Publié le 2 octobre, 2014
0Transition énergétique : une dernière touche verte
Les députés examinent ce mercredi le projet de loi, qui rassure en partie EE-LV et les associations écolos.
Les écologistes, ONG ou politiques, ont (enfin) de quoi se réjouir. Le projet de loi «relatif à la transition énergétique pour la croissance verte», qu’ils attendaient tant et qui arrive ce mercredi à l’Assemblée nationale, vient d’être «verdi» par une série d’amendements adoptés à marche forcée en commission spéciale après un marathon de quatre jours et trois nuits achevé samedi soir. «Il y a réellement eu des avancées importantes», se félicite le député EE-LV Denis Baupin, corapporteur de la loi et auteur de nombreux amendements. «Il manque toujours au projet de loi des moyens et une vraie volonté politique, relativise sa consœur Cécile Duflot, elle aussi jointe par Libération.Mais il a le mérite de fixer deux bons objectifs : la baisse de 50% de la consommation d’énergie finale d’ici 2050 et le passage de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2025. Ceux-ci marquent une rupture dans la politique énergétique de la France basée sur le nucléaire et le gaspillage».
«Chantier». Résultat : le «Transitiomètre» a grimpé. Avant l’examen en commission, cet outil lancé par des ONG pour mesurer l’ambition réelle du projet de loi estimait que celui-ci «a une capacité de 20% à atteindre les engagements de la France» (voir Libération du 10 septembre). Voilà qu’il a «progressé de 10 points, passant de 20% à 30%, estime Anne Bringault, coordinatrice de la transition énergétique pour les associations. C’est un résultat très positif qui montre le travail constructif des parlementaires, mais le chemin reste encore long». Le volet qui a connu le plus d’avancées à leurs yeux ? Le bâtiment. Présenté par la ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Ségolène Royal, comme «le principal chantier» de la loi – il y a là un gisement immense d’économies d’énergie -, il a été pas mal étoffé. La performance énergétique sera désormais prise en compte dans les critères de décence des logements. «Mine de rien, c’est essentiel», souligne la corapporteure PS, Sabine Buis. L’objectif d’un parc immobilier rénové aux normes «Bâtiment basse consommation (BBC)» d’ici 2050 a aussi été ajouté au texte. De même que l’obligation de rénover tous les logements de classe F et G à l’horizon 2030. Ou encore la création d’un «carnet de santé» du bâtiment mentionnant les informations utiles à l’amélioration de sa performance énergétique et celle d’un fonds de garantie pour faciliter le financement des travaux.
Côté nucléaire, la plupart des écolos se satisfont de l’adoption d’une nouvelle procédure d’autorisation lorsque l’opérateur voudra dépasser les 40 ans de vie d’une centrale. «C’est désormais très clairement encadré», estime Baupin, qui salue aussi des améliorations en matière de financement participatif pour les projets d’énergies renouvelables. Duflot note aussi «une vraie avancée» – de son fait – : l’obsolescence programmée d’un produit pourra être punie comme une tromperie «sur [sa] durée de vie intentionnellement raccourcie lors de [sa] conception». «Ce sera compliqué à prouver, c’est vrai, mais, au moins, on a un arsenal juridique», estime-t-elle.
Rassurés, les écologistes jugent toutefois le texte largement perfectible. «Sur les transports, les avancées très minces (10% de véhicules propres pour les taxis et loueurs à compter de 2020) sont annulées par un point négatif, l’inclusion des biocarburants dans la définition des véhicules propres», déplore Anne Bringault. Qui réclame aussi avec insistance l’ajout d’un objectif de réduction de la consommation d’énergie en 2030, à l’instar de la Fondation Nicolas Hulot et d’EE-LV. Ou plaide aussi pour un renforcement du dispositif de tiers financement (qui permet à un organisme non bancaire d’avancer l’argent de la rénovation thermique d’un bâtiment et de se rembourser grâce aux économies réalisées).
Voix. «Nous veillerons à ce que le texte ne soit pas détricoté, assure Baupin. Sur ces sujets, on n’a pas que des amis dans l’hémicycle.» Les débats risquent d’être nourris, l’opposition comptant notamment donner de la voix sur le nucléaire, ne serait-ce que pour la forme. Et Duflot de souffler : «On voit bien l’objectif du rapport parlementaire sur le coût de la fermeture de Fessenheim…» Présenté mardi, il l’estime à 5 milliards d’euros, ce que Royal a démenti. EE-LV «se battra» aussi pour «des objectifs renforcés en matière de renouvelables» ou «une meilleure protection des travailleurs sous-traitants du nucléaire».
Restera une question, centrale : et la fiscalité écologique ? «Le vrai sujet est là, admet Buis. Il s’agit moins de trouver de nouveaux financements que de faire payer ceux qui doivent payer.» Elle déplore que l’amendement de son collègue PS Jean-Paul Chanteguet suggérant d’inscrire dans le texte une hausse progressive de la Contribution climat énergie (sorte de taxe carbone revisitée) pour atteindre 100 euros la tonne de CO2 en 2030 ait été tronquée par Royal, hostile à toute fiscalité écologique. «Il manque une jambe à ce texte : la fiscalité, qui devrait se faire à prélèvements constants pour inciter au changement de comportements, estime l’avocat Arnaud Gossement. Le énième report de l’écotaxe ou la possible suppression de la taxe générale sur les activités polluantes sont de très mauvais signaux…»
Libération – Coralie SCHAUB