’habitude de faire autrement, que ce soit avec Vélib ou les transports en commun, qui vont se mettre à prendre une voiture. C’est un signal contre-productif ».
Pour accéder aux BlueCar, dont le véritable lancement commercial est prévu le 5 décembre, il faudra, comme pour Vélib, prendre un abonnement, compris entre 10 euros pour la journée et 144 euros pour un an. La demi-heure de circulation coûte elle entre 5 et 7 euros, en fonction de l’abonnement. Seule restriction, l’utilisateur doit être titulaire du permis de conduire.
Silencieuses et sans gaz d’échappement
Silencieuse, sans gaz d’échappement, la nouvelle citadine part à la conquête de la route et de l’abonné. « Bien sûr, cette voiture a un avantage sur la pollution locale », reconnaît Denis Baupin, mais on oublie le nucléaire nécessaire pour produire l’électricité. Et puis, ces voitures vont-elles résister sur la durée ? » Pour Vincent Bolloré, il s’agit d’un test grandeur nature sur l’efficacité de ses batteries lithium métal polymère. Le constructeur annonce une autonomie de 250 km. La charge complète de la batterie prend ensuite une dizaine d’heure. Si cette petite merveille fait ses preuves, l’homme d’affaires, qui mise sur 80.000 utilisateurs, compte atteindre l’équilibre financier sur 7 ans.
A la mairie de Paris, l’adjointe aux transports Annick Lepetit se veut confiante : « Les Franciliens sont prêts pour une nouvelle conception des déplacements urbains », a-t-elle récemment déclaré. Les premiers couacs proviennent pourtant des partenaires écologistes de la mairie socialiste qui dénoncent une « supercherie ».
50.000 euros pour une station
La première inquiétude d’EELV porte sur le coût de l’opération, le coût de chaque station s’élevant à 50.000 euros. Pour la seule ville de Paris, cela représente donc près de 25 millions d’euros. De plus, si la rentabilité espérée par Bolloré au bout de sept ans, EELV estime que les communes concernées risquent de devoir renflouer le dispositif. Le contrat de délégation de service public prévoit en effet d‘indemniser Bolloré si les pertes atteignent 60 millions d’euros.
Mais le vrai scandale pour les écologistes, c’est bien de mettre en circulation des voitures supplémentaires « en contradiction avec le PDU (Plan de Déplacement Urbain) de la région ». De son côté, la maire de Paris estime qu’Autolib devrait justement permettre de retirer 22.500 voitures thermiques du parc parisien. Il reste désormais à voir si les 80.000 automobilistes de la région attendus par Bolloré seront au rendez-vous.
Louis Morice – Le Nouvel Observateur