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Publié le 10 septembre, 2007

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LES DEBATS DE FRANCE INFO : Borloo au Groenland, analyse de Denis Baupin

VALERIE MASSON-DELMOTTE
Bonjour.

JOURNALISTE
Vous faites partie notamment du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC. Et puis autre débatteur Denis BAUPIN, membre des Verts et adjoint à la mairie de Paris, chargé notamment des transports et de la circulation, bonjour Denis BAUPIN.

DENIS BAUPIN
Bonjour.

JOURNALISTE
Première question, cette visite éclaire au Groenland de Jean-Louis BORLOO, est-elle vraiment utile pour sensibiliser le grand public au réchauffement climatique, Denis BAUPIN ?

DENIS BAUPIN
Ecoutez, moi, je ne vais pas taper sur une initiative, si elle permet que monsieur BORLOO prenne conscience de l'ampleur du dérèglement climatique et contribue à ce que les choses bougent. Simplement, il ne faudrait pas que ce soit simplement un nuage de fumée qui soit mis en place, si je peux me permettre cette expression sur le dérèglement climatique, mais un nuage de fumée, avant le « Grenelle de l'environnement » et puis que derrière, il n'y ait pas d'initiative. Ce que je constate aujourd'hui c'est que d'un côté on a beaucoup de baroufle médiatique et qu'en même temps, on attend toujours des initiatives très claires de la part du gouvernement, sur la lutte contre le dérèglement climatique. Il y a eu la semaine dernière, une réunion très importante à Vienne, pour préparer ce qu'on appelle « l'après Kyoto », c'est-àdire après les accords de Kyoto, comment on va poursuivre la lutte contre le dérèglement climatique? Il a été mis en évidence que les moyens nécessaires en investissements, étaient de l'ordre d'150 milliards d'euros. Alors ça peut paraître une somme gigantesque, mais enfin comparons aux cadeaux fiscaux qui ont été décidés pendant l'été dernier, qui était rien que pour la France, de 15 milliards d'euros. Donc 150 milliards sont nécessaires sur l'ensemble de la planète, pour lutter contre le dérèglement climatique, nous dit notamment le GIEC. Et la France fait 15 milliards de cadeaux fiscaux. Peut-être que si on consacrait ces 15 milliards, plutôt à lutter contre le dérèglement climatique, ça permettrait justement d'avoir une efficacité bien plus grande.

JOURNALISTE
Valérie MASSON-DELMOTTE, quelle est votre position sur ce voyage de Jean-Louis BORLOO ?

VALERIE MASSON-DELMOTTE
Alors d'abord c'est vrai qu'il faut attirer l'attention du grand public sur les pôles. Ce sont les endroits qui se réchauffent le plus vite, ce sont aussi des endroits où le réchauffement aura des effets à grande échelle, sur la circulation de l'océan, le niveau des mers par exemple avec la fonte des glaciers du Groenland. Et nous comme scientifique, nous avons des efforts coordonnés actuellement, dans le cadre de l'année polaire internationale et c'est donc assez symbolique, qu'un représentant de l'Etat français joigne ses efforts à ceux des scientifiques, pour mettre en avant les changements qui sont tout à fait visibles, sur le paysage des régions polaires. D'un autre côté, il me semble également que par rapport aux enjeux du réchauffement climatique, une des difficultés c'est de faire le lien entre les changements, les bouleversements qui se produisent et nos actions à nous, en particulier dans les pays développés où nous utilisons beaucoup d'énergie. Et il me semble que dans ce contexte-là, l'Etat Français se doit d'être exemplaire.

JOURNALISTE
Alors justement, ce voyage au Groenland va être coûteux en COz, l'un des principaux gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique. On parle de 65 tonnes de COz émises pour ce voyage. Le ministère de l'écologie a prévu de compenser ces émissions en contribuant financièrement à un projet écologique, dans le cadre du protocole de Kyoto. Mais est-ce que tout cela a un sens, Denis BAUPIN ?

DENIS BAUPIN
C'est sûr qu'on peut se dire qu'à partir du moment où Al GORE a fait un film, qui a été très largement diffusé, où il ya des reportages quasiment toutes les semaines à la télévision sur le dérèglement climatique et ce qui se passe et l'incidence que ça a sur les pôles, on peut se demander si vraiment Jean-Louis BORLOO avait besoin d'aller sur place, pour se rendre compte de la situation. Maintenant, ce n'est pas les 65 tonnes qu'il faut compenser du voyage sur place, c'est bien plus. C'est-à-dire que si ce voyage doit avoir une utilité, puisque le ministre a estimé qu'il y avait besoin d'aller sur place, c'est que ça permette réellement une prise de conscience qui permette de modifier la façon dont on va concevoir les politiques publiques. Je lisais un sondage qui a été réalisé récemment, qui montre que 35 % seulement des Français estimeraient utiles de réduire de 10 kilomètres heure, la vitesse sur les routes et les autoroutes. Il faut convaincre les 65 % restants que si c'est nécessaire. Nous ne pouvons plus aujourd'hui, nous permettre de continuer à gaspiller, simplement pour gagner deux ou trois minutes sur un parcours, si l'économie qui serait ainsi réalisée à la fois sur nos réserves pétrolières mais à la fois en terme de pollution et d'émission de gaz à effet de serre, permet d'aller vers la résolution du problème. Réduire la vitesse sur les routes et les autoroutes, c'est complètement indolore, ça ne coûte rien au porte-monnaie, ça permet de contribuer à lutter contre le dérèglement climatique. De la même façon, il faut limiter la puissance des véhicules à la construction. Il y a beaucoup de mesures comme ça, que l'on peut prendre, qui sont relativement indolores à condition que tout le monde prenne conscience qu'entre les dégâts du dérèglement climatique et les petites gênes que cela peut occasionner dans notre vie quotidienne, de modifier un peu nos habitudes, il n'y a pas photo, il y a vraiment nécessité d'agir.

JOURNALISTE
Valérie MASSON-DELMOTTE, sur cette contradiction apparente entre parler du réchauffement climatique en dépensant du C02 ?

VALERIE MASSON-DELMOTTE
On sait aussi quelque chose qui ressort pas mal dans le documentaire d'Al GORE, avec les nombreux voyages que lui-même pratiquait. Surtout ce moi, ce que je voudrais dire, en tant que c1imatologue, moi, j'aimerais que l'information vers le grand public ça ne soit pas que du catastrophisme, un glacier qui libère des icebergs, ou un évènement extrême qui est mis en avant. Moi, je pense qu'on a besoin de travailler, nous, comme spécialiste du climat, avec les médias. Votre rôle est essentiel, pour informer les gens, parce que le climat va changer, on n'en voit que les prémices. Et la plupart des gens sont très mal formés pour situer cette évolution du climat, par rapport à leur vie de tous les jours, par exemple. Donc on a besoin d'expliquer les faits, les glaciers du Groenland qui reculent, aujourd'hui c'est déjà 0,2 millimètre par an, que le Groenland relâche en terme de niveau des mers. C'est colossal. Donc ces ordres de grandeur-là, il faut arriver à les expliquer, de même que nos certitudes et aussi nos incertitudes. Quel sera le devenir de la Banquise dans l'Arctique? Elle a aujourd'hui perdu un et demi million de kilomètres carrés depuis le mois de juillet dernier. C'est l'évènement le plus spectaculaire pour moi, bien au-delà des glaces du Groenland qui recule. On a un changement climatique qui s'accélère, et je pense qu'il est indispensable de prendre le temps, de prendre du recul par rapport aux faits, aux déplacements, aussi spectaculaire soient-ils, pour expliquer au grand public le changement climatique qui est en marche, les enjeux et la marge de manoeuvre dont nous disposons pour en atténuer les effets.

JOURNALISTE
Merci, Valérie MASSON-DELMOTTE et merci, Denis BAUPIN, donc pour parler de ce voyage de Jean-Louis BORLOO au Groenland.

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