Médias Logo AFP

Publié le 3 novembre, 2014

0

Drones : des objets volants mal identifiés

Ces drones inquiètent et posent la question de la sécurité des centrales. De leur capacité à résister à des attaques terroristes. «Leur vulnérabilité est un sujet tabou, déplore Denis Baupin, député EE-LV. On répète que les bâtiments des réacteurs résisteraient à un crash d’avion, c’est faux. Les piscines où sont entreposés les combustibles irradiés sont les plus vulnérables, car elles ne sont pas dans des bâtiments en béton armé.» Il évoque l’usine de retraitement de la Hague, où, «depuis le 11 septembre 2001, des missiles sol-air sont positionnés pour la protéger. Mais son toit est en tôle !» Si une piscine est endommagée et que l’eau s’écoule, comme ce qui s’est produit à Fukushima, il faut en effet être capable de maintenir les combustibles sous l’eau. «C’est le risque principal qu’on puisse imaginer avec des drones», note l’élu écologiste.

Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a évoqué la mise en place de systèmes de brouillages pour neutraliser les objets volants. «Depuis, les tirs sur les drones seraient autorisés, laissant entendre que le brouillage ne serait pas efficace», ironise Baupin. Il faudrait notamment «bunkériser» les piscines, ce que demande aussi l’Autorité de sûreté nucléaire. Mais ce genre de travaux prend du temps. Et nos centrales vieillissent, les cuves des réacteurs se fragilisent. Celles-ci avaient été construites pour durer jusqu’à quarante ans, or plusieurs approchent de l’échéance. EDF veut rallonger leur durée de vie.

«Si, c’est grave». «Le lien entre l’affaire des drones et la sûreté, c’est la réaction d’EDF, qui répond toujours que ce n’est pas grave. Si, c’est grave ! insiste le journaliste Thierry Gadault, qui publie une enquête glaçante (EDF, la bombe à retardement, First Editions ). Porter plainte ne suffit pas, EDF a le droit de reconnaître que les drones posent de nouveaux problèmes de sécurité. Mais on est le pays du nucléaire heureux…» Sa thèse : il ne faut pas se demander s’il va y avoir un accident nucléaire grave en France, mais plutôt quand et où…

Ces drones-là n’amusent ni ne créent, n’informent ni n’aident. Mais ils relancent la polémique sur leur usage premier : militaire puis policier. Car ces engins servent depuis longtemps à espionner, à surveiller. Au profit de militants australiens qui y ont eu recours contre un site d’élevage intensif de poulet, par exemple. Ou au détriment de militants de Notre-Dame des-Landes, régulièrement survolés dans leur ZAD… «Les drones rendent la surveillance plus facile et moins coûteuse», estime Ryan Calo, professeur à l’université de Washington, auteur de The Drone As A Privacy Catalyst. Et de conclure: «En conséquence, nous allons probablement en voir de plus en plus», dit-il dans une lettre de la Cnil, parue en décembre 2013. Ils sont «l’incarnation technologie et froide de la surveillance».

«Quadriller, contrôler». Une surveillance panoptique «partout et tout le temps» déjà imaginée en 1975 par Michel Foucault dans Surveiller et Punir. Le philosophe avait extrapolé à partir du système pénitentiaire imaginé au XVIIIe siècle par Jeremy Bentham en Grande-Bretagne. Un détenu peut être surveillé par un gardien sans savoir s’il est observé ou pas, ce qui l’amènerait à se réguler de lui-même… Le drone, écrivait Noël Mamère en 2007 dans Libération, c’est «l’application modernisée du panoptique à la ville entière, c’est un système de surveillance disciplinaire généralisé qui a pour mission de quadriller, contrôler, dresser les individus». Pour dénoncer ce risque, le Parti des pirates allemand a envoyé un drone à Angela Merkel lors d’un meeting en septembre 2013.

Le marché du drone, lui, se porte comme un charme. Il est en plein boom et pesait déjà 5,2 milliards en 2013. Pas moins de 30 000 drones pourraient opérer sur le seul sol américain d’ici 2020. En France, il sera sûrement un best-seller à Noël. Le mois dernier, un touriste israélien de 24 ans, qui s’amusait à faire voler un drone sans autorisation sur du parvis de Notre-Dame, a écopé de 400 euros d’amende.

Par Jonathan Bouchet-Petersen, Christian Losson et Coralie Schaub – AFP – 2 novembre 2014

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  



Comments are closed.

Retour en haut ↑
  • Sur Twitter

  • Sur LinkedIn

  • Facebook

  • Rapport sur les nouvelles mobilités

    Le rapport sur les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques
  • Rapport pour la transition énergétique

    Rapport relatif à la transition énergétique
  • Compte-rendu et vidéos

    Commission d enquête sur les coûts de la filière nucléaire
  • Videos